Les billes lumineuses remplissent l’océan noir qui flotte au-dessus de sa tête. Elle veut les attraper, les garder près d’elle pour illuminer sa chambre les soirs d’orage. Quitter même le sol l’espace d’un instant pour nager avec elles telle la loutre que son père lui a montré l’autre jour. Regard languissant, elle ne quitte les yeux du spectacle lumineux que pour apercevoir sa mère dans l’embrasure de la porte.
« Maman, je veux devenir une étoile. Tu crois que tu peux m’envoyer là-haut pour la nuit? »Yeux semblables se rencontrent et un doux sourire illumine le visage de ce double si différent. Doucement, comme seule elle sait le faire, elle prend place à côté de la petite fille et observe à son tour le firmament étalé à perte de vue à travers la campagne.
« Tu es déjà un astre, ma chérie. On ne peut pas être une étoile et une lune à la fois tu ne penses pas? »« Mais elles nagent dans le ciel! Moi aussi je veux voyager avec elles, elles doivent voir tellement de choses! Je suis sûre qu’avec elles je peux trouver un Ronflak cornu pour papa. »Un rire mélodieux s’échappe des lèvres nacrées, une main caresse doucement la chevelure de la voyageuse frustrée.
« Les étoiles ne font que regarder de loin sans jamais s’arrêter. Elles ne voient qu’une image fugace d’une myriade de mondes. Elles ne connaissent au final que peu de choses. Toi en revanche, tu peux peindre un véritable tableau avec tout ce qui se trouve sur cette planète. Tu n’as pas besoin d’aller si loin pour voir des choses merveilleuses, tu auras même le temps de les chercher à ta guise si elles sont dissimulées. Et tu ne voudrais pas nous laisser seuls ton père et moi, non? »Moue songeuse. Elle ne veut pas quitter ses parents. Ce sont les parents les plus merveilleux du monde et elle n’a pas non plus envie de ne pas pouvoir s’arrêter une fois partie. Son regard glisse alors sur l’autre source lumineuse.
« Et la lune? Tu peux me faire devenir une lune maman? »« Tu es déjà une lune, mon vivet doré. »Rire enfantin remplit la pièce. Satisfaite et ses ardeurs de plongeuse nocturnes calmées, elle se laisse guider sous les couvertures. Paupières lourdes, elle est sur le point de fermer les yeux quand une petite bille lumineuse se pose sur son nez. Tel un ressort, elle se dresse en sursaut, frottant ses yeux devant le doux spectacle qui a pris place au-dessus de son lit. Des minuscules lumières dansantes virevoltent doucement, suivant un rythme qu’elles seules peuvent entendre.
Son regard croise celui amusé de sa mère, baguette en main et prête à partir.
« Pour ce soir, laissons-les nager au-dessus de toi. Bonne nuit ma lune et essaie de dormir un minimum. »Le rire cristallin de la fillette accompagne Pandora tout le long des escaliers.
Curious little creatures
Parfois, les humains sont bien plus curieux que toutes les autres créatures réunies. Ce sont des sceptiques prêts à croire la première chose dite dans le journal. Refusant de croire à l’existence de la moindre créature tant que leurs yeux ne se sont posés dessus mais admiratifs des prouesses du Professeur Lockhart. Ou plutôt ex-professeur, une rencontre malheureuse avec une larve d’Aquavirius a mis fin à sa carrière l’année dernière . Leur attitude n’est pourtant pas si rare que cela selon son père. La fermeture d’esprit et les paradoxes sont monnaie courante chez la plupart des gens. Elle est bien contente que son père lui ait appris à ouvrir les yeux sur le monde.
Par contre il aurait pu lui avertir que les Nargoles regagnaient en maître dans le dortoir des Serdaigles. Enfin, peut-être trouvera-t-elle de nouvelles méthodes pour les tenir au loin.
Au début, elle ne voyait pas l’origine du le problème. La racine du refus, l’obstination à ne croire que certaines choses. Puis la réponse lui est finalement parvenue sous une forme inattendue. Comme apparaissent souvent les bonnes réponses.
Les Sombrals.
Créatures craintes par beaucoup, diabolisées par ce qu’elles représentent. La mort n’est pourtant pas quelque chose à craindre, la vie n’aurait pas le même goût sans elle. Et pourtant. Peu de personnes apprécient ces équidés atypiques et c’est cette peur qui lui permis de comprendre le fond du problème.
Ils ont peur car ils ne voient qu’avec leurs yeux.
Drôle d’idée. Les yeux sont trompeurs, ils ne voient que des choses évidentes. C’est d’ailleurs là l’astuce. Dans le cas des Sombrals, les yeux ont accès à un monde auquel ils ne sont pas habitués. Catapultés hors du confort habituels, les gens paniquent, stigmatisent, regardent dans une autre direction. C’est bien regrettable, ce sont des créatures adorables qui ne sont pas dangereuses. pas comme d’autres qui usent du manteau d’invisibilité pour attaquer, nuire aux sorciers sans le moindre scrupule.
Tiens, c’est inédit: un Nargole qui leurre un rat à travers le couloir. Elle ferait bien de noter cette nouvelle information pour son père.
So this is friendship
Amis. Voilà un mot qu’elle n’a jusqu’ici pas prononcé. Les autres ne veulent pas être amis avec la Serdaigle aux grands yeux, théories aux lèvres et pas éthérés. Pas que ses journées soient vides. Les fantômes et tableaux ont des histoires fascinantes à raconter, la Forêt couve des animaux adorables, les couloirs cachent toujours une surprise.
Cela n’intéresse souvent pas grand monde.
Eux non plus. Ils la regardent souvent comme les autres, interloqués par ses explications pourtant évidentes aux initiés. Elle ne leur tient pas rigueur, loin de là. Elle nage dans cet univers depuis son enfance, c’est normal qu’elle puisse voir ce qui se cachent sous leur nez. Mais ils la laissent parler. Ils ne la fuient pas en l’apercevant, ils n’appellent pas les Nargoles pour lui prendre ses chaussures. Ils l’invitent même à leur cours secret, s’intéressent au journal de son père.
Ainsi, lorsque les choses dérapent, qu’ils se font attraper par une autorité remarquablement obtuse, qu’ils s’enfuient à la recherche d’Harry et Hermione, elle ne refuse pas de les suivre dans leur escapade. Elle ne peut les laisser aller au Ministère seuls. Les pauvres ne connaissent rien des dangers qui guettent, des armes et créatures du Ministre, des complots qui se trament dans ses couloirs. Non, elle les suit. Peu importe son âge, peu importe les risques, elle ne peut les laisser se débrouiller.
Ce sont ses amis maintenant.
What is right
« Je ne suis pas convaincu. Pas du tout. »Des pas arpentent sans cesse la pièce. Va et vient frénétique, saccadé, illustration de la tourmente interne.
« Mes amis sont là-bas. Je ne peux pas les laisser. »Voix déterminée, limpide, chirurgicale dans l’énonciation du fait. Une main douce se pose sur l’épaule de son père, l’arrêtant dans sa course sans fin. Ils le savent tous les deux, leurs routes les dirigent dans des lieux différents mais l’envie de freiner ce destin semble s’emparer de l’homme.
« Poudlard m’appelle, je le sens. Comme tu sens que tu dois continuer le Chicaneur. »Regard trouble. Les tenailles de l’appréhension semblent plus fortes que les résolutions de hier. Pourtant le choix n’est qu’illusoire. Elle doit se rendre à l’école, autrement tout est perdu pour eux. La cavale ne sied pas à des lumières tels que les Lovegood.
« Mon tournesol, tu vas flétrir dans les ténèbres. Fui pendant qu’il en est encore temps. »Un sourire triste se dessine. Des vieilles blessures semblent ressurgir, une peur primaire tapie au fond de son coeur. Une douleur qui n’est jamais partie. Cela ne change rien cependant. Les dés sont jetés depuis deux ans, elle sait où est sa place.
« Je suis une lune. Une lune ne peut disparaître dans l’obscurité. »Mots creux aux oreilles paternelles. Elle se blottit contre lui, savourant ce dernier moment de paix éphémère. La guerre gronde dehors et elle ne s’arrêtera pas pour eux. Le monde est au bord du précipice, la balance n’est plus, le moment de l’action approche. La lune doit poursuivre sa route.
Pauvre papa.
Voilà les mots qui résonnent dans sa tête des mois plus tard, quand sa course se verra stoppée par des hommes en noir.
Wounds of war
Le château de cartes s’écroule. Corps décapités, ses composants ne savent que faire. Statut quo au goût de cendre, au goût de mort. Pas le temps de respirer, les conflits persistent, entêtés à poursuivre leur destruction. Son père ne tient plus. Blessé, meurtri, effrayé, il n’est plus qu’une ombre, une coquille vide de ce que fut autrefois un homme exubérant, passionnant, particulier. Elle ne peut le laisser couler, il est tout ce qu’il lui reste dans le fond.
Pause nécessaire, les blessure de l’âme suintent et une enfant n’a pas sa place sur un champ de bataille. Elle ne l’a jamais eu, mais son âme à elle exigeait de se placer entre ces pierres qui l’ont vu grandir. Sa baguette a dansé une danse létale ce soir-là, une danse qu’elle ne souhaite pas revoir.
Magie, si douce et pourtant si mortelle.
Les Lovegood prennent leur sacs, saisissent cette année sabbatique proposé par McGonagall et partent s’isoler dans des terres lointaines, usant de leur vieil mécanisme de naturalistes amateurs pour reconstituer l’âme meurtrie du père. Retrouver le sens des choses, revoir des couleurs chatoyantes, respirer un matin sans odeur mortuaire.
Harry n’est plus. Un de ces rares amis a été englouti par cette marée sombre qui a emporté tant d’âmes avec elle. Elle ne peut le pleurer cependant. Il n’aurait pas voulu cela. Surtout maintenant, où il a enfin obtenu ce souhait formulé dans ce qui semble être une autre vie. Il est avec les siens maintenant. Elle espère qu’il pensera à saluer sa mère si par hasard ils se croisent.
Twist of fate
Encore un coup du sort. Une illusion cruelle qui a noircie plus d’un coeur. Dénouement imprévisible. Heureux sans doute pour ceux laissés derrière. Est-elle contente de son sort? Difficile de répondre. Lui qui souhaitait tant voir l’autre côté du voile, si près mais pourtant si loin. Visiblement la vie n’a pas terminé avec lui. Elle est bien sûr heureuse de pouvoir revoir Harry plus vite que prévu. Heureuse qu’il puisse expérimenter une vie plus longue, avec ses joies et ses peines. Heureuse que son âme puisse continuer à grandir. Mais son bonheur à elle n’est pas important. L’important c’est lui. Souhaitait-il revenir? Est-il véritablement parti ou était-il pris au piège autre part?
«Il est allé loin, loin dans une terre qui ne propose pas de chemin de retour. Ton ami est passé bien près de la dernière frontière, s’il ne l’a pas brièvement traversé. Il ne sera plus jamais le même. »Un froid traverse son coeur en repensant à ses mots. Son père avait le regard particulièrement grave, sa main agrippée au symbole des Reliques, sa voix laissant entrevoir des possibles conséquences. Mais il refuse de dire d’avantage. Comme souvent dès que le thème de la mort rode, il esquive, reste vague, refuse d’accepter son existence en sa présence. Démon qu’il n’ose provoquer de peur de voir sa lune s’éclipser.
Le temps est à la fête mais l’hésitation persiste. Peut-être le voir changera cette contraction de l’âme. Du temps s’est écoulé depuis son retour, le moment lui paraît judicieux. Une lettre quittera sa plume ce soir.
A circle has no beginning and no end
Les grands concepts de toute société sont souvent forgé à travers des paires. Paires contraires, faces opposées d’une même pièce, composant par leur dualité un tout. Ils donnent un sens au chaos qu’est la vie. Chacun se positionne dans un camp la plupart de temps, déterminé à faire pencher la balance.
Comme si on pouvait faire pencher la balance.
Non, l’harmonie réside dans l’équilibre et elle ne peut soupirer devant la politique agressive du nouveau ministre. Peu étonnant cela dit, ce cher Harry a toujours eu tendance à foncer tête baissée dans ses projets sans vraiment voir au-delà. Les Joncheruines n’ont jamais lâché la tête de ce pauvre garçon. La nouvelle mode est de briser le cercle, transformer le tout en une nouvelle forme qu’eux-mêmes ne voient pas. Changer les choses, bousculer les codes, implanter de nouvelles façons de faire. Louable, elle aime toujours la nouveauté et l’ouverture d’esprit est toujours la bienvenue.
Mais ils ne voient pas l’harmonie. Ils ne perçoivent pas que les choses sont allées bien trop vite, ils font pencher dangereusement la balance et comme toute chose bien faite, une opposition se forme. C’est presque poétique en réalité.
Ils brisent le cercle pour récréer un nouveau cercle.
La touche sublime, celle qui la rend admirative du fonctionnement des forces qui régissent leurs existences? Ils utilisent ce pourquoi elle a prouvé son utilité autrefois. La censure qu’ils ont combattu enfants devient un outil, outil qu’ils voudront bientôt utiliser contre elle. Mais elle se doit de leur rappeler ce qu’ils ont oublié. Les gens oublient tellement de choses. Des choses pourtant essentielles. Elle ne peut pas laisser ses amis devenir l’ancien Ministre avec une nouvelle façade sans agir. On ne laisse pas ses amis s’enfoncer de la sorte.
Oui, ce petit papier sur Harry ira merveilleusement bien à côté de l’article sur le vivet doré. Il a toujours aimé le Quidditch.