Les jours ont filés depuis le décès d’Astoria, votre belle-fille. Le temps glisse, les aubes se ressemblent, les nuits s’écourtent. Vous voyez le frimas de l’hiver venir givrer vos vitres, les ardeurs du deuil venir glacer votre coeur. Votre fils, aussi, s’est laissé choir dans un inquiétant mutisme. Si vous respectez son silence, vous le redoutez aussi. Les pièces paraissent s’allonger, vous éloigner l’un de l’autre lorsque votre seule présence plombe la quiétude. Vous savez que son coeur a explosé en même temps que s’est arrêté de battre celui de son épouse. Et le vôtre saigne pour ce fils que vous ne parvenez, décidément, qu’à bien mal assurer contre les rudesses du monde extérieur. Vous voudriez offrir à votre enfant un cocon protecteur, une épaule sur laquelle incliner la tête, courber l’échine. Vous voudriez faire de votre maison un environnement familial où il puisse se défaire de la peine et s’alléger du glas des clochers. Vous ne pouvez lui offrir que votre présence, votre étreinte, votre silence. Aucun mot ne parvient à troubler cette écharpe de souffrance qui pèse sur vos terres.
Les mines sont graves, les airs abattus ou revêches. La pétulance de jadis vous manque. Enfant, Drago était un garnement vif, n’ayant à coeur que de suivre les pas de son père. Il y mettait une candeur touchante, et cela aurait pu être le signe d’une famille saine si votre époux n’avait eu à coeur de s’embarquer dans de si sombres chemins. Vous vous savez désemparée face au passé : vous ne pouvez réécrire vingt-cinq années d’erreurs, et n’avez plus qu’à tenter, à présent, de reconstruire un monde où votre fils puisse s’épanouir, où votre nom puisse survivre. Vous vous êtes accrochée à de trop vieux privilèges. Ils vous échappent, vous filent entre les doigts. Vous ne pouvez plus rattraper ces idéaux avec lesquels vous avez grandi, que vous avez suivi toute votre existence durant.
Vous vous sentez usée, comme du beurre gratté sur une tartine trop grande. Le paraître, la noblesse, la soumission au prestige. Votre rang et votre réputation ont été les guides au nom desquels vous avez été mariée, mère, hôtesse du Seigneur des Ténèbres. La pureté de votre sang a été l’étendard brandi par votre époux pour vous courtiser et se marquer l’avant-bras. Vous avez entendu tinter mille fois les sirènes qui vous hurlaient d’abandonner Lucius à sa folie, votre fils sous le bras, votre honneur meurtri sous le poids des racontars. Vous ne l’avez jamais fait. Mille fois vous auriez pu. Mille fois vous auriez du. Quelle mère auriez-vous été si vous aviez dû vous cacher avec votre enfant, travailler en le laissant seul, l’arracher à son père ? Vous ne pouvez plus choisir une voie autre, désormais, et il vous faut, comme votre époux, porter la croix et la couronne d’épine en rédemption de la douleur que vos choix ont infligés à votre unique fils.
Vous ouvrez la porte de votre chambre, savez que vous y trouverez Lucius. Un hibou vous a averti de sa venue : il a pu échapper quelques instants à la vigilance du personnel de Poudlard en prétextant une visite éclair à ses proches endeuillés. Les meilleures excuses sont souvent pétries de vérité. Un Severus Rogue pétri de bienveillance, vous a-t-il dit, s’est empressé de le libérer un week-end et d’autoriser l’usage d’un portoloin en direction de Chicago. Depuis la cité américaine, votre aimé vous est revenu et s’est défardé de sa fausse identité. Vous avez un paquet sous le bras que vous déposez à côté de la silhouette familière installée près de vous.
« J’ai reçu cela en votre absence, Lucius. Je suppose que c’est le polynectar que vous avez fait commander ? »
Vous vous asseyez à ses côtés, le dos droit, l’oeil caressant les traits fatigués de votre mari.
« Comment cela se passe-t-il à Poudlard ? Vous étiez également à la petite ‘réunion’ commandée par Potter… Pourriez-vous m’en dire plus ? »
réussite | Le polynectar reçu est parfaitement fonctionnel... On dirait que @Lucius A. Malefoy a trouvé un bon potionniste pour prendre sa commande ! Ouf, le voici tranquille pour le mois de Novembre 2003 et Décembre 2003 !
L'Enchanteresse
L'ENCHANTERESSE
hiboux : 507
pictures :
Becoming a dark lady | Death eater wife | Ruling her world
Vous avez appris, depuis votre plus tendre jeunesse, la valeur du silence, aussi demeurez-vous parfaitement coite pendant que votre mari laisse s’échapper des remerciements en récupérant le colis que vous lui apportez. A ses côtés, doigts entremêlés, vous vous prenez à rêver de vos jeunes années de mariage. Vous étiez stupide. Lui aussi. Vous aviez été élevée si parfaitement dans les traditions que votre mariage avec qui semblerait bon à votre père était une évidence. Lucius Malefoy était beau, un parti convenable, prestigieux qui n’avait pour seul défaut que d’accorder un peu trop d’attention au jugement de son père. Votre belle famille vous a fait pleurer, oh oui. Vous en avez versé, des larmes, quant à ces illusions rétrogrades implémentées dans l’esprit de votre époux.
Et puis votre tendre coeur a fini par se glacer, et aujourd’hui, alors que votre conjoint n’est plus que spectre traqué par tout le personnel ministériel, vous vous retrouvez à défendre ces propres valeurs que vous avez maudites dans vos jeunes années d’épousailles. Quelle ironie, vraiment. Quelle plaisanterie.
« Il vaut mieux que Severus ne sache rien, en effet… Je ne suis pas certaine de la façon dont il réagirait en vous apprenant dans le château… Toutefois, il a bien recruté la jeune Yeabow et Camille Nott… J’aime à croire qu’il n’est pas si fermé que cela à nos idées. Se doute-t-il de votre identité ? »
Vous haussez avec douceur les épaules lorsqu’il s’inquiète du jeune homme endormi à l’étage.
« N’êtes vous pas allé le voir ? Il va bien. Les somnifères que nous lui administrons sont efficaces t les elfes de maison prennent bien soin de lui. Qu’en ferez-vous le jour où vous n’aurez plus besoin de son visage ? »
Vous êtes presque incertaine en osant poser cette question avec douceur. Votre mangemort de mari l’aurait certainement tué. Mais Lucius n’est plus seulement ce mangemort aveugle, courbant l’échine sous le joug d’un Seigneur des Ténèbres. Il a changé, vous le voyez, vous le sentez. Vous le savez. Il a été plutôt sibyllin quant à ses périples, vous envoyant seulement les informations les plus essentielles, si bien que vous ne savez presque rien de ce qu’il a découvert ou vécu. Vous n’êtes d’ailleurs pas certaine de vouloir savoir. Lui avez-vous seulement pardonné d’avoir mis si inconsidérément sa famille, votre fils, en danger ? Vous ne sauriez le dire. Il n’y a plus grand-chose dont vous soyez certaine depuis la fin de la guerre.
« J’approcherai Severus, Camille Nott et Hieronymus Vasiliev, Lucius. Je ne sais pas si je pourrais faire vaciller Severus, en revanche. Vous savez combien il a toujours été discret sur ce qu’il pensait vraiment. Même lorsqu’il était à son service – ou du moins le croyiions nous – il obéissait obséquieusement sans jamais ne formuler quelque avis que ce soit. Il a toujours été l’efficacité incarnée mais n’a jamais porté de discours particulier. Un exécutant, voilà ce qu’il semblait être, mais vous savez comme moi qu’il était plus que cela. Un espion. Pouvons-nous vraiment espérer le rallier à notre cause ? Mes missives sont restées lettres mortes. Toutes. Le patronyme des Prince ne semble pas l’intéresser, et il n’est venu à la dernière réunion que pour Drago, je crois, dont il a été le professeur. »
Vous hochez la tête.
« Il nous faut réagir à cette nouvelle, exprimer notre désaccord. Intégrer des civiles aux brigades d’Auror… quelle folie ! N’est-il pas censé vouloir pacifier la Grande Bretagne ? Pourquoi alors encourager cette prise d’armes ? Pourquoi fonder cette armée ? Potter cache définitivement quelque chose ; il m’apparaît de plus en plus dangereux. Il semblerait que nous le sous-estimiions. Et Minerva McGonagall n’est certainement pas femme de moindre envergure. Pensez-vous, Lucius, qu’il soit avisé que je me déplace pour la réunion des anciens élèves ? Cela pourrait peut-être être pertinent. Après tout, Poudlard est censé être neutre et, connaissant Severus, il aura pris ses précautions pour éviter tout attentat, n’est-ce pas ? »