Dieu je Vous offre cette prière
De tout mon cœur et sans détour
Pour Vous demeure un livre ouvert
Qui ne sait que parler d'amour
Toujours je fus Votre instrument
Toujours en fûtes le musicien
Accordez-moi qu'entre ses mains
Mon cœur n'en devienne que plus grand
Une prière - Rose des Vents La jeunesse a le tort de s’attarder trop souvent aux détails, de faire de chaque évènement un exploit en soi, quelque chose qui vaille la peine d’être raconté – mais tout ne vaut pas la peine de l’être en vérité. Plus jeune, j’aurai sans douté détaillé ma jeunesse et mon enfance heureuse, j’aurais insisté sur ce jour ou sur celui-là. Je ne le ferai pas. Pas que la mémoire me manque, mais à mon âge on se rend compte que ce qui nous semble extraordinaire ne l’est pas toujours, et qu’il est bon de garder pour soi certains de ses souvenirs heureux, de s’en faire un sanctuaire que personne ne connaît. Je me contenterai de dire que j’ai été heureux, et que c’est en essayant d’attraper une pomme trop haute pour moi afin de me faire bien voir de l’une de mes cousines que ma révélation magique a eu lieu – l’arbre s’est baissé jusqu’à moi pour me permettre d’attraper le fruit. C’était un beau moment.
J’imagine pourtant qu’un peu de contexte de saurait faire de mal à ceux qui n’auraient pas l’histoire de la famille Fawley inscrite dans leur mémoire comme elle l’est dans la mienne. Je suis le fils aîné, deux frères viennent après moi, Robert et Théobald, ainsi que des cousins et cousines de chaque côté. Je ne donnerai pas leurs noms, certains m’inspirent encore la plus grande tendresse, mais je me retrouverai bientôt à nommer chaque membre des grandes familles sorcières de Grande Bretagne si je voulais faire une liste exhaustive de tous mes parents proches et éloignés. Non, restons au plus prêt : mon père, ma mère, mes frères, la cellule familiale dans laquelle je me suis construit. Mon père avant moi siégeait au Magenmagot, c’était un animal politique à l’intelligence affutée et la ruse roublarde, le modèle absolu de l’homme que nous devions rêver de devenir – sur mes frères cela marcha mieux que sur moi. Ma mère était avant moi membre des Chœurs Célestes, c’est elle qui m’a offert ma première Bible, m’a parlé la première de Dieu, Ses Bienfaits, Son Amour, Sa Volonté et Son Fils. Elle avait une voix… En l’entendant chanter, il était impossible de douter de l’existence du Créateur. Je l’admirais elle, sa tranquille douceur, ses efforts quotidiens pour dompter les trois garçons fougueux que nous étions alors, sa fidélité et son amour sans faille pour notre père, plus que tout. Je suis le seul de ses fils qu’elle ait formé dans sa tradition, parce que je suis le seul qui le voulait vraiment je pense, et que si elle était croyante elle ne donnait pas vraiment dans le prosélytisme – mes frères ne comprenaient pas sa foi, pas plus que mon père (ou plus exactement lui ne le demandant pas ils ne s’étaient jamais posés la question). Cependant, tout Chœur Céleste que j'aspirais déjà devenir à cet âge si tendre, c’est sans avoir mué et baguette à la main que j’entrais le premier de nous trois à Poudlard, à l’aube de mes onze ans.
Je ne devais l’apprendre que des années plus tard, à l’enterrement de notre père alors que je mettais de l’ordre dans ses papiers : la paix qui régnait au manoir dans ma prime jeunesse n’était qu’un beau mensonge raconté aux enfants que nous étions alors. La période était sombre, Grindewald sévissait partout ailleurs en Europe, craint ou adoré. Mon père, lui, comptait au nombre des adorateurs, et s’il était discret, j’ai trouvé quelques lettres menaçant de le dénoncer – ce qui était arrivé à la personne ayant osé les lui écrire, j’ai préféré ne pas vérifier. A vrai dire, je n’ai jamais jugé mon père trop durement sur ce point, alors que j’ai jugé sévèrement ceux qui dans ma famille aborderaient la marque quelques années plus tard. Il m’a souvent semblé que né vingt ans plus tôt j’aurais fait les mêmes choix, l’idéologie de Grindewald m’ayant toujours plus parlé que celle de celui qui se ferait appeler Voldemort (peut-être parce que lui, je ne l’ai pas connu personnellement). Que mon père se soit gardé d’évoquer le sujet avec moi à l’époque, moi son fils aîné et héritier à qui pourtant il parlait de bien des choses trop sérieuses et secrètes pour moi, explique sans doute qu’il n’ait jamais souffert de la chute du mage noir, son soutien était demeuré un mystères même pour nombre de ses proches et il n’en fut jamais inquiété à ma connaissance.
Cependant c’est bien ignorant de tout cela que j’entrais à Poudlard. Jeune et alors trop ambitieux, rusé comme je le reste aujourd’hui, je poursuivis la tradition familiale en étant réparti à Serpentard. J’ai de Poudlard des souvenirs plus mitigés que de mes jeunes années. J’ai vite intégré ce club particulier auquel mon directeur de maison invitait ses élèves les plus brillants (ou les plus célèbres). C’est là bas que j’ai rencontré un étudiant de ma maison d'un an mon aîné qui devait devenir tristement célèbre sous un nom très différent que celui qu’il portait alors. Tom Elvis Jedusor a été mon serpent tentateur, je le trouvais brillant, incroyablement charismatique et je l’admirais comme je ne pense pas avoir un jour admiré quelqu’un. Je l’ai suivi presque partout pendant quatre ans, comptant au nombre de ceux qui buvaient ses paroles et acquiesçaient à chacun de ses mots. J’étais jeune, naïf et gonflé d’un orgueil qu’il savait parfaitement flatter, je le croyais mon ami je pense – avant de comprendre combien il était incapable de sentiments aimables. A cette période, il exerçait une telle influence sur moi que je me suis même éloigné de ma mère dont j’avais été si proche, et éloigné de Dieu par la même occasion ; il avait réussi avec le renfort d’un certain nombre de mes camarades de dortoirs à me faire embrasser cette doctrine puriste que je méprise aujourd’hui. Pour mon salut, il y eut Myrtle Warren, paix à son âme. Aussi longtemps qu’elle vécut, je n’eus que pour elle le mépris que mes camarades m’avaient appris à avoir pour les sangs de bourbe. Sa mort fut ce qui me libéra du joug de Jedusor. Elle avait un an de moins que moi, je me souvenais de sa répartition à Serdaigle… Et puis, l’héritier de Serpentard libéra son monstre, et après seulement quatorze années sur cette terre, Myrtle quitta la monde des vivants pour devenir Mimi Geignarde, une pauvre âme damnée errant dans les toilettes où elle avait trouvé la mort. Si je ne savais pas alors que Jedusor était derrière ce crime abominable, j’ai compris les dangers de son discours. Une gamine était morte, il n’y avait personne à Serpentard pour porter son deuil, et la seule chose qui semblait atteindre Tom était la fermeture possible de Poudlard. Je me souviens avoir écrit à ma mère, la supplier de me conseiller, de me guider. Elle me renvoya vers la Bible, mais elle m’éveilla aussi à une réalité que je n’avais jamais envisagé alors. Dieu avait décidé d’offrir la magie à sa cette jeune fille, Il l’avait choisie elle, peut-être plus que moi qui n’avait fait que naître dans une famille où la magie était depuis des siècles, Il avait décidé qu’elle en était digne : qui étions-nous jeunes idiots pour douter de Sa sagesse. Il a un dessein pour ceux qui naissent magiques au milieu de ceux qui ne le sont pas, un grand projet pour eux, et le leur refuser c’est se mettre au travers de Sa volonté. Plus jamais après cela je n’ai adhéré aux thèses des puristes – que les moldus et les créatures magiques nous soient inférieurs, je le conçois et je le défends, mais nous sorciers sommes égaux, car c’est ainsi qu’Il l’a voulu. Cet incident m’a poussé à m’éloigner de mes anciens amis, et à me faire plus rare aux réunions de Slughorn tant que Jedusor était encore scolarisé. C’est à cette époque que le fossé avec Robert, mon cadet, a commencé à se creuser. Il avait rejoint Serpentard, comme Théobald d’ailleurs, mais contrairement à notre benjamin il me tenait rigueur de cet éloignement. Théobald comprenait à sa façon lui, il ne se plaignait pas que nous ne retrouvions que pendant les vacances alors que nous vivions à quelques mètres d’écart. Je rejoignais le club de duel, inquiet je dois l’avouer que mes nouvelles idées me causent quelques ennuis chez mes camarades, je devenais l’ami de quelques Serdaigles et Pouffsouffles, peut-être même d’un ou deux Gryffondors et je me concentrais sur mes notes aux dépends de ma vie sociale au grand bonheur de ma mère pour passer le temps dans le dortoir le soir. Finalement, je sortais de Poudlard avec des notes en moyenne excellentes, une vague impression de vide et une certaine tristesse de ne pas y avoir trouvé la place que l’on m’y avait promis.
Ma mère (et moi par extension) était catholique. Je n’y avais pas vraiment réfléchi avant ces années là, mais je me souviens en entendant une messe récitée en latin m’être fait la remarque. Pourquoi ? En Grande Bretagne, ce n’est quand même pas ce que l’on a pu faire de plus commun. Pourquoi se confessait-elle auprès d’un prêtre et n’allait pas chercher les conseils d’un pasteur ? Je me souviens l’avoir questionné à ce sujet, et elle de me répondre avec un sourire doux « Veux-tu toi mon fils te convertir ? » Il n’y avait nulle méchanceté, nulle rancœur dans sa question. Ma mère croyait, elle voulait que je crois, la forme de cette croyance lui importait bien moins que sa sincérité. Je suis resté catholique, sans doute à cause du decorum, le latin me rappelle les sorts, réciter les textes sacrés est une sorte de magie. J’ai appris cependant à ne pas imposer ma vision de la spiritualité à ceux qui ne la partageaient pas. Bien sûr, être chrétien est important, croire est important, et je me désole de voir aujourd’hui églises protestantes et catholiques de plus en plus vides, mais il n’est pas mon rôle dans ce monde de forcer les autres. Leur rappeler les valeurs et la morale, sans doute, pas leur imposer mes textes et ma façon de croire : ce n’est pas ma vocation, Dieu ne m’a jamais conduit sur une voie m’appelant à le faire. En sortant de Poudlard, je me suis réfugié dans Son amour, j’ai lu, j’ai appris, je me suis formé à la théologie et à la casuistique. Et le jour où ma mère a décrété que j’étais prêt, que ma voix était arrivée à sa maturité, j’ai rejoint plein de joie les Chœurs Célestes. Là, j’ai trouvé la place que je n’avais su me faire à Serpentard. Ce type de magie n’est pas la plus adapatée aux duels dont j’étais particulièrement friand à l’époque, mais je me suis découvert une grande capacité à enchanter les objets, sous l’œil attentif de ma mère qui était elle-même particulièrement talentueuse. Mon père regardait cela avec une sorte de fierté moqueuse, et un soir il m’annonça que je pourrais continuer à apprendre auprès de ma mère si j’acceptais qu’il me forme lui-même. Lui, il m’apprit l’occlumencie et la legilimencie. Je n’ai jamais vraiment rencontré de difficulté dans cette première discipline, mon esprit est mon sanctuaire que je sais fermer pour m’y mettre à l’abri ; aujourd’hui je rechigne cependant plus volontiers à la legilimencie, si je trouvais cet art incroyable à tout juste vingt ans, il me semble maintenant qu’il y a quelque chose de terrible dans le fait d’atteindre l’esprit des autres comme seul Dieu le devrait – et je ne pratique plus qu’en cas de force majeure. Je passais quatre ans, traînant au manoir et apprenant de mes parents, gérant une partie des affaires de la famille à l’occasion pour pouvoir un jour succéder à mon père. Robert s’était déjà lancé pour faire carrière juste après sa sortie de l’école, il était marié et bientôt père, et c’est alors que Théobald finissait de passer ses Aspics que mon cadet demanda à notre père plein d’insolence si ce dernier comptait laisser son héritier célibataire et oisif toute sa vie. Ah ça, il regretta sa question, tout adulte qu’il était notre père lui flanqua la raclée de sa vie. Il quitta le manoir sur le champ, n’adressa plus la parole à nos parents et ne revint jamais, nos échanges restèrent froids et tendus jusqu’à la mort de notre père. Toujours est-il que ses mots avaient eu un effet sur notre patriarche, et alors que j’entrais à vingt deux ans aux brigades magiques du département de la Justice du Ministère, mon mariage était annoncé pour le printemps suivant.
Je bois à nos amours ambiguës, diaboliques
Souvent tragi-comiques
Nos silences de mort
À notre union ratée, mesquine et pitoyable
À ton corps insatiable
Roulant de lit en lit
À ce serment, prêté la main sur l'évangile
À ton ventre stérile
Qui n'eut jamais de fruit
(…)
Et je bois comme un trou qu'est en tout point semblable
À celui que le diable
Te fait creuser pour moi
Je bois – Charles Aznavour Elle s’appelait Edna, de deux ans mon aînée, sang pur tout comme moi. Jeune, elle avait le teint trop pâle, presque cireux qui lui donnait un air vaguement malade, mais une façon charmante de se cacher la bouche pour sourire et de très jolies mains avec lesquelles elle jouait superbement du piano. Je ne m’étais pas vraiment intéressé à elle à Poudlard quand je l’avais croisée, mais je l’avais surprise pouffant me voyant arrivé, glissant un mot à l’oreille d’une de ses amies. Je ne sais pas vraiment si j’ai un jour été bel homme, je me laisse croire que mon regard d’acier clair avait un certain charme pour les femmes, et qu’au temps où mon corps était athlétique et élancé j’aurais pu plaire. Pour gagner les cœurs, j’utilisais ma voix qui elle est restée une valeur sûre dans ce qui fait mon charme (peut être même est-elle devenue plus profonde alors que je vieillissais). A vrai dire, je n’ai jamais été très porté sur la séduction, j’étais déjà fiancé à dix ans, avant même de comprendre ce que cela pouvait signifier, et d’une nature trop chaste pour me laisser tenter par les charmes que l’on a pu déployer devant moi. La luxure, de tout les péchés, n’a jamais été mon point faible, et j’en suis même venu à concevoir un mépris amusé pour ces hommes qui se laissaient tenter par ce si bas instinct. Notre mariage avait été décidé peut être même avant notre naissance, dans la plus stricte tradition de ce qui se fait quand on a un sang comme le nôtre. Je n’avais jamais trouvé à m’en plaindre, au contraire avant notre mariage je pensais naïvement que je trouverais mon bonheur dans cette union, comme mes parents semblaient l’avoir fait dans la leur qu’ils n’avaient pas plus choisie que moi. Mais Edna… Edna n’a jamais eu la douceur et la patience de ma mère, et ma morale n’a jamais été aussi maléable que celle de mon père. Nous célébrions nos fiançailles officiellement pour mon vingt deuxième anniversaire au manoir, en automne 1950, et nous convolions en juste noces le 12 mai 1951. Avant Noël, nous nous haïssions déjà. J’ai été marié cinquante et un ans à Edna, et je n’ai jamais connu aucune autre femme (si l’on oublie les mains qui se frôlent et un baiser volé par une jeune serdaigle quand j’avais quinze ans).
Cinquante et un ans. Cinquante et un ans d’une douce torture qui a bien failli avoir ma peau et mon âme.
Pour ma défense, c’est elle qui a commencé les hostilités lors de notre voyage de noces. Une petite réflexion qui en entraîne une autre, moi jeune et naïf je n’avais pas compris. Alors la réflexion était devenue une humiliation qui revenait sans cesse, je rougissais comme un idiot me demandant ce que je pouvais faire pour la rendre plus heureuse. Je pense que j’aurais tout essayé pour cela si elle n’avait pas eu l’audace stupide de m’insulter le jour de mon vingt troisième anniversaire, en public, devant nos amis, mon frère et mes parents. Jeune, j’étais assez sanguin, mais j’avais miraculeusement attendu que tout le monde soit parti pour lui rendre le coup. La legilimencie que j’utilisais sur elle ce soir là m’apprenait qu’elle me trompait déjà, et dès cet instant je devenais près d’elle le plus odieux des hommes. Jamais je n’ai levé la main sur elle, mais il y a d’autres façon de se faire souffrir. Moi, je fouillais dans sa mémoire pour lui remémorer les pires instants de sa vie, elle, elle me trompait dès qu’elle trouvait un homme prêt à la prendre dans son lit. Même au moment d’accomplir notre devoir conjugal, cela était devenu une façon de se faire mutuellement souffrir, et je pense que très vite nous ne le faisions plus que parce que le contact de l’autre nous était insupportable et que nous le savions. A l’aube de mes vingt sept ans, je découvrais qu’elle était tombée enceinte à plusieurs reprises et qu’elle avait été trouvé l’une de ces faiseuses d’ange pour m’éviter la joie de devenir père. Je l’aurais tuée. Je l’ai poursuivie dans le manoir, criant et baguette à la main, et il a fallu que mon frère qui était là pour une quelconque raison que je ne me souviens plus m’arrête pour m’éviter de me damner irrémédiablement. Si je garde une excellente mémoire de l’ensemble de ma vie, ce sont mes années noires, celles que je ne peux pas me remémorer clairement. Pendant presque deux ans, Edna est partie se mettre au vert chez l’une de ses sœurs, et je suis resté seul à boire en silence, indifférent à tout, le cœur et l’esprit remplis de pensées noires, ayant même perdu la foi. J’ai perdu mon travail, et une partie de l’estime de mon père qui tenta même de se rapprocher à nouveau de Robert – mais je m’en fichais bien alors. Et puis, ma mère est tombée malade.
Comme autour d'un chagrin les voix se font plus tendres
Un écrin de silence entourait nos regards
Les yeux n'ont plus besoin de mots pour se comprendre
Les mains se parlent mieux pour se dire au revoir
Moi qui ne savais rien de la vie éternelle
J'espérais qu'au-delà de ce monde de fous
Ceux qui nous ont aimés nous restent encore fidèles
Et que parfois leur souffle arrive jusqu'à nous
Elle souriait de loin, du coeur de la lumière
Et depuis ce jour-là je sais que dans sa nuit
Il existe un ailleurs où l'âme est plus légère
Et que j'aurai moins peur d'y voyager aussi
A ma mère – Yves Duteil Je me souviens de la chambre dans la pénombre. Cette chambre dans laquelle je me réfugiais gamin, cette chambre dans laquelle nous avions tant parlé, tant échangé. J’étais abruti par deux ans d’alcoolisme et de solitude, pâle, titubant, la voix cassée et rauque, et ma mère était en train de mourir. J’avais toujours été celui de ses fils dont elle était la plus proche, Robert n’était même pas là, Théobald était en retrait. J’ai vu le regard du médicomage en entrant, et j’ai retenu mes larmes en m’asseyant sur le bord de son lit pour prier à voix haute avec elle. Je vous salue, Marie pleine de grâce. Le Seigneur est avec vous. Vous êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs.
Maintenant et à l’heure de notre mort.
Edna était à l’enterrement, couverte d’un voile noir, silencieuse. Elle a saisi mon bras, et nous avons suivi le cercueil en silence, juste derrière mon père qui tremblait de chagrin malgré son regard fier. Theobald marchait près de moi, sa femme à ses côtés, aussi ému que moi. Robert est arrivé en retard, il s’est frayé un chemin en faisant grand bruit poussant épouse et fils devant lui, presque fier. Je pense que de tous les affronts qu’il aurait faire à mon père, celui-là était de loin le pire – notre paternel était pourtant trop touché par la cérémonie pour vraiment le remarquer. J’ai dit quelques mots, et je suis resté là, en silence, alors qu’on avait refermé le caveau familial et que la foule s’était dispersée. Je me tenais droit, seul à côté de mon père, silencieux, honteux, et malheureux. Mais je la savais en un meilleur lieu, heureuse auprès de son Créateur. Plus jamais après cela je n’ai perdu la foi, l’espérance parfois, mais plus la foi. Edna est revenue vivre au manoir, notre haine est restée coriace mais elle était plus tranquille, nous nous tolérions et la majorité du temps nous arrivions même à ne pas trop nous tourmenter. Elle ne m’a jamais donné d’enfant, mais je n’ai plus cherché à savoir si c’était une volonté maligne de sa part ou un coup du destin. Théobald a joué des pieds et des mains pour transformer mes deux ans d’enfer en une maladie aux yeux de tous, et il a tellement bien joué son coup qu’au bout de dix ans les doutes n’étaient même plus permis, et que cette sombre histoire est devenue un mystère pour tous ceux qui n’étaient pas nés ou en âge de comprendre a l’époque (même chez les Fawleys). Mon père lui a tout fait pour me réintégrer au Ministère, et si je n’ai pas pu reprendre mon ancien poste je me suis retrouvé assistant de l’Archiviste, ma mémoire édétique me permettant de retrouver ma route dans les couloirs sinueux et classer plus efficacement que ceux qui m’avaient précédé. Je me suis impliqué dans la gestion des affaires de famille, la santé de mon père déclinant atrocement suite à la mort de ma mère il fallait que je sois en mesure de le remplacer quand l’heure serait venue. Je venais d’avoir trente et un ans quand mon père nous quitta à son tour.
La cérémonie était plus impressionnante que celle prévue pour ma mère, une décision purement politique pour le coup. Il n’était pas juste question d’enterrer mon père, mais aussi de m’affirmer moi comme le nouveau Lord Fawley. Tout le monde était là, nos amis, nos cousins, nos parents éloignés, Edna et sa famille, Théobald, sa femme et son tout jeune fils, Robert, son épouse et son fils qui allait sur ses dix ans. Le temps d’une journée, j’ai eu l’impression d’avoir retrouvé mes frères, comme si le décès de mon père avait réussi à nous rapprocher à nouveau, enfin. Nous nous sommes assis, tous les trois, et nous avons parlé de nos souvenirs d’enfance, de nos parents, nous avons refait le monde et fait mille projets pour l’avenir de notre famille.
Ça n’a pas duré.
Le testament de mon père faisait bien de moi son premier héritier, et s’il donnait assez à ses deux autres fils pour les mettre eux et leur famille à l’abri du besoin, il était clairement déséquilibré en ma faveur. Théobald l’accepta sans sourciller, conscient il me semble que n’ayant pas d’enfant et n’étant pas près d’en avoir sauf un coup du sort, ce que je gagnais là, ils se le partageraient un jour. Robert lui, entra dans une rage noire. Il fit un esclandre, hurlant qu’il était impossible que l’héritage de notre famille revienne en si grande partie à un ivrogne incapable, un archiviste incapable de garder un travail prestigieux. Le ton monta, Théobald se rangea de mon côté, Edna fut, surprenamment, un appui décisif, et ce devait être la dernière fois que je voyais mon frère qui refusa tout contact avec moi suite à cela.
A la mort de notre père, Théobald avait déjà un fils d’un peu plus d’an, Nigel. Il ne fallut pas attendre longtemps pour que sa femme lui en donne un deuxième, Paul. Aussi navré que j’étais de ne pas avoir d’enfants à moi, que lui en ait eu deux me rassurait déjà pour l’avenir de notre famille, et j’avais pour mes neveux une tendresse toute particulière. A cette époque, la plupart de nos amis devenaient parents, et les manoirs où nous nous retrouvions se remplissaient des cris d’enfants joyeux. Je les adorais tous, ces innocentes créatures de Dieu, et je chantais pour eux en fin d’après midi, ravi de les divertir. Ma magie n’a jamais été aussi belle qu’à cette époque là. Je ne m’étais pas vraiment fait une raison, je priais pour un miracle, qu’Edna m’annonce un jour que nous aussi, nous allions partager cette joie, de m’imaginer bordant un fils imaginaire, lui chanter une berceuse, guérir les bleus qu’il se serait fait lors de ses jeux d’enfants, veiller sur lui, le protéger… Je n’aurais jamais eu cela, et c’est cela qui a fait que ma détestation pour mon épouse n’a pas pu disparaître avec le temps, parce qu’elle m’en a privé, mais ce rêve, cet espoir, il m’a porté pendant presque dix ans. Jusqu’au début des années 1970. A cette époque là, ne pas avoir eu d’enfant moi-même a finalement pu être un soulagement.
Il s’est passé deux choses alors que naissait cette nouvelle décennie, que je fêtais mes quarante ans passés et que je voyais mes neveux partir pour Poudlard. Déjà, le Grand Archiviste est parti à la retraite, et je me suis retrouvé à son poste. Et surtout, après des années sans vraiment avoir entendu parlé de lui, le nom d’un vieil ami s’est retrouvé sur toutes les lèvres. Pas son vrai nom, celui sous lequel il est encore connu aujourd’hui, celui qui a donné raison au moi de quinze ans qui l’avait trouvé dangereux et avait préféré s’en éloigner. Lord Voldemort, Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. Ce bon vieux Tom, qui avait été si charmant, défiguré par la magie noire, plein de haine, amassait autour de lui une armée de fidèles tous prêts à tuer pour lui. Cela me rendait fou, de voir mes amis se presser autour de lui, boire ses paroles, soutenir ses idées. Et puis les enfants ! Ces enfants que j’avais tant aimé quand ils étaient jeunes, devenus des adolescents qui ne rêvaient plus que de le rejoindre. Les idées puristes qui étaient partagés à tous nos repas, à toutes nos soirées, comme des banalités. Bien sûr que certains les avaient toujours eu, mais on n’en parlait pas comme cela avant. Les refuser, c’était se faire des ennemis de ceux qui avaient un jour été mes proches, mettre en garde contre Jedusor, c’était aussi se faire des ennemis. Que je me suis senti seul, que j’ai manqué de courage. Et puis un jour, un gamin à peine sorti de Poudlard, le lait lui coulait encore du nez, un de ceux que j’avais choyé quelques années plus tôt est venu frapper à ma porte, se croyant menaçant, pour me demander (que dis-je, me conseiller, voir même m’ordonner?) de me joindre à eux. Ce n’est pas contre ces gosses que je pensais un jour avoir à user de mes talents de duellistes. Je l’ai flanqué dehors en lui disant que si son maître me voulait dans ses rangs, nous nous connaissions assez bien pour qu’il vienne de lui-même m’inviter à le rejoindre. Je m’attendais un peu à voir débarquer toute une cavalerie prête à en découdre pour cet affront, mais ni Tom ni ses sbires ne sont jamais revenus. Est-ce parce qu’il m’avait connu que je n’ai pas plus eu de soucis avec ses mangemorts ? Est-ce parce qu’il savait que sans partager les idéaux puristes, j’étais trop conservateurs pour rejoindre vraiment les rangs de ses ennemis ? Ou était-ce simplement que faisant profil bas, s’en prendre gratuitement à Lord Fawley aurait des répercussions plus mauvaises qu’autre chose ? Je n’ai jamais eu l’occasion de le lui demander, mais j’ai prié pour le salut de chacun d’eux, déposant chaque jour un cierge pour que Dieu ait pitié de leurs âmes. Et comme les voies du Seigneurs sont impénétrables, le salut est venu d’un bébé, Harry Potter.
Dans la longue liste de mes proches s’étant pourvoyés se trouvait le plus jeune des fils de mon frère, Paul. Nigel, qui s’était lancé dans le droit à cette époque, a déployé son immense talent au service de nombre de ces idiots qui s’étaient laissé embarqués, réussissant même à sauver son frère de la justice d’un Croupton des plus intransigeants. Je ne l’ai jamais beaucoup aimé, Croupton, mais il avait cela d’admirable d’être un homme de principes, même si cela devait signifier envoyer son propre fils pourrir à Azkaban. J’aimerais dire que la vie a repris son cours normalement à la fin de la guerre, mais ce serait mentir. Une partie des enfants de mes amis, et mes amis avec, étaient à Azkaban, et le monde sorcier encore traumatisé par les horreurs d’une guerre fratricide.
Nigel lui, sortait de cette guerre et ses complications auréolé de la gloire de procès impossibles gagnés, couvrant le nom de Fawley d’un honneur qui me rendait particulièrement fier. Mon frère lui, rencontrait pourtant avec son fils les plus grandes difficultés : il lui avait trouvé une femme, Nigel l’avait fait fuir plus vite que même moi je l’aurai cru possible – je n’ai pas réussi à me ranger parfaitement du côté de mon frère à ce sujet là, si le fait que mon neveu agisse encore à trente ans comme un adolescent face à certaines de ses responsabilités m’agaçait certainement, la vie que j’ai menée au côté de ma femme m’a ôté toute confiance des mariages arrangés. Paul, le plus jeune des deux, avaient échappé à la guerre à peine surveillé, et menait une de ces vies modèles à la tête d’une petite boutique d’enchantements. C
omme ce que toi et mère faisiez m’a un jour dit mon frère avec un grand sourire, ravi que son second fils au moins soit
raisonnable. Je me souviens avoir simplement haussé les épaules, il m’était impossible de juger raisonnable un homme qui portait la marque des mangemorts, et il m’avait paru vain de lui expliquer que les enchantements de son fils n’avaient rien à voir avec l’art que ma mère et moi-même avions appris à manier. Aucun de mes neveux n’a conscience de la beauté et la parfaite harmonie de Sa création, et Paul est bien incapable de voir la grandeur de la magie qu’Il nous permet de faire, il ne cherche pas à n’agir que très subtilement car il n’a pas conscience d’altérer Son œuvre d’une façon si humainement imparfaite, il ne Le laisse pas le guider. Je ne pourrais pas moi, vendre les objets que j’enchante par ma magie, parce que je ne saurais estimer en valeur Ses faveurs. Mon neveu ne voit que l’objet qu’il enchante, pas le tout qui l’entoure ni que lui-même fait partie de ce tout (sa baguette peut-être, et encore…). Le manque de spiritualité des générations nouvelles de ma famille est sans doute ce qui m’attriste le plus chez eux. En tout cas, Paul tenait sa boutique et la crise de Nigel se résorba d’elle-même grâce à cela : dans la clientèle de son frère il rencontra une sang pur qu’il épousa, calmant toutes les craintes de son père avant qu’elles ne se transforment en rancœur.
C’est juste avant le début des années 90 qu’un article m’apprit la mort de Robert et la vie qu’il avait pu mener. Je le montrais à Théobald qui regretta autant que moi que nous ne nous soyions pas retrouvés avant sa mort. C’est seuls qui nous allions à son enterrement, mais alors que j’allais présenter mes condoléances à son fils, mon neveu que je n’avais plus vu depuis ses dix ans, celui-ci m’invita à partir refusant tout autant le dialogue de son père. J’essaie de ne pas dire du mal des morts, et j’espère que mon frère a mené sa vie d’une façon qui me permettra de faire la paix avec lui dans l’autre vie, mais j’ai tout de même un peu pesté sur lui alors que nous rentrions, navrés que les discours du père aient trouvé un tel écho sur le fils. C’était aussi la dernière fois que je voyais mon neveu, sans rien savoir de plus sur lui ou sa famille que le nombre de personnes en noires qui se tenaient à ses côtés quand on avait porté le corps de Robert en terre.
J’ai cherché le nom de Potter dans les journaux à la chute du Seigneur des Ténèbres. Je ne sais pas où l’a mis Dumbledore toutes ces années, mais il a disparu un temps avant de refaire surface alors qu’il était à Poudlard. J’ai commencé à le joindre à mes prières régulièrement, en 1992, quand il est apparu que la Chambre des Secrets était ouverte à nouveau et le monstre qui y vivait et qui, alors que j’étais encore étudiant avait tué Myrtle, hantait à nouveau le château. Que ce jeune garçon puisse vaincre le basilic et empêcher définitivement la mort d’autres nés moldus, cela eut finalement bien plus d’impact que la joie et l’immense sentiment de gratitude que je ressentais en l’apprenant (plus grande encore que lorsque chérubin il avait vaincu une première fois Jedusor). Et l’impact que cela eut sur moi me fit prendre deux années plus tard un chemin que je n’aurais jamais cru emprunter.
Je n’ai pas su tout de suite que le Seigneur des Ténèbres était de retour avec certitude. Même si on me voyait comme un sympathisant (que je n’ai pourtant jamais été) hors de ma famille, je n’étais pas l’un des leurs. Paul s’est trahi lui-même en entrant plus guilleret que jamais chez moi un jour de pluie, alors que mon frère avait la mine grise et parlait de se mettre de plus en plus en retrait au profil de Nigel. Le doute n’a de toute façon plus été permis pour moi le jour où la Gazette titra que Sirius Black avait libéré sa cousine. Je n’ai pas bien connu Sirius lui-même, mais je n’étais pas assez éloigné de la famille Black pour trouver cela ne serait-ce qu’envisageable. J’ai songé que Dumbledore défendait Harry Potter qui l’affirmait déjà depuis des mois, j’ai songé que Potter avait terrassé la bête qui avait tué Myrtle Warren et déjà vaincu Voldemort une fois, j’ai songé qu’avec mes amis, mes proches bien engagés au côté de Jedusor et mes talents d’occlumens que je serai à l’abri, insoupçonnable, et j’ai écrit à Dumbledore pour proposer toute l’aide dont il pourrait avoir besoin. Je n’ai jamais rejoint l’Ordre du Phénix, trop vieux pour affronter frontalement mes proches, trop conservateur pour Dumbledore et les siens. Mais s’il est une chose que ma charge de Lord m’a appris, c’est qu’il y a des combats qu’on peut mener sans lancer de sorts sur personne (sauf quelques sorts de confusion peut-être…). Au début du conflit, c’était quelques informations distribuées au compte goutte de ce que je pouvais glaner, trop peu pour que mon implication ne puisse être envisagée, assez pour aider. C’est à la création de la commission d’enregistrement des nés moldus que j’ai commencé à vraiment joué un rôle dans cette guerre. Je n’avais jamais vraiment apprécié Dolores Ombrage, mais avec cela elle a réussi à rejoindre le nombre de ces rares personnes qui ont su m’inspirer une incroyable horreur. Un beau matin, elle est arrivée aux archives pour me dire que le Ministère par la commission à la tête de laquelle elle avait
la chance et l’honneur d’être nommée comptait enquêter et poursuivre les nés moldus, et qu’il fallait donc que moi et mon assistant fassions vérifier les antécédents familiaux d’un certain nombre de potentiels
voleurs nuisibles. Une archive, ça se falsifie ou ça se retrouve plus facilement que l’on pourrait le croire. Bien sûr, ce n’était pas tout le temps possible, et parfois mon seul moyen d’agir était de prévenir qu’on m’avait demandé de vérifier et qu’il était temps de fuir par tel ou tel moyen . Vous connaissez les points communs entre Leon Greenberg, Emilia Willow, Justin Crowler ou Mary Emmerson ? Ce sont tous les quatre des cracmols, méprisés et reniés par leurs familles, et morts depuis longtemps. Aucune de ces quatre personnes n’a existé, mais j’ai trouvé des preuves de leur naissance, leur mort, leur mariage et leur descendance en cherchant comme il faut, et ces quatre personnes parfaitement fictives ont sauvé des vies pendant la guerre. Elles, et quelques autres encore. Mais aux heures des conflits armés j’étais aux abonnés absents, et j’ai passé la Bataille de Poudlard en prière dans une la maison de Dieu.
Tom était mort, et Harry Potter avait disparu. Les voies du Seigneur me paraissaient toujours aussi impénétrables, car ce n’était pas l’une des nombreuses issues que j’avais envisagé. Mais cela marqua la fin, et quelques mois plus tard, la guerre était finie. Arrivait enfin l’heure où l’on rend justice. Je n’avais plus la force d’être compatissants avec ceux qui s’étaient impliqués, et si je n’aurais par exemple jamais dénoncé mon neveu qui se faisait passer pour mort dans un manoir écossais, mais j’aurais été inflexible s’il avait du être jugé. C’est alors que les jugements s’enchaînaient que j’ai appris le nom de l’héritier de Robert, Lawrence Fawley, envoyé à Azkaban pour avoir suivi les traces de son père et prit la marque au bras. J’ai reçu une lettre confuse remplie d’une profonde tristesse de sa mère à l’époque, mais il était hors de question pour moi d’intervenir.
***14 juin 2002, au Manoir Fawley. La chambre est dans la pénombre. Cette satanée pénombre. Pourquoi faut-il toujours mette les mourants dans le noir ? Je m’avance lentement, appuyé sur ma canne. Il y a des jours où je pourrais bien m’en passer, mais je la garde parce qu’elle me donne une démarche que j’apprécie, d’autres je ne pourrais pas faire trop pas sans. Je m’assoies sur le fauteuil à côté du lit et prend la main glacée de mon épouse. Elle se tourne vers moi, sortie de sa torpeur par mon contact. «
Tu es venu te réjouir de bientôt être libéré de moi ? » Ce qui est bien chez Edna, c’est que même sur le point de mourir, elle reste égale à elle-même. Je soupire doucement. «
Je ne veux pas me battre aujourd’hui. Je suis venu m’excuser. » Ses yeux s’écarquillent, elle semble se demander si la fièvre l’a fait halluciné ou si elle m’a bien entendu. Je continue, sérieux : «
Nous avons tous les deux commis des torts à l’autre, nous nous sommes rendus malheureux, nous nous sommes faits souffrir. Nous avons été de terribles époux dans un terrible mariage, et nous n’avons rien fait pour nous supporter et nous protéger l’un l’autre, nous n’avons jamais vraiment essayé.. C’est une promesse que je t’avais fait devant Dieu pourtant et je m’excuse d’y avoir manqué. Je suis navré Edna que nous soyons restés si longtemps ensemble sans jamais réussir à nous entendre, navré d’avoir été aussi odieux. Et je te pardonne le mal que tu m’as fait, je veux que tu ailles en paix, je veux t’offrir même pour une heure autre chose que de la haine. » Elle fait une moue dubitative. «
Si tu es venu pour que je te pardonne toi je - » Dans n’importe quel autre contexte, je pense que cela m’aurait incroyablement agacé, mais je reste calme. «
Non. Libre à toi de me pardonner ou de ne pas le faire, je ne veux pas te forcer la main en te faisant mes excuses. Je veux juste te les faire. Edna, nous nous déchirons depuis cinquante et un an, je ne veux plus continuer. » Elle reste interdite un moment, et je n’entends plus que sa respiration saccadée de malade. «
Je pensais que nous allions nous tuer avant tu sais. Jamais je me serais vue restée cinquante et un ans avec toi… Ca tient du miracle, non ? » Son rire se transforme en toux et s’éteint grassement dans sa gorge. Je lui souris. Je n'aurais pas cru tenir non plus en vérité, et combien de fois j'ai regretté cette promesse de la chérir jusqu'au bout de ma vie, combien de fois je me suis fais le serment de trouver un moyen de rompre mes voeux sans scandale et sans me damner ? «
Et pourtant, on l’a fait. » Elle renifle. «
Tu sais, on peut reprocher beaucoup de choses à Potter et Granger, mais rendre nulles les fiançailles arrangées, je pense que ce sera plus bénéfique qu’autre chose. » Elle rit à nouveau, et je ne sais pas trop pourquoi je la rejoins dans le rire. Je suis content de ce moment de complicité que nous nous offrons. Pourquoi faut-il que des caractères comme les nôtres mettent tant d'années avant de se calmer ? Au coin de mes yeux, mon rire se transforme en larmes. Je n'ai pas su aimer cette femme. J'ai fait de sa vie un enfer si souvent qu'en me retournant sur notre vie commune je ne perçois plus que ces horreurs. Pourquoi nous sommes-nous imposer cela ? «
Je suis désolée Melchior. » Sa main serre la mienne.
*** Harry Potter a bien fini par réapparaître, confirmant la mort de Tom, hagard et sans souvenir du temps qui s’était écoulé depuis sa disparition affirmaient les journaux. Merci mon Dieu de l’avoir sauvé. Et, moins de deux ans, à se retrouver à la tête du Ministère suite à un accident de son prédécesseur, et à initier une série de réformes qui ne firent pas l’unanimité. Tout reconnaissant que j’étais moi-même, j’ai levé un sourcil désapprobateur en entendant que l’on souhaitait réformer le statut des créatures magique. Dieu a créé les hommes, mais surtout les sorciers puisque nous sommes capables de créer tout comme lui, à son image – mais pas les animaux, et donc, pas les créatures. Les questions peuvent se poser sur le statut de certains hybrides, j’ai cru lire qu’un moldu qui se faisait mordre par un loup garou pouvaient soit en mourir soit devenir sorcier (s’il ne s’agit pas là d’une intervention divine!), et étant à moitié humains et donc intelligents il ne faut pas juger durement les enfants nés de l’accouplement d’une créature et d’un sorcier, la faute revient au parent qui n’a pas su se contenir et a avili son sang. Mais les gobelins des sorciers ? Ha ! Et puis quoi encore ! Le salaire minimum pour les elfes, pourquoi pas à la limite, s’ils doivent servir Dieu les a béni et ils devraient avoir le droit au repos et à une juste compensation, tant que ce n’est pas le même traitement que l’on réserverait à une bonne humaine. Cela ne m’a pas dérangé personnellement, de libérer mes elfes et de leur proposer une compensation, mais il n’y avait qu’à voir le regard que ma lancé ce vieux Maestro, le plus vieil elfe de ma maisonnée, qui m’a demandé s’il m’avait déçu d’une quelconque façon pour que j’en arrive là pour être certain que servir est bien dans sa nature. En somme, les premiers temps, j’étais dubitatif de cette nouvelle politique sans être vraiment contre. Puis, alors que cela commençait déjà à gronder, l’abrogation des privilèges de sang arriva pour déchirer encore la communauté magique qui avait pourtant bien besoin de restée unie au sortir de la guerre. Que voilà une réforme qui me met dans l’embarras. D’un côté, il est évident que si nous sommes égaux, nés moldus et sang purs, il faut que les lois humaines nous traitent de façon semblable, pour se faire une prolongation de celles de Dieu. De l’autre, c’est une question de tradition, de noblesse, d’habitude plus que de droit qui se pose. En quoi est-ce juste d’offrir à des personnes qui rejoignent seulement notre communauté les mêmes privilèges que ceux qui s’y sont impliqués pendant des générations ? Le contrôle des de la magie noire et des objets pervertis par celle-ci, cela en revanche je n’ai pu qu’applaudir… Ce que je craignais cependant ne tarda pas, cette multiplication de réformes entraîna une réponse de ceux qui étaient contre, et en premier Narcissa Malefoy qui écrivit une lettre ouverte des plus vindicatives. Cette chère Narcissa, je me serais rangé derrière elle dès le premier instant si je n’avais pas craint les délires puristes de certains de ceux qui la suivaient maintenant, et si je n’avais pas été inquiet d’un nouveau conflit : celui-ci éclata bien au bal de Noël que donna le Ministère (quel terrible moment pour déclarer une guerre!), avant que je ne me sois rangé franchement d’un côté ou de l’autre. Je ne l'ai toujours pas franchement fait d'ailleurs, mon cœur irait plutôt à Narcissa, mais je suis quelqu'un de réservé et je sais que ce genre de choix ne se font pas à la légère. Je me suis accordé jusqu'à l'anniversaire de la mort de ma femme en dernier délai pour choisir ma position, car dans ce conflit je ne pourrai pas ne pas m'impliquer.
Alors que le monde sorcier refuse de retrouver la paix et la stabilité, c'est à mon neveu que je dois mes dernières inquiétudes. Edna avait toujours été plus faible que moi, qu'elle meurt la première n'était pas une surprise, mais cela m'a rappelé que je n'étais pas éternel. Et là dessus, Nigel divorce. Di-vor-ce. Certes, sa femme avait la réputation de lui être infidèle, mais on ne divorce pas, on ne défait pas ce genre de promesses ! A l'heure où je devrais, comme son père le fait de plus en plus, me reposer sur lui, j'en viens à me demander s'il est bien indiqué qu'il devienne un jour Lord. J'apprends que Lawrence Fawley, le petit fils de Robert est sorti d'Azkaban, et c'est empli de doutes sur l'avenir de ma famille que je frappe à sa porte, décidé à le connaître avant de le juger. En tant qu'héritier de mon second frère, c'est à lui que devrait revenir le titre de Lord Fawley à ma mort, cependant, il est passé par Azkaban et il ne me serait pas impossible de le mettre hors de course pour cela, et s'il n'hérite pas ce sera à cette tête brûlée de Nigel de reprendre les rennes tôt ou tard... Mon petit neveu a le bon goût de ne pas me mettre à la porte, et je découvre un jeune homme ma foi charmant et raisonnable, veillant sur les siens, réservant son jugement sur les conflits qui déchirent notre temps. C'est encore une autre affaire que je veux gérer avant de quitter ce monde, et il me reste beaucoup à penser pour prendre ma décision - mais il est hors de question que cette famille éclate une fois de plus parce que je ne suis plus là, comme au moment du décès de mon père.
***Novembre 2003, Poudlard.
Lord Melchior Fawley
Grand Archiviste du Ministère
Serpentard
Promotion 1946J’aime toujours autant la présence des enfants et je maudis Nigel de ne pas eu en avoir encore. Les familles réunies se pressent autour des animations prévues pour les distraire, et je traverse le parc souriant. Cela fait bien longtemps que je n’ai pas été à Poudlard, le château a été transformé par les conflits qui y ont éclaté, mais il a quelque chose d’agréablement familier au vieil homme que je suis devenu. Mon pas est leste pour mon âge, mais avant de me joindre à la fête (de toute façon avec qui, les Serpentards de ma promotion sont pour la plupart morts ou en prison, et il y a peu de personnes de mon âge qui ont fait le déplacement), j’ai quelque chose à faire. Je n’ai même pas besoin de réfléchir au chemin, même si je ne l’ai plus emprunté depuis presque soixante ans maintenant, et c’est sans m’être perdu que je pousse la porte des toilettes des filles. Je suis accueilli par un cri d’indignation. «
Ce sont les toilettes des filles ici, dehors ! » Elle n’a, malheureusement, pas changé d’un cheveu. Je lève la tête vers l’esprit, et me poste près de la porte appuyé sur ma canne. «
Je venais simplement te saluer Myrtle, cela fait tant d’années... » La gamine flotte jusqu’à moi, une moue de surprise et de colère sur les lèvres. «
Je ne vous connais pas ! » Je baisse la tête vers l’étiquette qui est accroché à ma veste, et son regard suit le mien. En me tournant vers elle, il me semblerait presque pouvoir la voir tenter de se souvenir. «
Melchior Fawley ? Le grand blond tout maigre qui trottinait derrière un Serpentard un peu plus âgé, et qui n’est devenu aimable qu’avec moi qu’après ma mort ? » Sa voix sonne question et reproche à la fois. J’acquiesce. «
Mais… Tu es vieux ! » Je ris doucement. «
J’ai soixante seize ans depuis le mois dernier. » Je regrette aussitôt mes paroles, je me demande si elle va penser qu’elle a soixante quinze ans elle-même et si elle va regretter la vie qu’elle n’a pas pu mener. J’y pense moi, et cela me rend triste pour elle, qu’elle n’ait ni rejoint le paradis ni vécu son existence comme elle le méritait. «
Qu’est-ce que tu fais à Poudlard ? » Elle me tourne autour en me dévisageant d’une façon presque inconfortable, mais je n’arriverai pas à lui en vouloir même si je le souhaitais. «
C’est une journée portes ouvertes. Je suis venu voir le château et puis te dire bonjour. » Elle hausse les épaules. «
Je sais pour la journée portes ouvertes, tu n’es pas le premier à venir aujourd’hui. » Elle a l’air un peu fière, mais je n’ose pas vraiment lui demander qui vient la voir, je suis simplement ravi que certaines personnes prennent encore le temps de venir lui parler. «
Qu’est-ce que tu deviens ? »
Par où commencer ?