Josiah poussa la porte de sa propre boutique, un large sourire aux lèvres. D’un coup de main, il envoya sa cape chatoyante s’accrocher au porte manteau. Bientôt, il pourrait le faire avec d’un coup de baguette flambant neuve, et surtout d’un sortilège énoncé en latin – wingardium leviosa, n’est-ce pas ? Papa Legba, ce jour-là, n’avait pas manqué son coup. En mettant sur la route de Josiah la jeune Ollivander, il autorisait le mortel à s’éloigner un peu de la pratique ordinaire de la magie dans la communauté Fon, tout en gardant un contrôle absolu sur la situation. Ainsi, depuis des siècles, l’on utilisait les mains, la voix, et les tatouages pour pratiquer la magie chez les Fon. Sans doute Legba avait-il vu le jeune léopard, animal charognard par excellence, s’éloigner de ce râtelier-là, et avait vu son goût pour la magie hermétique croître avec les années. Plutôt ainsi que de laisser le félin trop s’éloigner de la mère patrie, il se mut en chaperon qui accompagnerait son petit vers de nouvelles saveurs. Sacré Legba, songea Josiah, pour la dixième fois de la journée, au moins. Il déposa sur son comptoir son petit carnet. La journée du samedi 14 février était désormais marquée d’une croix rouge. Plutôt que de célébrer la Saint-Valentin, il allait s’offrir un cadeau sublime.  « Je viendrai dès l’ouverture de votre boutique, pour ne pas avoir à fermer la mienne trop longtemps », lui avait-il dit. Il ne pouvait pas, le premier week-end de février, il était déjà surbooké. Puisqu'ils étaient tous les deux commerçants, Miss Ollivander n’avait eu aucun mal à comprendre. Et Josiah, de son côté, se figurait désormais mieux qui elle était. Une jeune femme qui devait être en troisième année quand la guerre avait éclaté, qui avait donc dû interrompre son cursus, et peut-être même changer d’école, pour finalement terminer sa septième année sur l’année scolaire en cours. Une certaine résilience dans l’âme, donc. Et puis elle était dotée de cette qualité particulière d’être une métamorphomage, qui la rendait forcément intéressante. Comment pouvait-elle donc être la petite fille de ce bougon d’Ollivander, qui lui n’était rien de plus qu’un sorcier blanc de la vieille école, trop hermétique pour espérer un jour comprendre le monde qui était en train de se construire sous ses yeux ?  
Josiah attrapa une cruche remplie de sable dans l’une de ses étagères, dont il versa un peu du contenu sur la table en bois massif qui régnait au milieu de son arrière-boutique. D’un coup de main magique, il balaya toutes les fioles d’encres et autres ingrédients qui prenaient de la place, pour ensuite étaler le sable de façon uniforme. D’un geste expert, il dessina le vévé de Legba dans le sable, et fit flotter une petite flamme au-dessus du symbole. Il la laisserait brûler toute la nuit, en hommage à son dieu à qui il devait, sans doute, une fière chandelle. Dans sa langue natale, il s’adressa directement à son maître. « Je ne me trompe pas, Papa ? Ce n’est pas là une œuvre d’un malin ? C’est toi qui envoies Ms. Ollivander sur mon chemin, et pas l’esprit Bacalou qui se joue de moi ? » Peu de chance toutefois que Josiah soit véritablement attentif à la réponse que lui adresserait son divin. Comme c’était souvent le cas avec les superstitions, le sujet se convainquait de ce qu’il voulait voir ou entendre. Josiah voulait cette baguette, il n’interprèterait ainsi que les signes qui l’amènerait jusqu’à elle. Sa préciseuse.