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Aie confiance en moi [ ft. Lemony N. Anderson]
 :: Salon de Thé & Bar à chats :: SAISON 1 :: RP

Ernest C. Fawley

Ernest C. Fawley
Super vilain
hiboux : 41
Lun 11 Mai - 0:59
Une manchette. Une simple manchette. Ernest fulminait. Encore une fois, la Gazette du sorcier avait voulu éviter de faire trop de vagues.

Il ne faut pas s’acharner contre le Ministère, répétaient à l’envie ses responsables. Il ne faut pas jouer aux pompiers pyromanes. Ne pas trop fâcher Potter. Ni Granger. Et encore moins les hautes éminences qui les entourent, tout ce ramassis d’aurors recyclés.

Mais il ne faisait que son travail. Deux élèves expulsés. Deux élèves, quand même ! En d’autres temps, cela aurait fait la une du Sorcier du soir. Tirage spécial, deux élèves expulsés de la prestigieuse école de magie Poudlard !

Il voyait déjà le bal des hiboux qui s’envolaient, au crépuscule. Le spectacle le plus majestueux qui soit donné à voir à un sorcier. Le soleil rougeoyant qui léchait les toits d’ardoise de Londres, et ces centaines, ces milliers de hiboux s’arrachant les uns après les autres de leurs perchoirs, depuis l’immense volière de la Gazette du sorcier, un journal entre les serres, et une bourse attachée à leur patte. L’information qui s’envole, à contrejour, pour traverser toute l’Angleterre, et au-delà, de ce vol lent, pesant, les lourdes ailes battant l’air encore brûlant aux senteurs d’après-midi, dans les premières brises du soir. Des milliers de silhouettes, une nuée hululante qui s’échappait, qui partait au loin, et, tout progressivement, disparaissait dans l’horizon, au-dessus des toits d’ardoise redevenus sombres.

Entre leurs griffes, ce sont ses articles, qu’ils portaient, par devant le soleil mourant.

Un peu plus bas, le souffle haletant des presses se taisaient, en un dernier soupir. Et les journalistes de la gazette, en soupirant, reprenaient le travail, pour boucler l’édition du lendemain matin.

Mais ce soir-là, lorsque le hibou lui avait apporté son journal, dans la chambre qu’il louait à Pré-au-Lard, il n’avait pu réprimer ce mouvement de colère.

Des incapables, cette Gazette était dirigée par des incapables depuis que…

Il était sorti de l’étroit appartement pour rejoindre la rue. Il devait marcher, réfléchir, prendre l’air.

Il lui fallait faire avec l’étroitesse d’esprit, avec la servilité de ses supérieurs hiérarchiques, toujours. Ruser, trouver des moyens détournés, pour sortir les papiers qu’il souhaitait sortir, orienter l’information dans le bon sens, la tirer du bon côté.

Après tout, n’était-ce pas lui qui avait sorti cette information, sur les deux étudiants expulsés de l’école de sorcellerie ? Ses fidèles amis du Ministère l’avait immédiatement prévenu – l’affaire faisait grand bruit.

Il avait immédiatement transplané ici, au pied de l’antique château. Les étudiants pépiaient inlassablement, il fallait d’un rien pour leur faire chanter les plus belles histoires. Quelques bièraubeurres, tout au plus, pour les plus réticents. La plupart du temps, ils étaient simplement excités à l’idée de parler à la Gazette. Leur quart d’heure de célébrité. Imaginez-donc. Les doux petits oisons. Si crédules. Il suffisait d’écarter ceux qui approuvaient la décision du directeur, naturellement – et il s’en trouvait, malheureusement.

Mais cela gênait, tout la haut, au chemin de traverse, dans leurs bureaux. Le scandale… Les parents… Le procès…

Foutaises que tout cela.

Il fallait vendre du papier, et les polémiques remplissaient leurs bourses, à tous, de chauds et scintillants gallions. Alors il lui fallait creuser encore davantage. Trouver un scandale dans le scandale, et encore un scandale par derrière, que tout le monde s’indigne de tout et son contraire, qu’ils se défient de toute autorité. Le ministère, le Magenmagot, Poudlard, les Aurors…

Machinalement, il se dirigeait vers les Trois balais, sans prêter la moindre attention aux passants qu’il croisait, son chapeau à moitié rabattu sur le visage, comme pour le protéger de la bise.

Il faisait déjà sombre, et les lueurs irradiant des fenêtres embrasaient la neige de février. Elle crissait, doucement, sous vos pas, étouffait tous les bruits, douce comme les bras de Morphée. Un paysage de spectacle, un paysage de carte postale. Cela indifférait Ernest.

Il avait trop connu ses lieux pour encre s’émerveiller. Il savait bien que Pré-au-Lard n’était qu’une vitrine factice, tout juste bonne à étudier les élèves de l’école voisine. Derrière les murs, c’était le même monde qu’ailleurs, les mêmes conflits, les mêmes trahisons, les mêmes laideurs. Et cela, il le préférait. C’était son fonds de commerce, après tout. Les Trois Balais ne différait en rien du reste, si ce n’étaient les rires et les larmes de ceux qui vivaient là leurs premières aventures.

Puériles aventures.

Chemin faisant, il feuilletait son journal, s’usant les yeux sur les petits caractères noirs dans la faible lueur du crépuscule, tournant les pages avec une rage contenue.

Il lisait les titres, balayait les articles pour ne s’arrêter qu’à la signature. Il n’avait pas besoin de grand-chose d’autre pour en deviner le contenu. Tous avaient leurs manies, leurs mauvais réflexes, leurs marottes, leurs propres sources, jalousement gardées.

Il lui fallait trouver quelque chose d’autre. Creuser encore plus. Trouver l’information qui ferait toutes les conversations, qui bruisseraient jusqu’aux oreilles de Potter, de Granger, de Rogue, aussi, infailliblement.

Il ne comprenait pas le directeur. Allié, ennemi. Il n’arrivait pas à le cerner. Oh, le sorcier avait toujours su naviguer, avait toujours su tirer son épingle du jeu, jouant dans les deux camps, sans que personne ne puisse véritablement savoir pour quelle équipe il travaillait. Mangemort, peut-être. Agent double pour Dumbledore, peut-être. Cela paraissait si ancien. Mais roulait-il pour Potter, qu’il détestait autrefois, disait-on ? Roulait-il pour les Malefoy, qu’il méprisait autrefois, disait-on ? Ou bien pour lui ? Directeur, c’était un bon tremplin, pour devenir ministre. Dumbledore y avait très sérieusement pensé, lui avaient glissé ses collègues à la Gazette. Autrefois. Il fallait qu’il lui arrache cette interview, qu’il joue carte sur table.

Exclure des élèves, pour un message politique. Ils n’étaient même pas majeurs, il était normal, tout à fait normal qu’ils bouillonnent, qu’ils se battent, enfin ! Ces gamins étaient la fierté de leur sang, la subtilité en moins, peut-être. Mais qu’importait. Cela faisait bien longtemps que toute subtilité avait disparu.

Quelle mouche avait piqué Rogue. Voulait-il attiser les flammes du conflit qui couvait toujours, malgré la sécession ? Provoquer les sorciers encore fiers de ce qu’ils étaient ? Les pousser dans leurs retranchements pour qu’enfin ils se soulèvent ?

Dans ce cas, il fallait bien entretenir ce souffle, il fallait bien entretenir cette colère, exciter les masses, faire s’envoler les passions.

Ou bien il agissait de concert – c’était le cas de le dire – avec le ministre. Et dans ce cas, cela devenait inquiétant. Une mesure disciplinaire, pour commencer. Et puis quoi, Azkaban, pour tous les autres ? Certains s’y trouvaient déjà pour les mêmes raisons. Qui d’autre suivrait Engel Bauer ?

Il tournait les pages. Quelques tribunes ses éclats. Quelques billets littéraires sans style. Des analyses sans profondeur, des reportages sans saveur. Le quotidien du Sorcier du soir, en quelque sort, et l’édition de la Gazette qui suivrait le lendemain ne serait guère plus brillante, il le craignait. Ce journal manquait de plumes, manquait de cran, de prestance, enfin.

Avec dépit, il se rabattit sur la couverture, et cette manchette qui le narguait : Poudlard : deux étudiants expulsés. Ils avaient eu le culot d’avoir modifié son titre, en plus.

Il replia avec rage le journal. Un jour, il faudrait bien se résoudre à y refaire un nouveau ménage, pour y accepter de plus talentueux sorciers, des reporters plus doués que ceux qu’il se coltinait.

De ceux qui sauraient quoi dénicher au pied des murailles muettes du château.

Il voulut glisser le journal dans les poches de son manteau, il s’arrêta net. Cette silhouette. Il le connaissait. Ces lunettes, cet air… distant. Ernest eut un rictus.

Lemony Anderson. Ce cher confrère. Il l’avait croisé, dans le club de journalisme de l’école de sorcellerie, dans le temps. Ils ne s’estimaient guère. Tous les deux arrogants, peut-être. Mais leurs affinités, leurs obédiences, surtout, différaient radicalement. Il avait entendu parler de ses exploits journalistiques, au Chicaneur.

Un ami des moldus.

Au point d’enseigner aux élèves ce qu’il savait d’eux, paraissait-il. Etude palpitante, s’il en était. Métier méprisable, s’il en était. La profession qui seyait à un sang-de-bourbe. Assurément. Et qui devait triompher, à présent que les siens étaient vu comme… une avant-garde. Folle célébration de la dégénérescence.

Mais il était professeur, Ernest. Professeur à Poudlard. Au milieu du scandale, pour ainsi dire.

Il lui fallait rabattre son orgueil, rabattre son caquet.

Creuser, creuser toujours plus profondément pour essayer de trouver, quoi ? Il verrait bien. Un os à ronger. Un morceau de fil à tirer, qui le conduirait dans le dédale d’un nouveau scandale, d’un nouveau papier, peut-être.

Faire bonne figure.

Un sang-de-bourbe, oui, né-moldu…

Peu importait, Ernest. Peu importait. Le travail, les affaires avant tout.

Elle était là l’occasion, au pied des murailles muettes.

Alors il retira son chapeau, passa son pouce et son index le long de ses fines moustaches, et sourit, largement.

« Lemony, Lemony… Pardon, professeur Anderson ! »

L’autre devait savoir à qui il parlait, bien sûr. Il ne pouvait pas tomber plus mal, il ne pouvait pas trouver pire interlocuteur. On ricanerait, là-haut, dans les bureaux du chemin de traverse. Lui, le sag-pur, parler à un professeur d’études moldues ? La bonne blague !

Mais le travail, les papiers avant tout. Seul comptait le but. S’il fallait faire des courbettes à ce sang impur…

« Nous avons choisi des chemins bien différents, professeur, et pourtant, nous voilà au même endroit ! Pour des raisons bien différentes, je n’en doute pas ! »

Il avait sa voix, sa voix de journaliste, sa voix mielleuse, arrangeante, souple, faussement chaleureuse. Cela lui venait naturellement, dès lors qu’il s’agissait d’affaires professionnelles. Peu importe la personne. Le même sourire, les mêmes intonations…

Du coin de l’œil, il avisait la devanture illuminée des Trois balais. Un bon point pour lui. Il saurait bien attraper le jeune professeur. Il ne pourrait pas lui refuser ça. Au nom du bon vieux temps. De ce bon vieux temps maudit, oui. Mais les retrouvailles effaceraient ça. Poudlard n’était-il pas au-dessus des conflits ?

Il s’approchait en grandes enjambées du professeur. Ne pas lui laisser de prétexte pour s’enfuir, l’attraper avant qu’il ne soit trop tard. Il ne lui prendrait que, oh, deux trois minutes, comme il promettait toujours. Il comptait bien le garder pour lui une bonne demi-heure. L’heure complète, s’il le fallait.

Il l’aurait, cette fichue une, peu importent les moyens.

Sa baguette n’était pas loin, même s’il ne comptait pas dessus. Cela faisait toujours mauvaise mesure avec son travail. Les sources ne parlaient pas pareil. Elles avaient tendance à se dérober, par la suite. Malheureusement.

Il fit une dernière enjambée pour serrer la main au né-moldu.

« Je déteste rester enfermé devant une machine à écrire, tu sais bien… Et Poudlard… Eh bien, j’imagine que ses murs ne sont plus aussi accueillants, non ? »

Et il souriait, naïvement. Une petite touche, sur un ton léger. Qu’il ne se préoccupe de rien, ce cher professeur, d’absolument rien. Il lui suffirait de parler. Simplement, parler. Ernest Fawley se chargerait du reste.

Service après-vente inclus.

Lemony Anderson

Lemony Anderson
Super vilain
hiboux : 536
Mar 19 Mai - 18:00

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Aie confiance en moi
Je demande l'aumône à la justice des hommes ; je suis un mendiant affamé de justice, et mon honneur est en haillons.
- 13.02.2004

Il serait peut-être temps de se montrer raisonnable – oui, mais je ne veux pas être raisonnable. Je ne veux pas être logique, calme. Je veux être vengé. Je veux que justice soit faite. La vraie justice, pas cette folie. Rogue avait ses raisons, peut être. Mais ce n’était pas à Asao ou à la jeune Ollivander de payer pour les folies des adultes. Ce n’était pas eux, les vrais coupables. Je donne un coup de pied dans mon bureau, et sur le canapé Turing sursaute et me regarde avec colère. « Désolé. » Je me sens un peu piteux, un peu idiot. Mais pourtant, ma colère, cette satanée colère, rien n’a su la calmer. Ni ma nomination, ni le fait de boire avec Yolanda, ni le fait de promettre de la transformer en quelque chose de productif avec le club journal. Il me semble quand je ferme les yeux que je peux entendre les cris de Reissen, leurs chansons que je comprenais trop bien, que si je lève la tête les visages vont apparaître, que Dennis, que les autres vont crier. La vérité de sera pas oubliée. Elle l’est déjà, on a transformé tout cela en conflit politique en oubliant l’insulte. Bien sûr, bien sûr que Potter était visé. Bien sûr que c’était un coup d’éclat, une tentative de lancer une guerre civile. Et peut être que ça va fonctionner. J’ai lu les journaux, les membres de Reissen y sont presque plaints – un séjour à Azkaban pour quelques chansons, les pauvres. Mais ça n’était pas juste quelques chansons… C’était l’anniversaire de Lucius Malefoy, c’était la célébration de la haine et de l’impunité. Comme j’aimerais parler de tout cela avec Lizzie maintenant… L’heure du repas ne va pas tarder, mais je ne me sens pas de me rendre dans la Grande Salle. Je ne veux pas les voir. Il faut que je sois calme, impassible, à l’écoute, attentif. Je suis directeur de Serdaigle, merde ! Et je n’y arrive pas. Ça va passer bien sûr, déjà ma rage se fait plus calme que celle qui m’animait il y a deux semaines, il me semble qu’il m’est moins difficile de me mêler à ceux qui parmi mes collègues ont la marque sur le bras, que je pourrais presque finir par regarder Rogue par les yeux… Ça va passer, mais pas ce soir. Tant pis pour le repas, ce dont j’ai vraiment besoin, c’est d’une bierraubeurre. Ou un whisky. Ou les deux. J’enfile mon manteau, attrape mon vieux sac en cuir dégueulant de bouquins, flatte un Turing vexé d’une caresse derrière les oreilles et avise un instant la cheminée. Je pourrais aller n’importe où, peut-être que Londres serait plus acceuillant qu’ici ce soir. Ou je pourrais faire une surprise à Orion en débarquant chez lui ? Non, autant ne plus mêler Orion à mes colères et à mes pensées noires. Marcher me ferait du bien. Je peux traverser le parc et me rendre aux Trois Balais, boire un peu et rentrer tout à l’heure, peut être un peu plus calme, ou moins un peu plus saoul. Ça me paraît pas mal.

Mes pas font crier la neige, et je dois régulièrement m’arrêter pour nettoyer la buée sur mes lunettes, sans quoi je n’y vois plus très loin. C’est dans ce flou qui me force à faire une pause alors que je suis presque arrivé que me parvient cette voix beaucoup trop familière. « Lemony, Lemony… Pardon, professeur Anderson ! » Je retire mes lunettes pour les nettoyer, et avise le visage de celui qui m’approche tout sourire. La moustache a changé, et il a l’air plus aimable aujourd’hui qu’il ne l’a jamais été avec moi durant les quelques années où je l’ai fréquenté, mais c’est lui, c’est bien lui.

Ernest Fawley.
Mon sang ne fait qu’un tour. Il fallait que ce soit lui, bien sûr. Il fallait que je tombe sur lui. Je suis d’ordinaire ravi de revoir mes anciens camarades, d’apprendre ce qu’ils sont devenus, d’échanger sur le temps perdu, de parler de l’Allemagne, de ma vie, de la leur. Mais Ernest, ah Ernest… Quelle plaie. Était-ce en l’entendant lui ou l’un de ses amis que j’ai découvert ce que signifiait sang de bourbe ? Était-ce sa voix ou celle d’un autre ? Quelle importance, ils se ressemblent trop, ces sang purs arrogants, sûrs de leurs privilèges, sûrs de leur supériorité. Sûrs que ma naissance, que mes parents moldus ne me rendent pas digne d’eux. Combien de larmes a versé l’enfant que j’ai pu être en comprenant ce que cela signifierait, dans leur monde, d’être un né moldu ? Je me souviens d’Ernest, adolescent, dans la salle du club journal, écrivant, proposant. J’aurais pu être admiratif, si je ne m’étais pas senti méprisé. Mais je ne suis plus un gamin, et après la guerre, après tout ce qui s’est passé, je ne suis plus aussi enclin à me laisser faire. Je sais ce que je vaux, je sais qu’il a fallu que je travaille bien plus que n’importe lequel d’entre eux pour comprendre, pour appréhender ce monde, sans pouvoir me retourner vers mes proches en cas de doutes, de questions, de problèmes. Je ne sais pas pourtant si je me sens d’échanger avec le serpentard aujourd’hui – faire ouvrir les yeux à Yolanda, que je côtoie tous les jours, c’est une chose, lui c’est une toute autre affaire. Pourtant, avant que je n’ai pu trouvé une échappatoire, il s’avance vers moi en faisant des pas si allongés que je me dis qu’il faudra peut-être courir pour lui échapper – et ce serait ridicule. « Nous avons choisi des chemins bien différents, professeur, et pourtant, nous voilà au même endroit ! Pour des raisons bien différentes, je n’en doute pas ! » Je hausse les épaules, ne voyant rien à répondre à cette phrase qui me paraît parfaitement vide de sens. Je suis abonné à la Gazette du Sorcier depuis assez longtemps pour y avoir reconnu le nom de mon ancien camarade, et s’il me nomme professeur c’est qu’il sait au moins quel poste j’occupe depuis septembre. Sait-il aussi, que j’ai été journaliste, dans un journal certes moins prestigieux que le sien ? Et surtout, sait-il pour la maison Serdaigle ? Je me demande ce qu’il en pensera si je devais lui apprendre. Il est à présent à mon niveau et me serre la main sans que ne crois vraiment la lui avoir tendue. Impossible de fuir, à ce stade. J’aurais du agir plus vite, j’imagine. « Je déteste rester enfermé devant une machine à écrire, tu sais bien… Et Poudlard… Eh bien, j’imagine que ses murs ne sont plus aussi accueillants, non ? » Est-ce qu’il m’a déjà serré la main avant ça ? Je ne m’en souviens pas. « Ernest. » Je soupire en me libérant de son étreinte. « Je suis pas d’humeur. » Je désigne d’un geste de tête les Trois Balais. « Quitte à échanger ce genre de banalités, est-ce que tu ne préférerais pas le faire au chaud autour d’un whisky ? » Tant pis pour la bierraubeurre, je ne serai pas raisonnable ce soir. Mais après tout, c’est vendredi, et je n’ai rien de prévu demain. Je l’entraîne avec moi. Si je ne peux pas m’en débarrasser, autant ne pas changer mes plans initiaux pour lui. C’est débarrassé de mon manteau et de mon sac et enfoncé dans une chaise mon verre devant moi que je me résous à lui adresser à nouveau la parole. « Pour répondre à ton interrogation, ou quoi que ça ait pu être, Poudlard est accueillant. Simplement c’est un vendredi soir et la semaine a été longue. Tu imagines pourquoi, je suppose. » La Gazette était trop occupée à parler de Reissen pour offrir une vraie place au choix de Severus Rogue, mais ils en ont parlé et il doit être au courant. « Tu… tu as l’air en forme. Ça se passe bien à la Gazette ? » Je bois une gorgée. « Pourquoi t’es là Ernest ? A cause de ce qu’il se passe j’imagine ? »

Je caresse du bout des doigts mon verre, songeur. « C’est amusant que je te croise aujourd’hui… Je suis responsable de la Gazette de Poudlard, il va falloir qu’on parle de tout ça et je ne sais vraiment pas comment protéger les étudiants qui vont participer... » J’ai eu des raisons de détester Ernest Fawley, de lui renvoyer son mépris. Et je crois que ces raisons sont toujours valables aujourd’hui – aujourd’hui plus que tout autre jour. J’imagine qu’il faisait partie des gens qui applaudissaient Reissen, ce qui plaignent ces chers musiciens censurés, sacrifiés pour leurs arts, en niant ce que cela signifie pour ceux qui ont vraiment souffert de la guerre. Mais je ne peux lui retirer qu’il était fait pour être journaliste, et que déjà étudiant j’aurais pu l’admirer pour cela – s’il n’avait pas été un petit con sur le reste. « Je me dis qu’à leur place j’aurais certainement foncé sans me poser de questions. Et je n’aurais pas compris qu’on essaie de m’en dissuader ou de me limiter. Toi aussi, je suppose. » J’étire mes jambes sous la table, je n’arrive pas à croire que j’en viens à lui demander conseil. « Dis moi, tu ferais quoi, à ma place ? »

@Ernest C. Fawley et @Lemony Anderson - 1 551 mots
code du titre par rogers

Ernest C. Fawley

Ernest C. Fawley
Super vilain
hiboux : 41
Sam 18 Juil - 2:12
Un rictus. Une mauvaise grimace. Ou une ombre, une simple ombre passagère. Peut-être. Les lumières du soir étaient si trompeuses. Elles virevoltaient le long des allées enténébrées. Dansaient sur la neige brumeuse. Balafraient les visages blafards.

Le professeur ne semblait guère enthousiaste à l’idée de le revoir.

Il y avait il ne savait quoi, sur son visage qui paraissait grincer, se tordre, se froisser à la simple vue du journaliste. Comme un souffle d’exaspération muette. Un long soupir sans voix.

Combien d’années cela faisait-il ? Douze… non, treize ans ? Il s’emmêlait dans son calcul. Treize années, depuis sa sortie de Poudlard. Treize années qu’il ne l’avait pas vu. Une éternité.

Les rues de Pré-au-Lard n’avaient pas changé. Toujours les mêmes maisons. Toujours les mêmes échoppes, les mêmes enseignes, le même décor.

Lemony Anderson lui non plus n’avait guère changé. Il gardait ce même visage innocent, presque enfantin, sous ses boucles brunes. La patine du temps n’avait fait qu’ajouter un peu de sérieux, un peu de rigidité, de fatigue. De tristesse. Quelque chose d’un chien qui aurait trop rapidement grandi, peut-être. Mais il restait, sans le moindre doute, le même. Fidèle au souvenir flou que pouvait en garder Ernest Fawley, du moins d’après le peu d’important qu’il avait pu lui accorder. Il n’était pas de leur sang, après tout.

Lui avait vieilli. Il le savait. La peau usée par les épreuves. Les traits endurcis par les événements passés. La solitude. La haine, sifflante. La colère et le dégoût. Ses fines moustaches ajoutaient aux années.

Et malgré tout cela, le professeur l’avait reconnu. Pas de quoi triompher, non. Mais tout de même. Cela faisait toujours quelque chose. Une petite pointe d’orgueil, de vanité. Il savait qu’il comptait, qu’il existait, faisait partie de ce petit monde qu’il faut garder dans son carnet d’adresses, à portée de vol de hibou.

« Ernest. »

Il y avait quelque chose de las, presque plaintif, dans la réponse du professeur. Comme le jappement d’une bête martyrisée qui retrouve son ancien tortionnaire.

Le sang pur ne s’était certes jamais abaissé à frapper ou même insulter directement le sang-de-bourbe. Le mépris suffisait, pour ces créatures. Mais que voulez-vous. L’idée le faisait sourire. Peut-être par simple orgueil.

« Je suis pas d’humeur. »

Le professeur avait retiré sa patte molle de l’étreinte trop cordiale d’Ernest Fawley.

Le journaliste se figea. Sa façade avenante, d’un seul coup, se tordait en une fugace grimace.

Le soupir était de trop.

Le sang de bourbe se permettait de le mépriser ouvertement. Il piétinait les convenances, le respect qu’il devait à quelqu’un issu d’un rang tel que le sien. Une insulte. Ernest Fawley faisait partie du bon monde. Il était de ceux qu’il fallait conserver près de soi. Il avait des relations. Il était une des plumes de la Gazette, par Merlin ! Et ce professeur de second rang, cet être de bas étage, se permettait de lui cracher au visage ce molard de lassitude. Lui ! Lui le sang-de-bourbe, lui qui s’amusait à susurrer sa littérature dégénérée au creux de l’oreille de ses élèves !

Ernest Fawyley était hors de lui, blême, presque. Il en oubliait tout. Le sourire et le mensonge. Le fiel mielleux. Sa fausse cordialité.

Il en oubliait même son travail. Flatter, appâter. Apprivoiser sa proie. Peu importait de mentir, tant que l’animal venait lui manger dans la main – et qu’il s’en tirait avec ce qu’il était venu chercher.

Déjà, il se redressait, bouffi d’orgueil, prêt à répliquer d’un ton cinglant face au professeur d’études moldues.

Mais celui-ci, sans même lui prêter la moindre attention, désignait d’un geste de la tête la façade des Trois Balais.

« Quitte à échanger ce genre de banalités, est-ce que tu ne préférerais pas le faire au chaud autour d’un whisky ? »

Ernest resta un bref moment muet. Pris de court, l’orgueil toujours piqué. Il s’était laissé aveugler par sa propre haine. Il s’était laissé prendre au jeu du né-moldu, sans même réfléchir. Tout cela, pour quoi ? Une simple moue ? Un simple soupir ? Le sang de bourbe n’en méritait pas tant de sa part.

Malgré la pique, malgré cette sauvage pulsion de haine, tout se déroulait, finalement, comme il l’avait souhaité. Lemony Anderson acceptait de se livrer – sinon, lui aurait-il proposé un verre ? Il s’abandonnait à lui, sans même livrer bataille, presque servile. Un brave chien domestiqué.

Ernest se surpris à sourire trop largement. Il se reprit. Le travail reprenait. Il n’était qu’un serpent, après tout, flattant sa proie, comme il l’avait toujours fait, faussement servile. Tout ce qu’il lui rester à faire était caresser ce professeur de bas étage dans le sens du poil. Qu’il continue à baisser la garde, qu’il parle, qu’il se confie entièrement à ses bons soins, à ses bons offices.

Peu importait l’honneur. Il aurait bien l’occasion de défendre son sang en d’autres endroits.

« Pour répondre à ton interrogation, ou quoi que ça ait pu être, Poudlard est accueillant. Simplement c’est un vendredi soir et la semaine a été longue. Tu imagines pourquoi, je suppose. »

Le professeur s’était confortablement installé, dépouillé de ses habits corsetés de neige, enfoncé dans sa chaise. Face à lui, Ernest faisait mine, lui aussi, de paraître décontracté. Le corps basculé en arrière, contre son dossier, le manteau nonchalamment jeté en travers, son verre aux teintes mordorées entre ses longs doigts. Il souriait, de cet éternel sourire de faussaire, le plus naturellement du monde, ses fines moustaches tout juste redressées au-dessus de ses lèvres. Il faisait tourner l’alcool entêtant dans sa main, machinalement, sans même le porter à sa bouche. C’est du sang de bourbe qu’il fallait boire les paroles – pour l’instant.

« Tu… tu as l’air en forme. Ça se passe bien à la Gazette ? »

Peut-être était-il trop en forme, oui, peut-être. C’est qu’il était en chasse. La piqure de l’air glacé était déjà oubliée, il sentait son cœur pulser en lui. Il avait tant à apprendre, et le monde se bousculait autour de lui. Il avait faim, il voulait dévorer sa proie. Mais il lui fallait attendre, encore, encore un peu, alors il attendait. Souriant. Il laissait parler. Il laissait venir à lui, amusé. Une voix sourde, toujours, vibrait en lui, sèche, acerbe. Sang impur, grinçait-elle. Sang de bourbe, renégat de portée. Elle le mordait, amère. Et Ernest souriait. En forme, oui, toujours, damné qu’il était. Mais il était d’humeur à chasser.

« Aaaah, cette vieille gazette… »

Il sourit encore plus largement, comme si, déjà, il se plongeait dans les rouages de l’immense machinerie de presse, entre les rotatives, entres les machines à écrire, au milieu de la valse des caractères de laiton. Il fit mine de porter son verre à ses lèvres, mais poursuivit, interrompant son mouvement :

« La Gazette dévore toujours ses enfants de sa fièvre ardente, tu le sais bien. Alors moi, oh, je lui fais quelques petites infidélités – rien de grave, juste un verre par-ci, par-là, pour le plaisir d’une bonne bouteille, comme celle-ci » – et, de la main qui tenait le verre, il désigna le bar aux vitres fumées.

« Mais rien de grave, enchaîna-t-il. Un simple souffle au milieu de la bourrasque, avant de foncer de nouveau, comme avant, au bon vieux temps. »

Le professeur restait face à lui, un temps silencieux, le temps de boire une gorgée supplémentaire. Il paraissait dubitatif face à ses explications. Ou bien était-il préoccupé. Du regard, le journaliste tentait de suivre le moindre de ses mouvements, la moindre de ses expressions. A quoi pensait l’ardent défenseur des créatures moldues ? Il ne voulait pas le savoir ainsi sur la défensive, il lui fallait faire baisser sa garde, qu’il incline l’échine, qu’il dévoile son poitrail, comme une brave bête domestiquée. Qu’il le laisse le flatter un peu.

« Pourquoi t’es là Ernest ? A cause de ce qu’il se passe j’imagine ? »

Il restait songeur, distant. Il n’était qu’à peine avec lui. Dans quelles alliées sinueuses pouvait bien ramper son esprit troublé ? Du doigt, il caressait son verre, sans oser le porter aussi rapidement à ses lèvres. Il voulait parler, sentait Ernest Fawley. Il lui fallait parler. Trop de choses se bousculaient dans sa tête.

Parle, petite créature, livre-toi…

Ernest se contenta de soupirer brièvement, leva doucement son verre, enfin de boire une gorgée du liquide ambrée. Un instant, il garda le verre suspendu en l’air. Sans répondre. Le temps qu’il goûte au moins à l’alcool, qu’il le laisse dégringoler au creux de sa gorge, que ses amertumes viennent doucement caresser son palet.

Ce n’était pas à lui de parler. Ce n’était pas à son tour. Il sentait bien que le professeur n’en avait pas fini, et celui-ci reprenait déjà, comme reprenant le fil un temps interrompu de ses pensées :

« C’est amusant que je te croise aujourd’hui… Je suis responsable de la Gazette de Poudlard, il va falloir qu’on parle de tout ça et je ne sais vraiment pas comment protéger les étudiants qui vont participer... »

D’un seul coup, le visage du journaliste se rembrunit. Il jubilait. Il jubilait intérieurement. Ce sous-sorcier, enfin, s’ouvrait à lui. Il apercevait une première fissure, une première faille. Un premier fil à attraper.

Il hocha la tête gravement. D’un coup d’œil, il balaya du regard la salle : ils pouvaient parler librement. Nulle oreille indiscrète n’était suffisamment proche d’eux pour entendre ce qu’ils avaient à dire, pour venir censurer de non-dits leurs paroles. Il reposa son verre sur la table.

« Un cap a été franchi, acquiesçait-il. Un foutu grand cap. »

Il marqua un temps, pour pouvoir observer la réaction de son interlocuteur. Puis enchaîna rapidement.

« Tu disais Poudlard accueillante. Mais je n’ai jamais vu ça. Pourtant, Merlin sait ce que nous avons pu écrire, dans nos années les plus irréfléchies, dans notre vieille feuille de chou. Il y a eu des désapprobations, oui. Mais Poudlard restait l’école de tous les sorciers. De tous les sorciers, quoi qu’ils pensent. Personne n’était en danger pour avoir dit ce qu’il pensait. »

Il n’avait plus même besoin de mentir. Il lui suffisait de parler de sa position de journaliste, il lui suffisait de parler de sa position d’ancien élève, passionné, tout comme celui qui lui faisait face, de ces puérils gribouillis, qu’ils appelaient alors un journal. La Gazette de Poudlard. Parfois encore le souvenir d’un ancien papier émergeait, et il en rosissait. La plume était alors passionnée. L’esprit, lui, n’était pas encore vraiment formé. Peu importait. Il avait l’élan. Ce souffle de journaliste, de gratte-papier, de fouille merde au besoin. Il avait besoin de prouver qu’il existait. Il se battait. Il rêvait d’éclat.

Un éclat qu’il avait perdu.

La mécanique, en lui, s’était brisée, et ne restait que cette amertume roublarde. Un journalisme de sinuosités vipérines, un journalisme au souffle court. Il s’en contentait. Le même venin, après tout, courait dans ses veines. Et il savait, désormais, que les morsures les plus traîtresses touchaient mieux leur cible.

« J’ai peur que la liberté n’ait qu’un goût amer pour tes élèves. »

Et il était presque sincère en le disant. Après tout, dans cette folie, c’étaient les siens, c’étaient ceux de son sang qui étaient les plus exposés.

« Je me dis qu’à leur place j’aurais certainement foncé sans me poser de questions. Et je n’aurais pas compris qu’on essaie de m’en dissuader ou de me limiter. Toi aussi, je suppose. »

Le professeur d’études moldues continuait sur sa lancée. Il pouvait bien détester le journaliste, s’il y songeait : Il n’en avait pas moins des responsabilités, démultipliées par le nombre d’élèves qu’il prenait sous son aile. Trop d’humanisme, pour une créature comme lui. Trop de sens du devoir. Trop de droiture. Il lui faudrait plier et les abandonner, s’il voulait rester dans son confort. Ou bien se redresser. Au milieu des bourrasques. Et en cela, Ernest Fawley s’y connaissait. C’était à lui de souffler le chaud et le froid, à lui de souffler sur les braises, et de libérer les vents de tempête. Il sentait déjà, que, peut-être, il pourrait le faire. Peut-être aboutirait-il à quelque chose. S’il restait suffisamment prudent.

En face, Lemony Anderson le regardait fixement.

« Dis moi, tu ferais quoi, à ma place ? »
.
Ernest Fawyley eut un rictus. Il ne s’y connaissait guère, en responsabilités. Il lui suffisait déjà de sauver sa propre misérable peau, au milieu de cet enfer. Mais il ne pouvait pas répondre cela. Il ne pouvait pas partager son égoïsme fuyard. Le professeur n’avait pas droit de se dérober. Non, l’occasion était trop belle.

Doucement, il bascula vers l’avant, le visage tendu vers le sang de bourbe, accoudé à la table, son verre posé face à lui.

« Professeur. Ne me prenez pas pour plus informer que je suis. Je n’attrape que des rumeurs, plus folles les unes que les autres. Certains disent même que d’autres élèves pourraient être expulsés. Que chaque parole tenue dans l’école sera surveillée, pesée, jugée. Et si besoin…. »

Il soupira. Oui, certains élèves lui avaient bien soufflé tout ça. La plaie était encore fraîche. La blessure, béante. Et il en sortait des monstres, tous plus hideux les uns que les autres, des cauchemars propagateurs de peur, et de rumeurs. Comme il en avait toujours été face au moindre choc, face à la moindre incidence.

Il savait bien que le souffle des mensonges se propageait comme un poison, toujours plus rapide quand il était plus violent. Mais il voulait voir la réaction du professeur.

« Je ne sais pas si la moindre de ces choses est exacte. Mais je m’inquiète. Les parents s’inquiètent. Et les enfants… oh, vous les connaissez mieux que moi. Mais très sincèrement, j’ignore comment arrêter ça. J’ignore comment les protéger. Vous connaissez mieux que moi les forces qui s’exercent à l’intérieur de l’école, je ne le crains. »

Il fit mine de se relever, comme pour reboire une gorgée. Mais se ravisa. Une dernière piqure. Il lui fallait une dernière piqure. Alors il s’accouda de nouveau, et regardant le sang de bourbe qui lui faisait face :

« Vous savez, professeur… Parfois, nous autres, ne valons guère plus qu’un hibou, à simplement relayer les paroles que l’on place en notre garde pour les délivrer à leur destinataire. »

Et sa main se referma, cette fois, sur son verre. Sans qu’il ne le porte pour autant à ses lèvres. Peut-être y verrait-il plus clair, à travers les murs du château, avant qu’il n’ait fini d’en boire le contenu. Les secrets de Poudlard, toujours, étaient bien abrités. Mais le professeur d’études moldues en avait les clés, des clés bien pesantes de responsabilité qui, de tout leur poids, appuyait sur sa conscience, jusqu’à l’étouffer.

Lemony Anderson

Lemony Anderson
Super vilain
hiboux : 536
Dim 6 Sep - 20:47

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Aie confiance en moi
Je demande l'aumône à la justice des hommes ; je suis un mendiant affamé de justice, et mon honneur est en haillons.
- 13.02.2004

Fawley a une expression des plus étranges, alors que j’échappe à son étreinte. Ou plutôt, il a une expression que je crois lui connaître, qui a quelque chose d’incroyablement plus vrai, incroyablement plus profond que cette politesse extrême qu’il me sert. Quelque chose du jeune homme qu’il était, il y a longtemps de cela. Je ne relève pas, et il semble s’apaiser de lui-même. Et je ne sais pas exactement comment, je me retrouve assis aux Trois Balais un whisky à la main, à lui demander poliment s’il va bien et si son travail lui est agréable. En faisant tourner le verre dans ma main, je ne peux m’empêcher de trouver la situation folle. Beaucoup d’évènements l’ont été, ces derniers temps. Si le monde sorcier déraisonne, je peux me le permettre pour une soirée. Ses paroles me font lever un sourcil. Pourquoi est-il là ? Mais je n’attends même pas sa réponse, mon esprit a déjà sauté à une nouvelle idée. Il a été membre de la gazette de Poudlard, il est journaliste. Peut-être qu’il pourrait comprendre, qu’il pourrait avoir une idée, quelque chose ? « Un cap a été franchi. Un foutu grand cap. » Je le regarde sans commenter. Ils ont été rares, les étudiants renvoyés de Poudlard. La réaction de Rogue est presque sans précédent dans l’histoire de l’école. « Tu disais Poudlard accueillante. Mais je n’ai jamais vu ça. Pourtant, Merlin sait ce que nous avons pu écrire, dans nos années les plus irréfléchies, dans notre vieille feuille de chou. Il y a eu des désapprobations, oui. Mais Poudlard restait l’école de tous les sorciers. De tous les sorciers, quoi qu’ils pensent. Personne n’était en danger pour avoir dit ce qu’il pensait. » Il me semble que ses mots me font l’effet d’une douche froide. N’importe qui d’autre aurait tenu ce discours, et j’aurais écouté, peut-être même applaudi. Pas lui. Surtout pas lui. L’école de tous les sorciers, vraiment Ernest ? Ne suis-je pas moi un animal qui n’y a pas sa place, un être inférieur qui n’aurait jamais du y être admis ? Les visages de Jolka et Eirian me reviennent. Non, certainement pas tous les sorciers. La plupart des sorciers ne sont pas en danger à Poudlard pour ce qu’ils pourraient dire, mais pour ce que les autres sont libres d’affirmer sans rien risque. Doit-on tolérer l’intolérance ? Peut-on nier que Poudlard sert avant tout une vision, et que cette vision exclut ceux qui sont trop moldus, ou pas assez hermétiques ? En a-t-il conscience, de sa petite position privilégiée, avec son sang, son histoire, son nom ? Un an après mon départ de Poudlard, la chambre des secrets a été réouverte, et cet imbécile me sort, sans trembler, que Poudlard a toujours pour tous. Je le giflerais, je crois. Au lieu de cela, je préfère me plonger dans mon verre. Bon, c’est un arrogant, certes. Mais c’est un journaliste. Alors, que ferait-il ? « Professeur. Ne me prenez pas pour plus informer que je suis. Je n’attrape que des rumeurs, plus folles les unes que les autres. Certains disent même que d’autres élèves pourraient être expulsés. Que chaque parole tenue dans l’école sera surveillée, pesée, jugée. Et si besoin…. » Où est-il allé pécher ces fameuses rumeurs ? A-t-il parlé à d’autres professeurs, aux étudiants ? Est-ce pour cela qu’il est ici, qu’il est à ma table, à boire et échanger avec un homme qu’il a toujours ouvertement méprisé ? Sont-elles fondées, d’ailleurs, ces rumeurs ? A quel point Rogue a-t-il perdu la tête ? « Je ne sais pas si la moindre de ces choses est exacte. Mais je m’inquiète. Les parents s’inquiètent. Et les enfants… oh, vous les connaissez mieux que moi. Mais très sincèrement, j’ignore comment arrêter ça. J’ignore comment les protéger. Vous connaissez mieux que moi les forces qui s’exercent à l’intérieur de l’école, je ne le crains. » A quoi ai-je pensé, en lui demandant conseil ? Qu’il me livrerait une solution à mes problèmes, sur un plateau ? Qu’il dirait quelque chose de tellement évident que je trouverais immédiatement quelque chose à faire ? « Vous savez, professeur… Parfois, nous autres, ne valons guère plus qu’un hibou, à simplement relayer les paroles que l’on place en notre garde pour les délivrer à leur destinataire. »

Cette situation est tout bonnement invraisemblable. Et elle a quelque chose d’extrêmement dérangeant. Je ne saurais pas dire ce qui m’ennuie vraiment, ici, la politesse extrême de mon interlocuteur, ses manières, ou la façon dont il oriente notre conversation, dont il questionne sans rien dire. Je suis déçu, je préfèrerais qu’il soit plus frontal, qu’il me demande directement ce qu’il est venu chercher, plutôt que de jouer à cela avec moi. Me pense-t-il idiot au point de ne pas voir ses intentions, alors que je le rencontre devant l’école dans ces périodes de troubles et que je connais son emploi ? Je fais tourner le liquide dans le verre, songeur, sans répondre. Le silence se fait, et s’étend entre nous – mais s’il veut mes commentaires il faudra qu’il s’adapte. Au bout d’un moment, je me racle la gorge et prend une gorgée avant de relever les yeux vers lui. « Je ne crois pas que l’on verra les renvois se multiplier à Poudlard Ernest. Pas d’élèves, en tout cas. » Mon regard est sérieux, mais je suis sincère. Je crains pour mes élèves, mais je ne crois pas que Severus Rogue soit à ce point là un idiot. « Cependant, il n’est pas besoin d’en arriver au renvoi systématique pour durcir de façon inquiétante les règles de l’établissement. » Je me souviens des titres de la Gazette, pendant ma dernière année en Angleterre, avant la guerre. La Grande Inquisitrice, Dolores Ombrage. Poudlard est un symptôme. Je ne suis pas en train de devenir fou, la situation est en train de dégénérer. Je me garde bien pourtant de partager avec mon ancien camarade ces réflexions – qui sait ce qu’il pourrait faire des élucubrations d’un professeur fatigué. Et si je ne demande pas mieux que de cracher un peu de la rancœur que je nourris pour le directeur à l’heure actuelle, je suis mal à l’aise à l’idée de m’épancher auprès d’un journaliste un peu trop mielleux. Je n’ai pas oublié qui tu es, Ernest, et je ne suis pas idiot. Pourtant, cela lui servirait peut-être, à Severus, un petit électrochoc, un peu de tout cela, dans la presse. Je me fends d’un sourire poli. Je ne suis pas certain d’être aussi bon qu’Ernest à son petit jeu, mais il semble avoir tellement envie que je lui parle. Un hibou qui relaie les paroles. « Mais si l’on t’a fait par de ces craintes, alors c’est que la confiance s’est brisée, entre les étudiants et le directeur. Et pour ce que cela vaut, certains de mes collègues se sont aussi inquiétés de cette décision prise sans nous consulter. » Je souris, guettant sa réaction. Je ne lui mens pas. Je ne sais pas exactement dans quelle direction je veux l’emmener, je suis presque certain que je pourrais lui inventer de toute pièce tout un tas d’histoires qu’il croirait sans sourciller tant qu’elles peuvent se vendre. Quel mensonge ou quelle demie vérité exprimer maintenant ? Qu’est-ce qui serait le mieux pour l’école, pour les étudiants ?  

@Ernest C. Fawley - 1 221 mots
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Ernest C. Fawley

Ernest C. Fawley
Super vilain
hiboux : 41
Jeu 19 Nov - 0:10
Le silence. La défiance. Les deux sorciers se faisaient face, sans parler. Enfermés dans leur mutisme. Le né-moldu avait laissé la discussion à peine entamée mourir. Ne prenant même pas la peine de répondre au sang-pur assis devant lui. Il jouait, il jouait avec son verre, laissant l’alcool ambré courir le long de la paroi translucide. Réfugié dans ses pensées. Réfugié dans le secret de ses sentiments.

Ernest le scrutait. Mal à l’aise. L’animal se dérobait, l’animal se cabrait, refusait l’obstacle. Se murait dans son silence. Il avait laissé ses mots se perdre, dans le bar presque désert, et s’était enfui. Immobile. Muet. Le regard perdu dans les vagues qui louvoyaient au creux de son verre. Et le journaliste ne pouvait qu’attendre, suspendu aux caprices du professeur qui ne voulait pas parler, qui interrompait arbitrairement leur jeu.

Il ne pouvait qu’attendre. Attendre que l’autre se décide enfin à reprendre la parole. Attendre que l’autre ne lui concède ne serait-ce qu’un regard, qu’il n’exprime ne serait-ce qu’une expression. Mais non. Rien. Rien que ce mutisme, encore et encore, le silence qui s’appesantit, qui enfle, qui s’étend jusqu’à les étouffer de ses bras cotonneux, et Ernest qui sentait le malaise monter, s’emparer de lui.

Lemony se moquait éperdument de sa présence. Seul avec ses pensées. Seul avec ce verre qu’il faisait tournoyer par de petits mouvements du poignet, songeur.

Fallait-il que la situation soit à ce point préoccupante au sein de l’école de magie pour que le professeur s’égare ainsi dans le dédale de ses réflexions, snobant ostensiblement le journaliste. Quoi, que craignait-il pour se perdre ainsi ? Quelles émotions contraires pouvaient à ce point l’accaparer ?

Ernest tentait de boire, par petits à coups, pour se donner au moins une contenance, pour recréer au moins un peu de mouvement, attirer l’attention de l’autre, de ce foutu né-moldu qui l’ignorait magnifiquement. Son sourire s’effaçait progressivement, au fur et à mesure que montait l’agacement. Quelle scène lui jouait donc l’amoureux des moldus ? Le jeu de la grande introspection ? Du professeur déchiré entre la loyauté envers son école et celle envers ses étudiants ? Des foutaises, tout cela, des foutaises. Comme ceux de son sang, il était incapable de respect, voilà tout.

Ce n’était, après tout, qu’une simple question d’éducation.

Les sangs-de-bourbe, pensa-t-il par devers lui, manquent cruellement d’instruction. Abâtardis qu’ils étaient par le vulgaire du monde moldu. Et le professeur qui lui faisait face ne dérogeait pas à la règle, malgré ses dehors. De telles personnes ne peuvent pas comprendre nos traditions. De telles personnes ne peuvent pas s’intégrer à nos coutumes.

Il buvait, laissant dérouler le fil de ses pensées. Il perdait son sujet, sentait-il. Il perdait son temps, il perdait l’intérêt de son travail. Le journaliste était prêt à plaquer là le né-moldu. Qu’il débatte avec lui-même, s’il n’était pas assez bien pour lui. Qu’il continue à poursuivre ses peurs comme un chien poursuit sa queue, en boucle, sans fin.

Mais un raclement de gorge le retint, au moment même où il s’apprêtait à saisir son chapeau.

« Je ne crois pas que l’on verra les renvois se multiplier à Poudlard Ernest. Pas d’élèves, en tout cas. »

Ernest suspendit son mouvement. Ses réflexes de journaliste reprenaient le dessus. De l’information. Une pièce, un morceau insignifiant d’information, peut-être. Mais un début. Un fil à tirer. Quelque chose de tangible, quelque chose sur laquelle il pouvait, enfin, se reposer.

Le mépris, le malaise ne s’estompaient pas tout à fait, mais il lui fallait bien faire son travail. S’accrocher à ce que pouvait lui confier le professeur.  L’enregistrer. Se préparer à rebondir. A lui poser des questions. Les bonnes questions.

Il avait regardé avec un point d’interrogation presque méprisant le né-moldu boire, avant de prendre la parole, cette fois, il buvait cette avec attention ses réflexions lasses.

Pas d’autres renvois, donc. Pas parmi les élèves.  Il souriait intérieurement. Quelle folie avait donc saisi @Severus Rogue. Quel vent de panique balayait donc son école pour qu’un de ses professeurs puisse laisser échapper qu’il craignait… Quoi au juste ? Des démissions ? Le renvoi d’un de ses collègues ? Des responsabilités confisquées ?

L’air las, le professeur continuait, déjà.


« Cependant, il n’est pas besoin d’en arriver au renvoi systématique pour durcir de façon inquiétante les règles de l’établissement. »


Ernest porta son verre à ses lèvres, laissant le silence s’installer en creux. Invitation muette pour que le né-moldu continue de s’épancher. Qu’il parle, qu’il parle encore. Il enregistrait les informations, méthodiquement, dans son esprit. Il lui faudrait poser des faits concrets, précis, établis, sur le témoignage du professeur. Rentrer plus précisément au cœur de son sujet. Décortiquer. Mettre à nu les manœuvres en cours au sein de l’école de sorcellerie.

Il l’avait, son papier. Il commençait tout juste à l’esquisser, mais il saisissait déjà les grandes lignes. Le renvoi, les menaces qui pesaient sur le corps professoral, le durcissement des règles de l’établissement. Mentalement, il rédigeait déjà son titre. Poudlard, la dérive autoritaire. Non, Rogue tout puissant. Ou bien encore ceci : à Poudlard, l’ordre et la discipline.

Il arracherait cette une, ce bandeau, ce titre sur trois, sur cinq colonnes s’il le fallait. En gros caractères, placardés partout, dans tous les estaminets du chemin de traverse.

Mais il lui fallait la parole du professeur. Son témoignage. Ses mots.

Ernest avait abandonné son sourire mielleux. Se calant sur le sérieux de son interlocuteur.  Il ne le lâchait plus des yeux à présent. Le visage grave, lui aussi. Il lui fallait réfléchir, réfléchir à toute vitesse ; il n’avait aucune trame d’interview définie, rien que ces interrogations qui s’accumulaient, pêle-mêle.  En vrac.

Le professeur, lui, continuait, encouragé peut-être par le silence du scribouillard.

« Mais si l’on t’a fait par de ces craintes, alors c’est que la confiance s’est brisée, entre les étudiants et le directeur. Et pour ce que cela vaut, certains de mes collègues se sont aussi inquiétés de cette décision prise sans nous consulter. »

Une autre information. Rogue avait pris sa décision seul. Il résistait à l’envie de sortir dès maintenant son carnet de notes. A jeter sur le papier ce que lui disait le professeur. Il lui faudrait réorganiser ses pensées. Structurer ses réflexions. Il ne pouvait, il n’avait pas le temps.

« Les parents ont parlé les premiers. Des hiboux, cela faisait longtemps que nous n’en avions pas reçu autant. Peut-être plus inquiets que leurs enfants, parce que sont des parents, après tout. Mais les élèves que j’ai croisé, oui, étaient perdus. Divisés aussi, et en colère pour beaucoup. »

Des informations contre d’autres informations.

Il n’avait pas grand-chose à offrir. Si ce n’était pas la une de la Gazette. Les caractères en lettres capitales, au service du professeur. Peu importait que ce ne soit qu’un né-moldu, cela valait peut-être mieux, d’ailleurs. Et son sérieux, sa mine grave, le piquaient davantage, le poussaient à vouloir creuser encore plus profondément, à ressortir toutes ces dissensions internes, tous ces mécanismes dissimulés qui se mettaient en branle pour asseoir le pouvoir de l’ancien professeur des potions.

Il y avait là un scandale, il y avait là de quoi ébranler Rogue, le Ministère, Potter lui-même. La colère de parents inquiets, il ne pouvait rêver meilleur combustible. Mais il lui fallait de la matière, de la matière première, de la matière brute. De l’information.

Il s’autorisa une, deux gorgées. Reprit.

« Il y a beaucoup de parents qui s’agitent, déjà. Nous sommes pris de court par toutes ces lettres qu’on nous envoie. Mais tu connais la Gazette. Elle est prudente. Elle ne veut pas déplaire au directeur de Poudlard. Ne pas faire de vague. Et s’il faut laisser mourir l’histoire, certains n’en auraient aucun remord. »

Il soupira. Puisqu’il fallait parler sérieusement, alors il jouerait cartes sur table.

Le journaliste espérait bien que le professeur restait profondément, sincèrement attaché à ses élèves, à leurs droits, à leur liberté. Il n’y aurait rien de pire, pour le né-moldu, que le silence de la Gazette du sorcier. Un encart perdu entre deux annonces. Dans les dernières pages. Une simple brève. Le moyen le plus efficace du tuer la polémique. Le moyen le plus efficace de maintenir le statu quo. De maintenir l’emprise autoritaire du directeur, du Ministère.

« L’histoire peut faire la une. Mais les paroles d’adolescents excités n’y suffiront pas. »

Parle Lemony. Parle.

Le marché était posé. Il lui offrait la Gazette comme porte-voix sur un plateau. En échange de sa polémique. Libre au professeur d’en négocier les termes – ou de les refuser.

Lemony Anderson

Lemony Anderson
Super vilain
hiboux : 536
Mer 16 Déc - 20:19

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Aie confiance en moi
Je demande l'aumône à la justice des hommes ; je suis un mendiant affamé de justice, et mon honneur est en haillons.
- 13.02.2004

Je ne sais pas ce que je fais. C’est une certitude qui me marque, qui me blesse même, alors que je lui parle. Je n’ai pas la moindre idée de la direction dans laquelle je pars – qu’est-ce que je peux bien avoir à faire avec cet homme devant moi ? Cet homme qui me méprise, au mieux, et qui lui sait certainement ce qu’il veut, où il compte m’emmener. Je le devine, bien sûr – mais il faut choisir ses mots, parler sans trop en dire. Je suis un universitaire moi, un professeur – certainement pas un politicien. J’ai été journaliste assez longtemps pour savoir emmener mon interlocuteur là où cela m’arrange, mais je ne suis peut-être pas de taille face au serpent bien plus rodé à l’exercice qui me fait face. Comme j’aurais pu admirer Ernest – comme je le déteste de ne pas me l’avoir permis, avec ses idées et sa haine. Tout ce qui doit compter maintenant, ce sont les enfants. Je suis un professeur de Poudlard, je dois protéger ceux qui vivent au château – même du château lui-même. Et la décision de Rogue me répugne plus qu’elle ne le devrait. On a sacrifié ces gosses, on a balayé leur avenir – et pourquoi, d’abord ? « Les parents ont parlé les premiers. Des hiboux, cela faisait longtemps que nous n’en avions pas reçu autant. Peut-être plus inquiets que leurs enfants, parce que sont des parents, après tout. Mais les élèves que j’ai croisé, oui, étaient perdus. Divisés aussi, et en colère pour beaucoup. » Ernest boit, comme pour me laisser à mon tour le temps d’enregistrer les informations qu’il m’accorde – une fleur, un échange de principe, une marque de bonne volonté. Comme j’aimerais que nos échanges ne soient pas ainsi entachés par ma méfiance et ma colère, comme j’aimerais pouvoir m’épancher auprès d’un ancien camarade du club journal sans me sentir ainsi sur le point de trahir tout le monde : Poudlard bien sûr, mais surtout mon propre sang, mes amis nés-moldus et moi-même. Pourquoi faut-il qu’à l’heure de croiser un journaliste, je doive tomber sur Fawley ? « Il y a beaucoup de parents qui s’agitent, déjà. Nous sommes pris de court par toutes ces lettres qu’on nous envoie. Mais tu connais la Gazette. Elle est prudente. Elle ne veut pas déplaire au directeur de Poudlard. Ne pas faire de vague. Et s’il faut laisser mourir l’histoire, certains n’en auraient aucun remord. » Le soupir par lequel il termine sa tirade me fait sourire. Oh oui, je connais la Gazette, je l’ai lue, avec avidité, des années durant. A Poudlard, pour comprendre ce monde que je venais de rejoindre – cela représentait une sacrée somme à convertir en mornilles pour mes parents, afin de me payer l’abonnement annuel pour ce journal. Pas que l’argent ait été un soucis, c’était surtout la symbolique derrière : m’offrir un quotidien que le secret magique qu’on leur avait expliqué leur défendait de lire. Je l’ai lue, en sortant de l’école, retourné dans le monde magique – découvrant combien elle pouvait manquer d’objectivité quand elle faisait ses gros titres sur Potter, sur Dumbledore, sur Ombrage. Je l’ai lue, en Allemagne, alors qu’elle colportait l’idée que nous n’étions pas des êtres humains – et j’ai vu mon nom écrit dans l’une des colonnes qui nommait les sang-de-bourbe en fuite. Je l’ai lue, pour suivre les réformes de Potter, jusqu’à ce que l’un des articles me convainque de revenir. Je l’ai lue à mon retour, travaillant pour la concurrence, essayant de tirer le vrai du faux. Je la lis toujours, tous les matins, en buvant mon café. La Gazette ne veut pas laisser mourir l’histoire, la Gazette veut continuer d’exister et de servir. Soupire, soupire donc Ernest, te voilà le pion de Potter dans un journal à jamais acquis au Ministère – je me demande ce que cela lui fait de se dire qu’il a une moins grande liberté éditoriale que ses collègues d’autres journaux, que sa direction rend des comptes à un homme comme Potter – ou plus probablement Granger ? « L’histoire peut faire la une. Mais les paroles d’adolescents excités n’y suffiront pas. » Je souffle par le nez. J’avais raison au moins tout à l’heure, il écoutera chacune de mes paroles, même si mon discours est fou – il répétera tout cela, l’amplifiera. Il se fera une joie d’étaler sur les pages du journal tout ce qu’il aura appris, de signer de son nom sa belle enquête en espérant qu’elle lui apporte un peu de succès, de renommée. Alors, qu’est-ce que je peux bien lui dire, qui servirait vraiment les intérêts de Poudlard, et non juste les siens ? « Oh Ernest, tu me déçois vraiment… » Mes doigts jouent avec le bord du verre que je tiens dans les mains, glissent sur les bords – chorégraphie qui m’envoute un instant. « Tu aurais pourtant matière à faire un article tellement… Sensationnaliste. Les craintes des étudiants et de leurs parents se répondant sous tes mots, l’effroyable pathétisme d’une adolescente privée de la meilleure de ses amies, d’une équipe de Quidditch à qui l’on a enlevé son capitaine à quelques semaines de leur prochain match, d’une chorale privée de son président… Tsss. N’est pas Rita Skeeter qui veut, je suppose ? » Je prends une gorgée. Au moins celui-là n’est pas tombé aussi bas. J’ai lu chacun de ses livres, à Skeeter, et il y avait de bonnes dedans, des choses à garder – c’était une Serdaigle, après tout. Mais je ne peux pas m’empêcher d’avoir un certain mépris pour elle, pour ce qu’elle peut faire des informations qu’elle trouve. Je me demande ce qu’il en pense… Je ne l’apprécie pas assez pour lui poser la question, qu’il reste loin de mon esprit, ce Fawley, je me porte mieux de ne pas nous trouver trop de points communs. « Tu sais que Rogue m’a nommé directeur des Serdaigles ? » Combien j’aurais dû me réjouir de la nouvelle – comment je m’en suis attristé à la place, trop en colère pour apprécier la nouvelle. « Je dois protéger mes étudiants Ernest, même de moi-même. Et je ne prends pas cette tâche à la légère. » Je ne serai pas l’homme qui par bêtise et aigreur privera les aigles de leur directeur deux semaines après sa nomination. « Alors si tu veux que je te parle, je veux que tu promettes que ni mon nom, ni aucun indice qui pourra mettre en évidence que ce sont mes mots que tu rapportes n’apparaîtront dans ton article. Rien qui mène à moi. C’est d’accord ? » Je n’ai aucune confiance en Ernest Fawley, en tant que personne. Mais c’est un journaliste assez compétent pour que je lui accorde le bénéfice du doute quant à la protection des sources. Et puis, a-t-il vraiment intérêt à se mettre à dos un vieil ami comme moi vivant au sein de l’antique château, et qui pourrait lui dire ce qui s’y trame, si cela est dans l’intérêt des étudiants ?

@Ernest C. Fawley - 1 161 mots
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