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Il suffira d'un signe, un matin | Mai Lan & Melchior
 :: Salon de Thé & Bar à chats :: SAISON 1 :: RP

Melchior C. Fawley

Melchior C. Fawley
MEMBRE
hiboux : 189
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Lun 21 Déc - 23:24

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Il suffira d'un signe, d'un matin
La mémoire est à la base de la personnalité individuelle, comme la tradition est à la base de la personnalité collective.
- 02.03.2004

Mon cœur est lourd depuis l’émeute. Je me sens… Je me sens perdu, trahi, abandonné. Les auditions commencent demain, et j’apparais au même titre que ceux qui crachaient leur haine, qui s’en prenaient à moi, parce que non hermétique. Mes doigts caressent la croix à mon cou. Je n’arrive pas à leur pardonner – j’ai l’impression de revoir la figure d’Anthénia, sans cesse, d’entendre ma cousine m’expliquer qu’elle doit être là, qu’elle doit agir. Et celles de tous les autres… Pourquoi me faut-il rencontrer encore pareilles épreuves ? N’ai-je pas perdu assez d’amis, de proches ? Je sais que Moira et Nigel prévoient une conférence, dans quelques jours, qu’ils en parleront – et même cette perceptive fait trembler mon cœur. Et s’ils revenaient en arrière, trop en arrière ? Et s’ils renonçaient ? Je ne pourrais plus les suivre, plus les défendre, plus les applaudir – malgré mon amour et mon admiration. Cette loi est importante – cette loi est bénéfique. Malgré la rage qu’elle a provoqué – surtout en raison de celle-ci peut-être même. Si ce n’était pas une preuve valable du silence dans lequel on veut nous enfermer – du mépris qu’on a pour nous. Je n’arrive pas à ne plus être en colère, je n’arrive pas à oublier, pas à passer outre. J’ai prié, beaucoup, pour moi, pour ces idiots qui ne comprennent pas, afin de ne pas les maudire, et pour ceux qui ne sont pas hermétiques, ceux qui auraient pu espérer comme moi devant leur journal, avant d’apprendre les évènements provoqués par les nouvelles… Dans ma tête mille questions se bousculent sans arrêt. Une surtout, qui revient sans cesse. A quel niveau faut-il défendre cette décision ? Les euthanatoï et les extatiques par exemple, je ne les connais pas, je ne sais d’eux que ce qu’on a pu dire dans la presse… Ma morale, mes convictions, tout devrait me pousser à les critiquer, à les condamner – et pourtant ils m’apparaissent aujourd’hui comme autant de victimes de ce monde hermétique qui doit bien nous haïr pour en arriver là. Voir ma tradition associée aux leurs, loin de me dégoûter, me rend curieux, m’inspire une certaine sympathie. Sont-ce vraiment les tueurs et les corrupteurs décrits par leurs opposants ? Oui, il y a eu la mort de la jeune épouse de Drago, mais nombre d’hermétiques sont capables d’horreurs et d’absurdités, aussi... Nombre de choristes sans doute également. Alors quoi maintenant ? Que faire, que penser ? Je ne peux pas trancher tout seul, je ne peux pas apprendre en partant de rien, pas dans les quelques jours qui me séparent de l’annonce de Moira… J’ai besoin de l’aide d’une personne plus savante et plus avisée que moi. Et la chance a voulu que je l’ai sous la main.

May Lan Turner, Mary Turner sur les archives et dans les premiers papiers qu’elle a joint à sa candidature, est ma nouvelle aide. J’ai eu pour elle et avec elle le même comportement qu’avec tous ceux qui se sont succédés à mes côtés ces dernières années. Une politesse certaine, de la patience les premières semaines, une grande exigence depuis. C’est sans doute le meilleur élément à travailler pour moi depuis quelques années, discrète, efficace et relativement respectueuse des convenances et de ma tranquillité. Les semaines ont passé, les mois bientôt, sans que je ne perçoive en elle cette stupide ambition qui avait marqué la fin de ma collaboration avec celui qui la précédait, sans qu’elle ne me donne à me plaindre. Sans non plus que je ne prenne vraiment le temps de faire sa connaissance. Un terrible manque, aujourd’hui. Car il m’est revenu en mémoire quelque chose de son parcours, sa maîtrise, sur les traditions. Il semblerait qu’elle se soit intéressée aux non hermétiques – elle la née moldue, ce qui est assez rare. Il semblerait aussi qu’avant de venir s’enfermer aux archives et faire le métier ingrat d’aide, à classer, ranger, obéir, elle ait beaucoup voyagé pour ses recherches. Mon aide est une érudite, et le genre dont j’ai besoin aujourd’hui.

Mon regard monte à l’horloge sur le mur. Il vaut mieux que je fasse cela maintenant que ce soir – elle pourrait avoir des choses de prévues. Ma main agrippe ma canne, et je me dirige d’un pas tranquille vers là où je l’aperçois. « Miss Turner. » Ma voix est douce et je lui adresse un sourire amical. « Je me demandais si vous accepteriez de déjeuner avec moi ? Il est encore tôt, mais je sais d’expérience que c’est à cette heure-là que nous aurons la meilleure chance de ne pas trop patienter au Dragon Gourmet. » Je lui offre mon bras. « Pour être parfaitement honnête, miss, j’ai des questions sur les recherches que vous avez pu mener. » Peut-être que ma curiosité jouera en ma faveur – après tout, pourquoi avoir fait un tel travail pour refuser ensuite d’en parler ?


@Mai Lan Turner - 809 mots
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Mai Lan Turner

Mai Lan Turner
ADMINISTRATRICE & MJ
hiboux : 101
Mar 22 Déc - 7:55
Il suffira d'un signe, un matin

Un matin paisible aux archives. Installée à son bureau, Mai Lan accomplit une tâche devenue coutumière : elle classe les journaux de la semaine et en préserve un exemplaire de chaque dans les archives journalistiques du Ministère. Elle a remonté les manches de son chemisier jusqu’au coude, lassant voir les tatouages rituel qu’elle arbore. Pour beaucoup, ce n’est qu’une coquetterie. « Pour mieux se fondre dans le paysage » leur a-t-elle dit. « Le tatouage c’est tendance » a-t-elle glissé aux autres. Les nés-moldus ne s’en émeuvent pas. Ceux qui la pensent né-moldu s’en émeuvent encore moins. Les euthanatoi sont connus pour n’accueillir que très difficilement et très rarement d’autres sorciers dans leurs rangs. La plupart d’entre eux naissent, vivent et meurent dans cette tradition. Même les époux ou épouses ne sont que rarement intégrés dans les rangs. Pratiquement jamais. Cela lui donne une couverture. Une excuse. A ceux qui savent qu’elle enquête sur les traditions, elle dit qu’elle ne sait rien des euthanatoi, malheureusement. Elle plaisante parfois en ajoutant que si la personne a un contact, elle est preneuse. Souvent, l’hermétique fait marche arrière, lance un nouveau sujet. Un autre sujet.

Cachée aux yeux de tous derrière son alter-égo. Mary Turner. Mai Lan est Mary. Mary est Mai Lan. Deux noms, deux personnes qui habitent un même corps et se brouillent la plupart du temps. Mais Mary est une née moldue adoptée, ancienne Gryffondor, un peu nulle en magie lorsque Mai Lan est une euthanatos, toujours un peu nulle en magie, portant à même la peau le souvenir de son grand-père. De sa famille. Une identité construite, une autre reçue en héritage.

Alors elle travaille dans ces archives, le temps de reprendre pied. Elle reprend ses recherches universitaires paisiblement, dans le monde moldu d’abord. Dans le monde sorcier, ensuite. Qui aurait pu croire que ses recherches seraient si politiques ? Certainement pas elle lorsqu’elle a choisi ce sujet d’étude, vingt ans plus tôt. Mais le fait est qu’on requerra sans doute bientôt ses services d’une façon ou d’une autre, dans un camp ou dans l’autre. A qui prêtera-t-elle sa plume et ses idées ? C’est à cela que pense Mai Lan en effleurant du doigt les journaux de la semaine écoulée. La loi Potter est si fraîche dans les mémoires. Si fraîche sous les presses. Le monde magique connaîtra-t-il un jour la paix ? Rien n’est moins certain. Les hommes semblent avoir l’art de se déchirer. De voler d’un scandale à un autre.

« Miss Turner. »

Engoncée dans ses réflexions, Mai Lan n’a pas entendu approcher son patron, elle tressaille donc lorsque résonne la voix paisible de Lord Fawley. Il faut dire que les deux cohabitent courtoisement aux archives mais n’ont en réalité qu’assez peu de temps à se consacrer l’un à l’autre. Elle l’aime bien, ce patron exigeant, sibyllin et indubitablement d’une tradition autre. Ça titille sa fibre de chercheuse, mais elle n’a jamais eu l’occasion de l’interroger sur sa propre tradition. Elle a croisé des Choristes Célestes en Asie du Sud-Est ; certains étaient des missionnaires chrétiens ou des convertis locaux, c’est vrai, mais beaucoup étaient des moines bouddhistes, des adeptes du Tao ou des divinités locales aussi. C’est sans doute le Choeur Céleste qui domine une partie du monde Asiatique, aujourd’hui. Il n’y a qu’à voir le nombre de sectes et de temples au Japon, en Corée, en Chine. Combien sont tenus par des choristes qui usent de leur voix comme d’une arme pour leur entreprise aussi spirituelle que commerciale ? Combien, aussi, sont des euthanatoi ? Des extatiques ? Les Verbenae semblent la grande spécialité locale de Grande Bretagne. La tradition païenne qui a survécu. D’autres traditions locales dans d’autres lieux. Les chamanes de Sibérie, ceux d’Amérique centrale, de Mongolie.

« Je me demandais si vous accepteriez de déjeuner avec moi ? Il est encore tôt, mais je sais d’expérience que c’est à cette heure-là que nous aurons la meilleure chance de ne pas trop patienter au Dragon Gourmet. Pour être parfaitement honnête, miss, j’ai des questions sur les recherches que vous avez pu mener. »

Elle sourit en rajustant les manches de sa chemise pour couvrir ses bras jusqu’au poignet et attrape la veste qui complète sa tenue d’universitaire née moldue. Elle dépareille toujours un peu au Ministère en tailleurs pantalon lorsque des sorciers s’affairent en robes… Mais s’il y a bien une tradition hermétique à laquelle elle a toujours refusé de sacrifier, c’est bien leur sens de la mode parfaitement hasardeux. Et puis… il faut bien incarner un peu la persona née moldue, n’est-ce pas ?

« Avec plaisir, Lord Fawley, pour le repas comme pour la discussion, mais uniquement si vous me permettez de vous interroger ultérieurement sur votre propre tradition. Avec la nouvelle Loi Potter, il semblerait que la Grande Bretagne soit devenu mon nouveau terrain d’enquête… Pourquoi aller se perdre en Asie lorsque l’on a la chance ou l’infortune de vivre l’histoire en direct depuis chez soi ? »

Elle glisse sa main autour du bras courtoisement offert par Lord Fawley et l’accompagne au Dragon Gourmet. Quel érudit serait assez sot pour refuser de discuter de ses recherches ? Certainement pas Mai Lan, et certainement pas avec un Choriste Céleste. L’occasion est trop belle. Les voici en un rien de temps installés autour d’une table au restaurent du Ministère qui la voit assez fréquemment. Elle ne peut s’empêcher de penser à Rhys quand elle y vient désormais. Dragon Gourmet, Petit Ogre… il va sérieusement falloir dire à ces sorciers d’arrêter avec les noms de restaurants douteux.

« Comment allez vous, Lord Fawley ? Après les émeutes, je veux dire : vous n’avez pas été blessé ? »

Peut-être une bonne façon d’ouvrir la conversation : les émeutes, les traditions. L’objet de leur discussion à venir.

939 mots

Melchior C. Fawley

Melchior C. Fawley
MEMBRE
hiboux : 189
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Lun 28 Déc - 11:31

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Il suffira d'un signe, d'un matin
La mémoire est à la base de la personnalité individuelle, comme la tradition est à la base de la personnalité collective.
- 02.03.2004

Mai Lan me sourit, redescend ses manches sur les tatouages qui la recouvrent avant de saisir sa veste. Je ne peux m’empêcher de me demander si elle a déjà été ennuyée pour les dessins qui recouvrent ses bras – je ne peux m’empêcher ce me demander si ces marques sur sa peau ont éveillé la curiosité ou la colère de certains sorciers… Après tout, surtout depuis septembre, ils sont la représentation pour beaucoup d’hermétiques de la tradition la plus critiquée et la plus méconnue de l’Angleterre magique… « Avec plaisir, Lord Fawley, pour le repas comme pour la discussion, mais uniquement si vous me permettez de vous interroger ultérieurement sur votre propre tradition. Avec la nouvelle Loi Potter, il semblerait que la Grande Bretagne soit devenu mon nouveau terrain d’enquête… Pourquoi aller se perdre en Asie lorsque l’on a la chance ou l’infortune de vivre l’histoire en direct depuis chez soi ? » Je ne peux m’empêcher de rire doucement alors qu’elle saisit mon bras. Je parlerai plus volontiers d’infortune, compte tenu la violence provoquée par l’annonce de cette loi – qui n’était pourtant qu’une seule reconnaissance ! Mais il est vrai qu’avec un regard extérieur, cela peut emmener des discussions intéressantes. La façon dont nous nous positionnons nous-mêmes quant à cette partie de notre histoire, ces membres de notre monde… Elle pourra au moins en tirer des réflexions intéressantes pour ses recherches. « Je ne sais pas si j’oserai parler de chance, mais cela est effectivement une aubaine pour votre travail au moins… Enfin, ce sera avec plaisir Miss que je répondrai à vos questions sur les choristes célestes – je suis toujours ravi de voir de jeunes gens s’intéresser à nous, même à des fins d’étude… » Elle a saisi mon bras, et nous nous dirigeons vers le Dragon Gourmet sans attendre.

Comme je l’avais prévu, nous arrivons à la bonne heure pour commander sans trop attendre. Je lui tire une chaise à une table un peu à l’écart – je ne suis pas certain de vouloir que nos différents collègues aient vent des questions qui occupent mon esprit. Je n’ai jamais caché ne pas être un hermétique, je suis fier de ma tradition, fier de ma voix, fier de ma foi aussi. Ces réflexions sont pourtant trop brûlantes aujourd’hui pour ne pas mériter un minimum de précaution à l’heure de les aborder. « Comment allez-vous, Lord Fawley ? Après les émeutes, je veux dire : vous n’avez pas été blessé ? » Je relève les yeux vers elle, et mon sourire poli s’efface pour quelque chose de plus triste. « Seulement dans mon égo et ma fierté. J’ai donné ma vie à cette société hermétique, j’ai été scolarisé à Poudlard plutôt que dans l’une des écoles de la tradition, j’ai toujours travaillé au Ministère – mes frères, mes amis, feue mon épouse étaient ou sont encore pour la plupart tous hermétiques… Je n’aurais jamais pensé qu’ils me méprisaient autant…. Je me pensais naïvement plus proche d’eux que des autres traditions. » J’aurai dû l’être. Même si beaucoup de sorciers confondent l’Eglise et l’Inquisition, font un amalgame entre les hommes de Dieu et ceux qui pratiquaient la chasse aux sorcières, mélangent foi et folie… Il y a plus en commun entre moi et l’un de mes cousins vaguement croyants usant d’une baguette qu’entre moi et un paien verbena, un membre épicurien du Culte de l’extase ou un meurtrier tatoué… Alors pourquoi ces trois-là, que je devrais mépriser, que je devrais rejeter, ont plus de ma sympathie ces derniers que ceux avec lesquels j’ai grandi et dont je partage une grande partie de la culture et de l’héritage ? Les slogans me reviennent, et je ne peux m’empêcher de me demander si tout cela n’est pas une déformation causée par le mépris que ce monde a pour nous, s’il n’y a pas quelque chose à tirer de nos divergences pour nous faire entendre, si un paradigme si éloigné du mien ne mérite pourtant pas aussi d’être défendu ? « Mais enfin, vous n’avez pas à supporter les états d’âmes d’un vieillard. Je vais bien, je vous remercie de vous en inquiéter. Ils ne m’ont rien fait. » Je lui désigne en souriant l’épingle de protection accrochée à mon col. « A mon âge et avec les évènements de ces dernières décennies, on apprend la prudence, et il devient plus difficile de me prendre de court. » Je me souviens de ces nuits, dans le dortoir des Serpentard, à dormir la main accrochée à ma baguette magique parce que j’avais osé critiquer les idées de mon groupe d’ami, du regard du jeune homme que Tom avait envoyé pour me pousser à le rejoindre, ou même de ce que j’avais ressenti alors que je modifiais les archives pour aller contre eux, en sachant que mon ancienne amitié avec Jedusor ne me sauverait pas si cela était découvert… Il y en aurait eu capables de me terrasser, ce matin-là, mais certainement pas les deux jeunes s’en étant directement pris à moi. « Je suis heureux que vous ne vous soyez pas mêlé à la foule Miss, vous êtes l’aide archiviste la plus compétente que l’on m’ait attribué en une dizaine d’années – j’aurais été particulièrement peiné de vous savoir touchée. » Je me souviens de la jeune brigadière sur le sol, de ma cousine frappant sur le crâne de Grint à coup de canne – quelle bêtise, cela aussi ! Je n’ose imaginer ce qu’ils auraient été prêt à faire à une érudite spécialisée dans les autres traditions magiques, une érudite tatouée qui plus est. Je m’efforce de retrouver une figure plus amicale, de me faire moins sombre, avant de reprendre. « Puis-je vous poser une question un peu personnelle ? Voyez-vous, il est relativement rare de voir des nés moldus s’intéresser aux autres tradition – la découverte de la magie, c’est déjà quelque chose d’assez grand en soit pour occuper l’esprit, les traditions sont héréditaires en quelque sorte et Poudlard n’en parle pas… Je ne peux m’empêcher de me demander ce qui vous a conduit à mener de telles recherches ? Qu’est-ce qui a motivé votre choix et éveillé votre curiosité ? »


@Mai Lan Turner - 1 024 mots
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Mai Lan Turner

Mai Lan Turner
ADMINISTRATRICE & MJ
hiboux : 101
Lun 28 Déc - 14:41
Il suffira d'un signe, un matin

C’est Noël. Ou bien est-ce en tous cas l’impression que l’on peut avoir en lisant le visage de Mai Lan lorsque le vieux Lord lui répond paisiblemnt.

« Je ne sais pas si j’oserai parler de chance, mais cela est effectivement une aubaine pour votre travail au moins… Enfin, ce sera avec plaisir Miss que je répondrai à vos questions sur les choristes célestes – je suis toujours ravi de voir de jeunes gens s’intéresser à nous, même à des fins d’étude… »

A son bras, Mai Lan rayonne. Le vieux Lord ne se rend probablement pas compte de ce dans quoi il s’engage. Des questions à n’en plus finir, du thé, des articles à rédiger sur les choeurs célestes. D’un coup, ce déjeuner, déjà tout à fait prometteur, devient le moment de la semaine, au moins. Mai Lan a l’habitude d’un certain standing : même si elle a passé le plus clair de son temps sur le terrain, elle a aussi fréquenté universités moldues et colloques. Elle arrive donc à jouer le caméléon, d’un milieu social élevé, princier presque à d’autres coutumes. C’est cela, après tout, le travail de l’anthropologue. Comprendre, observer, se fondre dans la masse. Le sait-il, Lord Fawley, qu’il est son nouveau sujet d’étude ?

Elle s’asseoit sur la chaise tirée par Lord Fawley et le remercie avec un sourire éclatant sur les lèvres. Le jeu des manières de la noblesse, elle le connaît, au moins un peu. Davantage du côté moldu, il est vrai, mais son statut de maître en histoire de la magie lui a tout de même ouvert quelques portes. Il lui en ouvre une nouvelle par cette invitation à déjeuner avec un Lord du Magenmagot pour parler, suppose-t-elle, de l’actualité. Sous le couvert de ses recherches, peut-être, mais elle n’a que peu de doute sur l’objet réel des préoccupations de Lord Fawley. Il faudrait être sotte pour ne pas noter le timing !

« Seulement dans mon égo et ma fierté. J’ai donné ma vie à cette société hermétique, j’ai été scolarisé à Poudlard plutôt que dans l’une des écoles de la tradition, j’ai toujours travaillé au Ministère – mes frères, mes amis, feue mon épouse étaient ou sont encore pour la plupart tous hermétiques… Je n’aurais jamais pensé qu’ils me méprisaient autant…. Je me pensais naïvement plus proche d’eux que des autres traditions. »

Ainsi, lorsqu’il parle, elle prête une attention toute particulière à ses mots, elle prend note mentalement, hoche la tête. Dieu merci, leur table est à l’écart, car rien que ces quelques phrases pourraient déjà provoquer un raz-de-marée !

« Mais enfin, vous n’avez pas à supporter les états d’âmes d’un vieillard. Je vais bien, je vous remercie de vous en inquiéter. Ils ne m’ont rien fait. A mon âge et avec les évènements de ces dernières décennies, on apprend la prudence, et il devient plus difficile de me prendre de court. Je suis heureux que vous ne vous soyez pas mêlé à la foule Miss, vous êtes l’aide archiviste la plus compétente que l’on m’ait attribué en une dizaine d’années – j’aurais été particulièrement peiné de vous savoir touchée. »

Elle sourit doucement. Elle y était pourtant, pas très loin. Mais effectivement, son instinct de survie a eu raison de son courage tout Gryffondor.

« J’étais là pourtant, Lord Fawley : quand j’ai vu que vous étiez particulièrement en retard, je me suis inquiétée et je suis descendue dans le hall pour m’enquérir de votre présence dans les locaux du Ministère. Dès que j’ai vu la manifestation, j’ai choisi de rester à l’abri. Je suis très mauvaise en travaux pratiques, vous savez : j’ai toujours préféré la théorie. Et puis quand je suis arrivée, je crois que le plus gros était passé : les forces de l’ordre n’ont pas tardé à intervenir. »

Elle n’est pas téméraire. Pas trop. Ou seulement à témérité sélective. Rhys, les euthanatoi, ça va. Elle a eu peur de dormir dans son appartement les jours qui ont suivi, mais rien n’est arrivé et elle a fini par se détendre. Mais une foule en colère, c’est au dessus de ses moyens. Elle a fui la guerre à l’autre bout du monde, ce n’est certainement pas pour aller crier sur tous les toits sont nouveau statut. Il semblerait que ces dix années sur les routes du Vietnam lui aient au moins appris l’instinct de préservation qu’elle a si souvent dédaigné dans sa jeunesse.

« On peut seulement espérer qu’il n’y ait pas eu de personnes blessés trop gravement. »

Elle hoche pensivement la tête, pense à Rhys : est-ce qu’il était là ? Est-ce qu’il y en avait d’autres des leurs dans la foule ? Elle ne peut s’empêcher de s’en soucier. C’est bête pourtant, elle ne connaît pas l’immense majorité des euthanatoi de Grande Bretagne. Pourtant, ils sont là, tatoués comme elle. Une famille.

« Puis-je vous poser une question un peu personnelle ? Voyez-vous, il est relativement rare de voir des nés moldus s’intéresser aux autres tradition – la découverte de la magie, c’est déjà quelque chose d’assez grand en soit pour occuper l’esprit, les traditions sont héréditaires en quelque sorte et Poudlard n’en parle pas… Je ne peux m’empêcher de me demander ce qui vous a conduit à mener de telles recherches ? Qu’est-ce qui a motivé votre choix et éveillé votre curiosité ? »

Elle a relevé les yeux vers Lord Fawley. Une question naturelle, sans doute. Elle est presque étonnée que c’est ainsi que commence leur conversation. Très peu de monde lui a posé ce genre de question. La plupart des hermétiques avec lesquels elle a eu l’heure de parler n’ont même jamais pensé à questionner ce choix singulier. Elle pianote du bout des doigts sur son menton, pensive.

« Mh… oui, je suppose que c’est effectivement étonnant comme choix pour une née moldue, ou peut-être le serait-ce aujourd’hui. Je suis allée à Poudlard pendant la première guerre des sorciers. J’ai très vite compris qu’en tant que née moldue, j’avais une cible sur le dos non pas parce que j’avais fait quelque chose de mal, mais pour ce que j’étais, pour la façon dont je suis née, pour mon sang. Ça ne m’a pas vraiment aidée à avoir un avis très positif sur l’Ordre d’Hermès ni à me sentir en sécurité à Poudlard, d’ailleurs… ou plutôt ça m’a poussée à m’interroger sur les autres exclus, les autres minorités. Et comme je vous le disais, je suis une sorcière très faible. Je n’ai pas beaucoup de magie et je n’ai jamais été très bonne dans la pratique magique. En revanche, j’ai toujours eu une excellente mémoire et une soif dévorante pour l’histoire, moldue ou magique. Lorsque je suis sortie de Poudlard, j’avais deux choix : m’engager dans la guerre contre Jedusor ou fuir. J’ai fui. Le plus loin possible. Je suis partie en Asie du Sud-Est, au Vietnam. Faire des recherches sur les traditions non-hermétiques était une excellente façon de financer mes voyages. Tout plutôt que rester en Grande Bretagne. »

Elle est calé sur son dossier, paisible. Elle a fait la paix depuis longtemps avec ses frustrations et ses peurs d’enfant. Elle est toujours une sorcière assez déplorable lorsque vient le temps de la pratique magique, mais elle a d’autres rasons d’être paisible aujourd’hui : la paix. Une paix fragile, mais néanmoins existante. Une renommée. Elle n’est plus l’adolescente anonyme de jadis. Une base de soutien. Jamais l’aspect communautaire des euthanatoi n’a eu autant d’importance qu’en ce jour. Et elle voit bien, désormais, comment ce type de mouvement peut se déployer, profitant des ennemis contre lesquels il faut faire face pour renforcer la cohésion interne du groupe. Une méthode tristement partagée par les gourous et les dictateurs.

« Puis-je à mon tour vous poser une question ? Tous les Fawley sont-ils des choristes célestes ? Et si non, comment se déroule la mixité des traditions au sein de votre famille ? Je dois avouer n’avoir jamais croisé personne, à ma connaissance, dont les parents ne fussent pas tous deux issus de la même tradition, et je crois me souvenir avoir entendu parler de Fawley hermétiques. »

1353 mots

Melchior C. Fawley

Melchior C. Fawley
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Mar 29 Déc - 13:54

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Il suffira d'un signe, d'un matin
La mémoire est à la base de la personnalité individuelle, comme la tradition est à la base de la personnalité collective.
- 02.03.2004

Mai Lan était là. Je hoche la tête – oui, mais pas au cœur de cette foule, pas au milieu de ses sortilèges. Elle paraît très lucide sur ses capacités, très humble – ce qui me fait sourire, c’est tout à son honneur. Même à mon âge, je peine parfois, par fierté, à reconnaître aussi ouvertement mes failles. Elle espère qu’il n’y a pas eu de personnes gravement blessées, et je ne réponds. Le visage de la jeune McAllister me revient – elle a crié un sort, les hommes qui l’attaquaient étaient soudain au sol, du sang autour d’eux ; et le temps que je me débarrasse des deux idiots qui s’en prenaient à moi pour la rejoindre, elle était évanouie. Au moins, personne n’est mort. Je reviens à mes questions, pour ne pas m’attarder trop longtemps à commenter cette émeute ici et maintenant. C’est trop douloureux, et les procès commencent demain, cela ne sert à rien de remuer cela encore. « Mh… oui, je suppose que c’est effectivement étonnant comme choix pour une née moldue, ou peut-être le serait-ce aujourd’hui. Je suis allée à Poudlard pendant la première guerre des sorciers. J’ai très vite compris qu’en tant que née moldue, j’avais une cible sur le dos non pas parce que j’avais fait quelque chose de mal, mais pour ce que j’étais, pour la façon dont je suis née, pour mon sang. » J’acquiesce. Je ne pourrais certainement pas lui dire si les choses ont changé aujourd’hui – mais j’étais étudiant en même temps que Voldemort, j’ai connu la mort d’une étudiante dans les murs du château, justement parce qu’elle était née moldue. Je me souviens de combien, séduit par le discours qui me voulait supérieur, parce que pur, parce que Fawley, j’avais été méprisant moi aussi, moqueur, agressif. Combien je l’ai regretté, après coup. La magie est un don de Dieu, s’Il a voulu l’offrir à ceux qui ne viennent pas de famille magique, c’est qu’Il a un dessein pour eux. Je ne suis rien ni personne pour aller contre Sa volonté, mais c’est le genre de discours qui déplaisait largement entre les murs de la salle commune de Serpentard. « Ça ne m’a pas vraiment aidée à avoir un avis très positif sur l’Ordre d’Hermès ni à me sentir en sécurité à Poudlard, d’ailleurs… ou plutôt ça m’a poussée à m’interroger sur les autres exclus, les autres minorités. » Je penche alors que je l’écoute. J'essaie de comprendre sans en être pourtant vraiment capable, j’en ai peur. Certes j’allais contre les idées de mes camarades, certes j’étais un choriste – mais aussi le premier fils d’Hector Fawley, le futur Lord de ma famille. Je ne peux qu’imaginer ce qu’elle a ressenti, pas vraiment me le représenter justement, c'est trop loin de mes propres préoccupations. Mais il me semble qu’elle a eu la plus belle et la plus saine des réactions possibles. « Et comme je vous le disais, je suis une sorcière très faible. Je n’ai pas beaucoup de magie et je n’ai jamais été très bonne dans la pratique magique. En revanche, j’ai toujours eu une excellente mémoire et une soif dévorante pour l’histoire, moldue ou magique. Lorsque je suis sortie de Poudlard, j’avais deux choix : m’engager dans la guerre contre Jedusor ou fuir. J’ai fui. Le plus loin possible. Je suis partie en Asie du Sud-Est, au Vietnam. Faire des recherches sur les traditions non-hermétiques était une excellente façon de financer mes voyages. Tout plutôt que rester en Grande Bretagne. » Je me pince les lèvres. C’est de la première guerre dont elle parle, celle que j’ai passé enfermé dans mon Manoir, dans le déni et dans le renoncement. J’étais contre Jedusor, contre ses sbires – je n’ai pourtant rien fait d’autre que prier à l’époque, craignant trop qu’il ne vienne me chercher, qu’il me fasse payer d’aller contre lui. Alors elle, elle qu’ils auraient tué avec joie – elle a eu raison de fuir. Je n’ai rien à lui répondre, je ne lui offre qu’un pauvre sourire un peu triste.

« Puis-je à mon tour vous poser une question ? Tous les Fawley sont-ils des choristes célestes ? Et si non, comment se déroule la mixité des traditions au sein de votre famille ? Je dois avouer n’avoir jamais croisé personne, à ma connaissance, dont les parents ne fussent pas tous deux issus de la même tradition, et je crois me souvenir avoir entendu parler de Fawley hermétiques. » Je me redresse sur ma chaise, et mon sourire gagne en chaleur. Elle a effectivement étudié les traditions, la question est précise, pertinente. « Non, les Fawley ne sont pas des choristes. La plupart d’entre eux en tout cas. » Aleesha est l’exception qui confirme la règle – moi aussi. « Comme je vous le disais, mon père, mes frères, mes neveux… Tous sont hermétiques. Ma mère venait d’une famille irlandaise – eux étaient choristes, elle l’était également. C’était un mariage arrangé entre deux familles nobles et riches – mon père visait le poste de Ministre, il avait besoin d’appuis, et la famille de ma mère recherchait certainement le prestige associé au nom Fawley ; la question de la tradition ne rentrait pas en compte ici. Mon père… Je pense qu’il trouvait cela niais et un peu idiot, il n’avait pas la foi. Mes frères l’ont imité, et je ne saurais jamais si c’était par simple mimétisme ou par conviction. Moi en revanche, les discours que me tenaient ma mère, les textes sacrés… Cela me parlait beaucoup. Mon père m’a laissé suivre la même voie qu’elle, tant que j’allais à Poudlard, que je pouvais me marier, rester son héritier, cela n’avait pas tant d’importance pour lui je pense – il voyait ça comme un hobby plus qu’autre chose je crois, il ne comprenait pas… J’ai eu ma baguette et j’ai appris à la manier avant de maîtriser ma voix, mais c’est cette dernière que je préfère aujourd’hui. » Je reste un moment silencieux, à fixer le vide. « Vous savez… La foi est une vertu théologale, c’est-à-dire qu’elle est un don de Dieu, contrairement aux vertus cardinales qui sont des qualités humaines… Je ne sais pas comment se passe la mixité comme vous dîtes dans les autres traditions, et il faudrait que je sois idiot pour ne pas admettre que l’on se découvre plus volontiers croyant si l’on est élevé dans la religion et si l’on nous fait découvrir les textes sacrés… Mais ma mère n’aurait pas pu forcer mes frères à m’imiter, comme il aurait été très difficile pour mon père d’ébranler ma foi en Son Amour et en Ses Bienfaits. Et si j’avais eu des enfants, j’aurai sans doute tout fait pour les élever dans ma tradition, mais je ne suis pas certain que j’aurai réussi – ma seule ferveur humaine n’aurait pas suffire. Je ne sais pas si c’est le cas pour les autres traditions, mais je ne peux utiliser ma voix que parce que je vois ce monde comme Sa création. Si j’avais eu un fils, s’il n’avait pas reçu ce même présent que moi, si le doute avait pu germer dans son cœur, à cause de son entourage, de Poudlard, que sais-je… Il pourrait aussi bien être un hermétique… » Je le préfère, ce garçon imaginaire, ce garçon assassiné, hermétique que mangemort… Cela ne sert à rien de me torturer avec cela maintenant.

« Puis-je vous parler franchement, Miss ? » Mon regard balaie notre entourage, pour vérifier que personne ne nous entende, et ma voix se fait plus basse, plus grave aussi. « Je m’interroge énormément sur la Loi Potter, la partie qui a provoqué l’émeute. J’étais ravi, en l’apprenant, ravi de cette reconnaissance – et j’ai été véritablement choqué par les réactions des hermétiques. Le fait est que comme je vous l’ai dit, je me suis toujours cru plus proche d’eux que des autres traditions. Je ne peux défendre des païens, car Dieu exige que nous renoncions aux anciennes idoles, et je ne peux me trouver des similitudes avec les extatiques et les euthanatoï qui, de ce que j’en sais, ne respectent pas Sa loi, Ses enseignements, et se condamnent irrémédiablement. Mais je suis un vieux lord au sang pur, des amis hermétiques renonçant à leur salut, abîmant leurs âmes éternelles, j’en ai connu plus d’un. Et je me suis entendu mis au même niveau que les autres traditions l’autre jour, par ceux-là même qui trembleront le jour du Jugement… Aussi, je ne peux pas m’empêcher de me demander : sont-ils si terribles qu’on le dit ? Vous qui êtes hermétique mais qui avez étudié les différentes traditions, est-ce que les protéger, les défendre même, est-ce que leur donner une plus grande importance peut-être dans notre communauté serait immoral, selon vous ? Est-ce que l’on arriverait à la banalisation du meurtre pour avoir reconnu les euthanatoï, est-ce que la corruption pourrait devenir une chose positive sous l’influence du Culte de l’extase ? Est-ce qu’il peut exister un point où une cohabitation pacifiste est possible, sans que celle-ci ne remette en cause toutes nos valeurs, sans pouvoir priver notre monde ni de justice, ni de tempérance… Est-ce que vous pensez que les traditions non hermétiques soient trop disparates pour s’unir afin d’élever l’ensemble du monde magique, et non le lisser, l’amoindrir comme le fait l’Ordre d’Hermès. » C’est sans doute la première fois que je me permets pareille critique en public, avec quelqu’un d’extérieur à ma tradition. Ce n’est peut-être pas malin de le faire ici, maintenant – mais j’ai besoin de réponses.


@Mai Lan Turner - 1 575 mots
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Mai Lan Turner

Mai Lan Turner
ADMINISTRATRICE & MJ
hiboux : 101
Lun 4 Jan - 9:35
Il suffira d'un signe, un matin

La conversation avec Lord Fawley a quelque chose d’étonnamment reposant pour Mai Lan. Elle a toujours trouvé le vieux Lord relativement paisible et se rend compte à présent qu’il ne l’est peut-être pas tant que cela. Il lui rappelle son propre grand-père : un sorcier âgé, mesuré, mais qui porte sur les épaules le poids d’une pouvoir, d’une influence sur sa communauté. C’est sans doute la croix de beaucoup d’entre eux. De ces vieillards puissants et sages reconnus dans leurs cercles à qui les foules donnent implicitement de trop grandes responsabilités. Elle a répondu à sa question mais est presque surprise qu’il en fasse de même. Il s’anime lorsqu’elle lance la conversation sur les Fawley, et le spectre de la guerre qui hantait son regard semble s’éloigner au moins un temps. La jeune archiviste suppose qu’elle doit avoir le même type de regard lorsqu’elle se remémore cette période sombre, de peur et de haine. Une période qu’elle aspire à ne jamais revivre.

« Non, les Fawley ne sont pas des choristes. La plupart d’entre eux en tout cas. Comme je vous le disais, mon père, mes frères, mes neveux… Tous sont hermétiques. Ma mère venait d’une famille irlandaise – eux étaient choristes, elle l’était également. C’était un mariage arrangé entre deux familles nobles et riches – mon père visait le poste de Ministre, il avait besoin d’appuis, et la famille de ma mère recherchait certainement le prestige associé au nom Fawley ; la question de la tradition ne rentrait pas en compte ici. Mon père… Je pense qu’il trouvait cela niais et un peu idiot, il n’avait pas la foi. Mes frères l’ont imité, et je ne saurais jamais si c’était par simple mimétisme ou par conviction. Moi en revanche, les discours que me tenaient ma mère, les textes sacrés… Cela me parlait beaucoup. Mon père m’a laissé suivre la même voie qu’elle, tant que j’allais à Poudlard, que je pouvais me marier, rester son héritier, cela n’avait pas tant d’importance pour lui je pense – il voyait ça comme un hobby plus qu’autre chose je crois, il ne comprenait pas… J’ai eu ma baguette et j’ai appris à la manier avant de maîtriser ma voix, mais c’est cette dernière que je préfère aujourd’hui. »


Le silence revient quelques secondes pendant que la jeune femme assimile ces informations. Ainsi donc, un Fawley choriste, c’est un hapax. Intéressant. Elle se creuse les méninges, se demande si, parmi les euthanatoi, il y en a certain qui s’éprennent d’une moitié dans d’autres traditions et ce qu’il advient des enfants… Les euthanatoi ne lui semblent pas être de ceux qui laissent le choix. Elle se pince le menton distraitement entre deux doigts, le regard perdu dans le vide. Quel tableau ils doivent donner, tous deux contemplatifs. Mais Lord Fawley reprend la parole et elle écoute avec attention les mots caressés de cette voix paisible, toujours maîtrisée.

« Vous savez… La foi est une vertu théologale, c’est-à-dire qu’elle est un don de Dieu, contrairement aux vertus cardinales qui sont des qualités humaines… Je ne sais pas comment se passe la mixité comme vous dîtes dans les autres traditions, et il faudrait que je sois idiot pour ne pas admettre que l’on se découvre plus volontiers croyant si l’on est élevé dans la religion et si l’on nous fait découvrir les textes sacrés… Mais ma mère n’aurait pas pu forcer mes frères à m’imiter, comme il aurait été très difficile pour mon père d’ébranler ma foi en Son Amour et en Ses Bienfaits. Et si j’avais eu des enfants, j’aurai sans doute tout fait pour les élever dans ma tradition, mais je ne suis pas certain que j’aurai réussi – ma seule ferveur humaine n’aurait pas suffire. Je ne sais pas si c’est le cas pour les autres traditions, mais je ne peux utiliser ma voix que parce que je vois ce monde comme Sa création. Si j’avais eu un fils, s’il n’avait pas reçu ce même présent que moi, si le doute avait pu germer dans son cœur, à cause de son entourage, de Poudlard, que sais-je… Il pourrait aussi bien être un hermétique…

- Mh, oui, je vois ce que vous voulez dire. C’est assez fascinant, Lord Fawley, je ne m’étais jamais figuré que le Choeur Céleste était à ce point lié à la religion ; je vais sans doute vous poser une question choquante, mais : y a-t-il des choristes célestes qui n’aient pas la foi ? Des personnes élevées dans cette tradition, avec ce focus, par exemple, mais qui n’aient pas entendu l’appel de Dieu ? »

Elle opine distraitement. La famille de Lord Fawley semble finalement assez inhabituelle : sa tradition est liée à sa religion… C’est quelque chose de particulier et elle ne s’était jamais fait la réflexion que les choristes célestes puissent être si proches des hermétiques… Ce serait une idée qui ferait véritablement rire en Asie, mais ici, au Royaume-Uni où les loges hermétiques ont le pouvoir depuis si longtemps…

« Puis-je vous parler franchement, Miss ? »

L’intérêt de la jeune femme est piqué aussitôt, elle se penche vers Lord Fawley imperceptiblement, comme pour mieux entendre ce qu’il aura à dire. Elle sait qu’ils entrent dans le vif du sujet et que le temps des petites discussions sur le Choeur Céleste – tout aussi passionnantes qu’elle soient – est achevé. Alors elle ouvre les esgourdes, Mai Lan, et se prépare à tâcher de déchiffrer chaque mot, chaque souffle, chaque sous-entendu de ce que le Lord pourrait avoir à lui livrer.

« Je m’interroge énormément sur la Loi Potter, la partie qui a provoqué l’émeute. J’étais ravi, en l’apprenant, ravi de cette reconnaissance – et j’ai été véritablement choqué par les réactions des hermétiques. Le fait est que comme je vous l’ai dit, je me suis toujours cru plus proche d’eux que des autres traditions. Je ne peux défendre des païens, car Dieu exige que nous renoncions aux anciennes idoles, et je ne peux me trouver des similitudes avec les extatiques et les euthanatoï qui, de ce que j’en sais, ne respectent pas Sa loi, Ses enseignements, et se condamnent irrémédiablement. Mais je suis un vieux lord au sang pur, des amis hermétiques renonçant à leur salut, abîmant leurs âmes éternelles, j’en ai connu plus d’un. Et je me suis entendu mis au même niveau que les autres traditions l’autre jour, par ceux-là même qui trembleront le jour du Jugement… Aussi, je ne peux pas m’empêcher de me demander : sont-ils si terribles qu’on le dit ? Vous qui êtes hermétique mais qui avez étudié les différentes traditions, est-ce que les protéger, les défendre même, est-ce que leur donner une plus grande importance peut-être dans notre communauté serait immoral, selon vous ? Est-ce que l’on arriverait à la banalisation du meurtre pour avoir reconnu les euthanatoï, est-ce que la corruption pourrait devenir une chose positive sous l’influence du Culte de l’extase ? Est-ce qu’il peut exister un point où une cohabitation pacifiste est possible, sans que celle-ci ne remette en cause toutes nos valeurs, sans pouvoir priver notre monde ni de justice, ni de tempérance… Est-ce que vous pensez que les traditions non hermétiques soient trop disparates pour s’unir afin d’élever l’ensemble du monde magique, et non le lisser, l’amoindrir comme le fait l’Ordre d’Hermès. »

Tant de questions en une seule : Lord Fawley s’inquiète de plusieurs choses : les positions des hermétiques, bien sur, mais aussi les capacités des Traditions à s’unir et même la pertinence d’une telle union. De bonnes questions. Que pourrait-elle dire pour le convaincre ? Elle n’est pas sotte : si les hermétiques lancent une chasse aux sorciers non-hermétiques, elle tombera, tôt ou tard, avec ou sans l’appui des siens. Elle n’est pas une sorcière d’action ; elle est une érudite. Son arme réside dans sa langue plus que dans ses pouvoirs ou baguettes, ou tatouages.

« Je ne sais pas si ma réponse sera vraiment satisfaisante parce qu’elle sera incomplète : ma zone d’expertise est asiatique, mais je ne peux pas vraiment vous parler de l’Afrique ou des Amériques, par exemple… mais je puis sans doute répondre au moins à certains points de vos interrogations. Les formes que prennent les traditions sont très culturelles, ici l’Ordre d’Hermès et le Choeur Céleste sont assez proche, c’est vrai, mais il y a d’autres régions du monde où ce n’est pas le cas. J’ai rencontré beaucoup de sorciers bouddhistes qui utilisent comme focus leur voix en récitant des mantras magiques, qui soignent et apaisent au nom du Divin et sont, à ce titre, assez proches de l’image que l’on peut avoir du Choeur Céleste européen. Ils ne s’appellent pas « Choeur Céleste », bien sur, ils prennent généralement le nom de leur temple, et il y en a une infinité en Asie… mais ce sont eux, de ce qui apparaît, la tradition dominante dans cette région du monde. Les Hermétiques ont Mahoutokoro, l’école japonaise, c’est vrai, mais un grand nombre des cours ont du être assouplis ou modifiés pour permettre à l’école d’avoir des effectifs : le focus voix est plus répandu là-bas, et les hermétiques ont été obligés de composer avec cette très grande influence de la spiritualité, de la religion, des temples, des prêtres et moines jusqu’à revoir les cours dispensés dans leur école. Bien sur, ici, à Poudlard, les choses sont un peu différentes en raison de l’hégémonie hermétique, mais… Tout ça pour vous dire qu’en Asie, par exemple, le Choeur Céleste – ou disons, ce qui en serait l’équivalent – est bien plus lié à d’autres traditions comme le culte de l’Extase dont l’hédonisme n’est pas incompatible avec les préceptes bouddhistes ou shintô – on prône une sorte de mesure pour tout ce qui touche au corps, mais un hédonisme spirituel dans la méditation n’est pas impossible, par exemple, et l’acte sexuel est moins tabou en Asie qu’ici, en Europe – ou les euthanatoi qui s’envisagent, là bas, comme les garants de la bonne marche du monde. Dans une société où la majeure partie de la population adhère à l’idée de réincarnation, tuer quelqu’un n’est plus si grave… je suppose que c’est leur raisonnement. »


Elle prend une gorgée d’eau, songeuse.

« Vous savez, les traditions sont une façon de voir le monde et la magie, on devrait pouvoir choisir sa tradition en fonction de ses goûts, de ses aspirations, de ses sensibilités. Mais une tradition est aussi un héritage culturel : on ne choisit pas de naître français ou japonais, ou anglais, tout comme on ne choisit pas de naître hermétique, choriste céleste, extatique, euthanatos… Ce qui compte avant toute chose, ce sont bien les gens : ce qu’ils font de leur focus, de leur vision du monde. Il y a des extrémistes dans toutes les traditions, et il y a des gens biens dans toutes les traditions aussi, les euthanatoi compris. Au cours d’un de mes voyages en Asie, j’ai atterris dans ce village, assoiffée et épuisée après une trop longue marche. Je m’étais perdue dans les montages malgré le guide que j’avais engagé, et nous étions tous deux fourbus et éreintés. C’était un village euthanatos du Vietnam. J’ai passé plusieurs mois avec eux et leur ai rendu visite plusieurs fois au cours de mes voyages ultérieurs, regardez. »

Elle sort son porte-feuille de la poche intérieure de sa veste. Le cuir marron est élimé. Elle l’ouvre d’un geste sûr et en extrait deux photographies moldues. L’une d’entre elle la représente aux côtés de son grand-père, l’autre est une photo de groupe de l’ensemble des habitants du village, des personnes âgées principalement, quelques jeunes, deux enfants. Tous ont un sourire éclatant.

« Là, c’est le chef du village, qui est aujourd’hui décédé, et là l’ensemble de ses habitants. Tous ces gens ont tué au moins une fois dans leur vie pour acquérir leurs tatouages, et certains en ont même fait leur profession… Mais ils vivent dans un pays qui a longtemps été en guerre et qui continue d’être ‘pacifié’ par un régime dictatorial. La plupart d’entre eux ont gagné leurs tatouages avec un rituel bien précis qui inclut de donner la mort à une personne souffrant d’un mal incurable. Une jambe arrachée par une bombe, une blessure mortelle, une maladie grave. Tous ces gens sont des tueurs au sens strict du terme, c’est vrai, mais aucun d’entre eux n’est un meurtrier. Ces vies qu’ils ont prises étaient un acte de merci, ou c’est du moins ce que j’ai pu constater sur place dans ce village. Je ne doute pas qu’il y ait, ailleurs dans le monde, des euthanatoi qui envisagent différemment l’acte de tuer et le réduisent à un échange de services et de moyens, tout comme il y a des hermétiques qui vendent leurs poisons, artefacts dangereux et autres recueils de magie noire. »

Elle est pensive.

« Il existe sans doute autant de façon de vivre une tradition et ses rituels qu’il n’existe de façon de vivre sa culture ou sa religion. Je soutiens la loi Potter, toute née-moldue hermétique que je puisse être, parce que contrairement à mes comparses qui la dénigrent, j’ai pu voir, au moins un peu, les mille visages qu’elles peuvent prendre. Ce qui nous paraît parfois inouï, comme le fait que l’on puisse prendre une vie, nécessite d’être toujours remis en contexte : était-ce un meurtre ? Etait-ce une euthanasie ? Dans quelle culture, quel contexte cet acte prend-il place ? Je vais sans doute vous paraître bien présomptueuse, mais je ne pense pas qu’il existe une seule réponse à vos interrogations. Nous sommes tous humains, et nous vivons avec nos maigres moyens et nos imperfections. Des absolus comme la Vérité ne sont pas fait pour nous, et chacun pense agir dans son droit et dans sa vision du monde. Ce qui est socialement acceptable ici, ne l’est pas forcément ailleurs, et vice-versa ; lorsque les hermétiques d’ici appellent à une croisade, les hermétiques d’ailleurs ne le feraient peut-être pas : en Asie par exemple, ils n’ont pas cette position de force qui leur permet de condamner les autres traditions et leurs pratiques, et les sociétés asiatiques sont très sensibles à la notion de rituel, religieux ou social, de sorte que l’argument de patrimonialisation de la loi Potter n’aurait pas même fait hausser un sourcil sinon dans les cercles les plus conservateurs et les plus belliqueux de l’Ordre d’Hermès : dans la plupart des pays asiatiques – exception faites des dictatures – la liberté de culte et de pratiques est absolue ou presque tant qu’elle n’endommage pas la vie et le bien-être d’individus… si l’on prend le cas de l’euthanasie, la chose serait moralement acceptable si elle permet à un individu en souffrance de partir dans la dignité. Et encore une fois, la croyance en une réincarnation de l’âme introduit un peu de souplesse dans les notions de vie et de mort… Enfin, la question est complexe, à dire vrai. »

Elle prend une nouvelle gorgée d’eau et se fait pensive.

« Ce ne sont pas les traditions qu’il faut condamner par principe : il est très difficile de se faire une opinion sur une tradition - ou sur une société étrangère - sans essayer d'en comprendre les codes et sans comprendre, surtout, que leur vision du monde ne sera pas la même que la nôtre et que, par conséquent, les valeurs et actes socialement acceptables ne seront pas les mêmes que dans la nôtre ; ce sont les hommes qui agissent de façon répréhensible, et il y en a dans toutes les traditions magiques comme chez les moldus. Je crains que cela ne soit inévitable, et je crois, surtout, qu'il faut laisser chaque communauté châtier ses dissidents. Qui sommes nous, nous, hermétiques, pour juger des pratiques des Verbenae, des Extatiques, des Euthanatoi, du Choeur Céleste ? Nous n'avons ni les compétences pour le faire, ni les informations culturelles pour savoir discerner ce qui est acceptable de ce qui ne l'est pas. Nous pouvons punir les crimes et les hommes qui endommagent la société toute entière, mais nous ne pouvons et ne devrions pas condamner des idées, des opinions, des religions. »

2590 mots
(vois ce que tu me fais faire !)

Melchior C. Fawley

Melchior C. Fawley
MEMBRE
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pictures : Il suffira d'un signe, un matin | Mai Lan & Melchior 68747470733a2f2f73332e616d617a6f6e6177732e636f6d2f776174747061642d6d656469612d736572766963652f53746f7279496d6167652f32776243496b4b325f42504978773d3d2d3532393837333937312e313531303762333666656637366661623731393932303138373831342e676966
Mar 5 Jan - 23:07

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Il suffira d'un signe, d'un matin
La mémoire est à la base de la personnalité individuelle, comme la tradition est à la base de la personnalité collective.
- 02.03.2004

« Mh, oui, je vois ce que vous voulez dire. C’est assez fascinant, Lord Fawley, je ne m’étais jamais figuré que le Choeur Céleste était à ce point lié à la religion ; je vais sans doute vous poser une question choquante, mais : y a-t-il des choristes célestes qui n’aient pas la foi ? Des personnes élevées dans cette tradition, avec ce focus, par exemple, mais qui n’aient pas entendu l’appel de Dieu ? » Je fronce les sourcils, songeur. « Je n’en connais pas, Miss. Les choristes que je fréquente ont la foi, comme moi, et je n’ai jamais envisagé ma relation à ma voix autrement… Mais j’imagine que cela dépend de ce que vous appelez l’appel de Dieu. » Mes doigts montent à mon cou et sortent de sous ma chemise la petite croix d’or blanc finement ouvragée qui ne me quitte jamais. « Je vous explique : je suis moi-même catholique. Nombre de mes amis choristes sont protestants – une évidence, en Grande Bretagne. La forme que prend notre croyance ne semble ainsi pas si importante pour obtenir et maîtriser notre focus, aussi j’imagine que l’on pourra trouver des choristes de toutes les religions monothéistes… Peut-être aussi qu’il pourra en exister qui, à défaut de croire en Dieu, croient en l’harmonie de Sa création… » Mon regard se perd un instant dans le vide. « Vous savez, Il m’a mis à l’épreuve, il y a quelques années. Mon cœur s’est rempli de doutes – et pendant un temps, j’ai cru que je n’avais plus la foi. Je ne voulais plus croire en Son amour, je ne comprenais pas – » Je me mords les lèvres. « Cela n’a pas beaucoup d’importance. Toujours est-il que je n’en ai pas pour autant perdu l’usage de ma voix sur cette période. Aussi j’imagine qu’il peut y avoir des choristes qui ne croient plus, ou qui ne croient pas de la même façon que moi… Mais qui n’auraient jamais cru ?... Cela me semble difficile à envisager. » Je chasse ces pensées, le souvenir d’Edna en l’interrogeant à mon tour. Elle m’écoute avec une certaine attention, et ne tarde pas à me répondre.

Mai Lan commence par m’expliquer qu’elle a étudié une zone géographique précise – je hoche la tête sans répondre. Cela pourra au moins m’éclairer. « Les formes que prennent les traditions sont très culturelles, ici l’Ordre d’Hermès et le Chœur Céleste sont assez proche, c’est vrai, mais il y a d’autres régions du monde où ce n’est pas le cas. » Parce que nous appartenons à des sociétés largement fondées sur les concepts judéo-chrétiens, quoique certains hermétiques aient du mal à le reconnaître. Combien d’entre eux ont adressé un regard gêné ou méprisant à la croix accroché chez moi, ont levé un sourcil de dédain face à ma foi ? Leur argument est toujours le même, par ailleurs, la chasse aux sorcières revient à chaque discussion sur l’Église. Pourtant nous partageons des valeurs directement issues des Saintes Écritures, une même vision de ce qui est acceptable ou non. Honorer ses parents, ne pas tuer, ne pas voler, ne pas tromper, ne pas mentir, ne pas convoiter ce qui n’est pas à nous… Tant de principes que les sorciers hermétiques défendent autant que moi. Mon assistante continue, et je l’écoute avec une certaine attention. Je finis par me redresser, presque nerveux, à un moment de son exposé. « …l’acte sexuel est moins tabou en Asie qu’ici, en Europe – ou les euthanatoi qui s’envisagent, là bas, comme les garants de la bonne marche du monde. Dans une société où la majeure partie de la population adhère à l’idée de réincarnation, tuer quelqu’un n’est plus si grave… je suppose que c’est leur raisonnement. » Je fronce les sourcils et me mord l’intérieur de la joue pour ne pas avoir à répondre. Tuer n’est pas si grave… Non, vraiment, je n’arrive pas à comprendre. « Vous savez, les traditions sont une façon de voir le monde et la magie, on devrait pouvoir choisir sa tradition en fonction de ses goûts, de ses aspirations, de ses sensibilités. Mais une tradition est aussi un héritage culturel : on ne choisit pas de naître français ou japonais, ou anglais, tout comme on ne choisit pas de naître hermétique, choriste céleste, extatique, euthanatos… » Cela me fait lever un sourcil. Une partie de ses explications sont tournées sur le monde asiatique – en raison de ses recherches bien sûr. Mais cette phrase est vraie ici aussi. Appartenir à une tradition est un héritage – je suis un choriste parce que ma mère l’était, tout comme je suis un Fawley parce que mon père l’était. Ont-ils vraiment le choix, ces enfants qui naissent dans ces familles ? Si on leur a expliqué, toute leur enfance, que ce meurtre est nécessaire – comment peuvent-ils y renoncer ? « Ce qui compte avant toute chose, ce sont bien les gens : ce qu’ils font de leur focus, de leur vision du monde. Il y a des extrémistes dans toutes les traditions, et il y a des gens biens dans toutes les traditions aussi, les euthanatoi compris. » Sauf que ce sont des tueurs, quand bien même n’ont-ils commis qu’un crime unique, ils ont commis le pire de tous. Mai Lan me parle alors de ses voyages, de sa rencontre avec un village d’euthanatoï – elle me montre une photo. Elle les garde dans son portefeuille, cette photo avec tous ces visages souriants, celle d’elle-même avec un vieil homme. Je me demande quel genre de liens elle a tissé avec ces gens. « Tous ces gens ont tué au moins une fois dans leur vie pour acquérir leurs tatouages, et certains en ont même fait leur profession… Mais ils vivent dans un pays qui a longtemps été en guerre et qui continue d’être ‘pacifié’ par un régime dictatorial. La plupart d’entre eux ont gagné leurs tatouages avec un rituel bien précis qui inclut de donner la mort à une personne souffrant d’un mal incurable. Une jambe arrachée par une bombe, une blessure mortelle, une maladie grave. » Une jambe arrachée ? Je ne saisis pas comment elle peut me parler de tout cela en restant si calme – ces gens qui ont fait de la mort un métier, ceux qui peuvent la donner parce que le corps de ceux qu’ils tuent a été atrophié… J’imagine qu’il faut savoir faire preuve d’un certain recul pour étudier ces populations, un recul que je suis moi-même bien incapable d’avoir. Un recul qui me serait bien utile au vu de ce qui se passe. « Tous ces gens sont des tueurs au sens strict du terme, c’est vrai, mais aucun d’entre eux n’est un meurtrier. Ces vies qu’ils ont prises étaient un acte de merci, ou c’est du moins ce que j’ai pu constater sur place dans ce village. » Je ferme les yeux. Non : ce sont bien des meurtriers. Elle continue, et je préfère me concentrer sur ce qu’elle me dit que de la couper pour relever. « Je ne doute pas qu’il y ait, ailleurs dans le monde, des euthanatoi qui envisagent différemment l’acte de tuer et le réduisent à un échange de services et de moyens, tout comme il y a des hermétiques qui vendent leurs poisons, artefacts dangereux et autres recueils de magie noire. » Cela en revanche, je ne peux pas la contredire. J’ai vu tant de mes amis sombrer… Il ne me serait jamais venu à l’idée de blâmer leur tradition pour leurs mauvais choix – ni de les défendre en utilisant leur éducation comme une explication justifiant leurs actes. Elle reprend, interroge le terme de meurtre, parle de contexte culturel. Je ne peux pas me prononcer pour ce qui se passe en Asie, mais cela me rend confus. « Je crains que cela ne soit inévitable, et je crois, surtout, qu'il faut laisser chaque communauté châtier ses dissidents. » Mais est-on considéré comme un dissident quand on tue dans une société de tueurs ? C’est leur vision du monde, selon ses propres termes… Plus elle en parle, plus j’en viens à douter qu’un accord ou une entente soit possible avec les euthanatoï… « Qui sommes nous, nous, hermétiques, pour juger des pratiques des Verbenae, des Extatiques, des Euthanatoi, du Choeur Céleste ? Nous n'avons ni les compétences pour le faire, ni les informations culturelles pour savoir discerner ce qui est acceptable de ce qui ne l'est pas. Nous pouvons punir les crimes et les hommes qui endommagent la société toute entière, mais nous ne pouvons et ne devrions pas condamner des idées, des opinions, des religions. » Oh, ce sont bien les actes le problème maintenant – pour moi, en tout cas. Mais ce sont mes pensées que je veux ordonner par cette conversation – les discours des hermétiques, des extrémistes, et comment aller contre cela viendra plus tard.

Notre plat est prêt, ce qui me laisse le temps de remettre de l’ordre dans mes pensées avant de commencer à parler. Elle m’a beaucoup appris, et je suppose qu’elle a encore beaucoup de choses à m’apprendre – c’était au moins éclairant. Cependant, cela me laisse tout aussi perdu qu’avant. « La vie est sacrée, Miss. Il n’y aucun lieu, aucun moyen, aucun moment où l’euthanasie peut être envisagée comme une solution acceptable. Si une personne veut mourir, il faut l’aider : la soigner si elle est malade, l’apaiser si elle souffre, l’accompagner si elle est isolée, la soutenir si elle est perdue. Mais aucun homme ne peut s’accorder le droit de tuer… Imaginez quel genre de dérives cela pourrait entraîner, que l’on autorise le meurtre si la victime est consentante. Et surtout à quel genre de société cela nous emmènerait, si l’on peut choisir de supprimer ceux qui ne correspondent pas aux critères de santé que nous mettons en avant – à terme on pourrait prétendre que ceux qui sont malheureux puisque hors des critères économiques, de beauté, d’intelligence ou que sais-je, ont aussi le droit de mourir si c’est leurs vœux. On abandonnerait ceux qui ont le plus besoin de nous, ceux que notre société doit protéger ; on sombrerait dans l’individualisme. Vous me décrivez des assassinats, et certainement pas des actes de merci… » Il fallait que je revienne sur ce point, quand bien même ce n’est pas le cœur de la question ici. Je reprends. « Mais vous l’avez dit… Ces gens n’ont pas choisi de naître là-bas, dans une société qui leur a appris que leur acte n’était pas condamnable, qu’il pouvait même être… positif. Ce qui m’emmène à deux questions. La première est : tous les euthanatoï doivent-ils nécessairement tuer ? N’y a-t-il pas un autre moyen envisagé et envisageable pour eux ? Je ne sais rien de plus que ce que la presse a pu dire d’eux, et même au sein des archives rares sont les documents les mentionnant… Si le meurtre est une absolue nécessité pour eux, alors je ne pense pas qu’une entente soit possible – jamais. Parce que ce ne sont pas des dissidents au sein d’une tradition, c’est toute la tradition le problème. Toute la tradition qui met en péril la société entière… Une tradition qui ne pourrait pas évoluer. Avez-vous connaissance d’euthanatoï qui n’auraient jamais tué personne ? Est-ce seulement possible ? » Car cela changerait tellement de choses... « Savez-vous vers quel âge les euthanatoï occidentaux effectuent ce rituel ? » Cela aussi est primordial – comment peut-on demander à des enfants de s’opposer à tout leur entourage ? A partir de quel âge, de quel moment cela devient réellement condamnable ? Un mineur qui tuerait, sous l’impulsion de ses parents, devrait-il payer son crime de la même façon ? Quelqu’un qui n’a jamais tué en dehors de ce moment précis, parce qu’on lui a dit de le faire, est-il aussi coupable ? Suis-je réellement en train de me demander s’il y a un point où le meurtre est moralement acceptable ? Ma main remonte à ma croix et la serre. La vérité, c’est que je suis terrifié. Je commence à envisager vers quoi cela risque de nous emmener. « La seconde question c’est : que faire de ces gens ? Je soutiens la Coalition parce que je ne veux pas que le monde sorcier sombre dans la guerre civile. Même si cela signifie accepter des choses qui me semblaient problématiques : parce que la paix ne viendra que du compromis, et que le compromis n’est jamais pleinement satisfaisant… Moira veut recenser les différentes traditions – ce que je n’approuvais pas avant, sans avoir de vraies raisons de m’y opposer. Cependant, avec ce qui s’est passé… Je ne peux pas cautionner que l’on pointe encore plus du doigt les non-hermétiques. Et puis… Si ce genre de liste venait à tomber entre de mauvaises mains, des personnes qui auraient de mauvaises intentions à l’égard des autres traditions – et l’émeute de l’autre jour nous a montré qu’ils étaient nombreux… » Plus que je ne l’imaginais, et plus virulents que je ne l’aurais cru. « Cela pourrait avoir des conséquences dramatiques. » J’ai déjà eu à falsifier des archives du Ministère, pour protéger quelques nés moldus lors de la dernière guerre – je n’ai pas envie d’avoir à faire la même chose pour les non-hermétiques, ou de laisser à un potentiel archiviste ce pouvoir. Un tel recensement, c’est une invitation à la purge potentielle par les plus extrémistes s’ils venaient à arriver au pouvoir. « Il y a cela, déjà. Mais je vois un autre problème à ce recensement. Déjà, sa mise en œuvre me semble plus que compliquée – à ma connaissance, il n’y a pas d’euthanatoï à Poudlard, s’ils peuvent échapper à cette surveillance, ils ont sans doute les moyens d’échapper à… quoique ce soit que Moira puisse avoir en tête. Je ne parierai pas qu’ils le feront volontairement. Et si on venait à les forcer à le faire, et que ce sont des meurtriers… Moira les poursuivra tous. Elle les enverra à Azkaban. Parce que c’est ce qui est juste, bien sûr. » Parce que s’il y a bien une chose sur laquelle il est impossible de critiquer Moira, c’est son sens de la justice. Il faut condamner les criminels – on ne peut pas laisser les meurtriers en liberté. Mais là on ne parle de tueurs isolés, on parle de toute un groupe d’individus organisés… « Et ce sera sans doute la guerre civile que nous voulions éviter. » Je ne vois aucune solution, et je me mords les lèvres en faisant tourner ma fourchette entre mes doigts. Je ne sais pas vers où iront Moira et Nigel, si je pourrais leur parler de cette histoire de recensement – s’ils m’écouteront seulement avec ce qui vient de se passer. « J’ai eu l’espoir, quand Tom est tombé une seconde fois, que mes dernières années seraient un temps de paix. Mais ça n’est pas le cas. Je vous l’ai dit, je pense qu’on n’obtiendra pas celle-ci sans compromis, mais il y en a qui me semblent parfaitement inacceptables. D’où mes questions Miss… Je suis navré de vous imposer cela, j’espère que cela ne vous ennuie pas trop. »

@Mai Lan Turner - 2  514 mots
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