Ragnhil et Osgeir attendaient l'enfant en bas des escaliers. Cela faisait un petit moment qu'ils étaient habillés et prêts à partir, non sans une certaine petite nervosité dissimulée sous des masques impassibles : le grand jour, le premier pas d'Eirian vers sa nouvelle vie de petite Sorcière, loin d'eux, était venu. Pour un tel événement, pour sûr que son Oncle, malgré toute la souffrance que cela lui procure, et sa Völva, au dos si tendu qu'elle s'en ferait une entorse à la colonne vertébrale, avaient pris la décision de l'accompagner. C'était leur petite pitchoune après tout, et quoi de plus normal d'être là pour ses premiers pas dans sa nouvelle vie, même si celle-ci n'était pas bien acceptée par ses proches. Par ailleurs, de mémoires de Völva, elle était la toute première Verbena de cette petite communauté, paumée dans un recoin oublié d'Ecosse, qui accédait à Poudlard. Jusqu'à présent, les lettres d'admissions furent tous jeter dans les chaumières. Parfois, Osgeir regrettait son sens de l'honneur et de l'héritage, pour ne pas avoir eu le courage d'avoir brûlé cette lettre. Au moins, ils n'auraient pas pris sa petite nièce chérie.
Cette dernière descendit enfin des escaliers avec une motivation frôlant le ras des pâquerettes, prenant une pose sur la dernière marche. Contrairement à ses protecteurs, l'angoisse et la nervosité avait ridé son petit minois d'habitude tout lisse d'innocence. La boule aux boyaux l'avait empêchée de manger aujourd'hui ; elle ne voulait vraiment pas y aller. Mais la décision était prise, elle devait le faire. Ou du moins, elle devait essayer. Mais avant ça, il fallait faire les fameuses emplettes au Chemin de Traverse. Un lieu dont elle n'avait plus remis les pieds depuis... depuis... très longtemps. Depuis la mort de ses parents à dire vrai. Est-ce que ça ira pour elle-même ? Est-ce qu'elle tiendra le coup où cela sera trop douloureux à se remémorer ? Et qu'en dire pour son Oncle chéri ?
— Allez petit coeur, Orion nous attend...
Ragnhild avait toujours les mots pour rappeler à l'ordre mais la douceur dans son timbre n'était que pour l'enfant. Celle-ci prit une grande inspiration et descendit enfin de sa petite marche. Heureusement qu'Orion allait les accompagner dans cette histoire. Déjà parce qu'il remotivait un peu la petite dans sa décision, mais aussi parce que, clairement, aucun des trois Verbenae n'avait l'expérience au sujet de Poudlard. Donc, faire des achats de fournitures, ce n'était vraiment, vraiment pas, dans leurs cordes. Non, vraiment, heureusement qu'il s'était proposé à les superviser. Et puis, voyons le bon côté des choses : c'était l'occasion de voir son parrain et de faire une grande sorti familial - pas sûr néanmoins que Ragnhild et Osgeir soient des meilleurs compagnies pour ce genre d'activité -. Ce fut ce petit côté positif qui remit un peu de motivation dans le verre de la morosité.
— Tu as bien la liste ?
L'enfant hocha vigoureusement de la tête, non sans sortir fièrement le papier de sa sacoche de ceinture en cuir. Bien, ils avaient le plus important, ils pouvaient partir. Les deux adultes sortirent de la maison d'Osgeir dans un silence peut-être représentatif de leurs non-tranquillité d'esprit. Eirian était à leurs talons, trottant derrière eux comme le petit agneau fraîchement née de la semaine dernière. Ça essayait de calmer le stresse qui tambourinait dans sa poitrine, notamment en observant la faune florissante nourris par ce soleil estival, mais rien y faire, ça grignotait toujours le creux de l'estomac. Surtout en arrivant dans le Grand Domaine. Parce que, voilà, ils n'étaient plus qu'à quelques minutes de leurs grandes escapades. Même Orwenn était là pour les accueillir, devant l'immense feu de cheminé, leur ticket de sortis. Lui, au moins, était particulièrement serein, voir même amusé par la situation au vu de ce grand sourire dissimulé sous cette barbe blanche. S'il n'allait pas manqué le départ de cette petite troupe maussade, faut croire qu'il prit aussi un petit plaisirs pour bien les enfoncer puisqu'il tendit une liste à sa comparse.
— Puisque tu vas au Chemin de Traverse, je veux bien que tu me ramène quelques petites courses...
Heureusement, mais, heureusement que c'était Orwenn, le Grand Devin du village, parce qu'à cet instant, Ragnhild aurait pu le tuer d'un simple regard ! Comment osait-il s'exalter de leurs mauvaises humeurs et les enquiquiner de la sorte ? Était-ce dû, par ailleurs, à cause de sa colère qu'elle ravala fièrement si les flammes du foyer enflèrent subitement ? Eirian, petit sourire au coin des lèvres, n'avait aucun doute la dessus. Et tandis que le Colosse calma les ardeurs d'un revers de main - l'enfant portait espoir de pouvoir maîtriser le feu aussi aisément que ses semblables ! - la Völva ne manqua pas de marmonner quelques insultes dans cette langue perdue. Entre autre, cela pouvait rapidement se traduire par un « Tu ne manques pas de toupet, vieille branche ! »
— Passez une bonne journée et n'oubliez pas de transmettre mes salutations à Orion et à sa famille !
Et il s'en alla, comme ça, fredonnant une vieille chanson folklorique irlandaise, tout fier de cet enfantillage pourtant immature au vu de l'âge et du titre du vieil homme. Si cela ne fit que titiller les nerds de sa comparse, cela eu le don, au contraire, de détendre la petite gamine. L'optimisme du vieillard avait don d'alléger les esprits.
— Chemin de Traverse...
La voix de l'Islandais attira l'attention de sa nièce et sous ses yeux l'âtre verdâtre avala le grand Colosse. Elle avait beau connaître ce spectacle, son émerveillement était toujours présent. Et aujourd'hui, c'est la première fois qu'elle utilisera la poudre de cheminette. Ça l'angoissait un peu quand même, bien que son Oncle lui ait ouvert la voie pour la rassurer. Si Ragnhild ne l'avait pas doucement pousser dans le foyer, l'enfant serait sans nul doute rester figer de peur encore un bon moment. Le feux n'étant plus, c'était juste un peu chaud sous les pieds, mais rien de bien effrayant. La grande dame lui tendit ainsi la poudre et l'intima à s'en servir une bonne poignée. Son visage stricte et froid se détendit sous une expression presque maternelle.
— Voilà... Cela va bien se passer, ma puce... Ça ne va pas te faire du mal et ça ne va pas te brûler... Si tu as peur, ferme les yeux et quand tu les ouvrira, Osgeir t'accueillera, d'accord ?
La gorge se serre, l'estomac se tord un peu plus, mais l'enfant hocha vigoureusement de la tête. Plus pour se faire la grande fille que par réel courage, parce que la vérité était là : elle était morte de peur. Mais Ragnhild ne pouvait lui mentir, puisque toute sa famille survit à ce passage, donc, ça veut bien dire que c'était parfaitement safe ? La Maîtresse des Runes avait peut-être raison ; peut-être que cela se passera mieux en fermant les yeux. Ainsi, ses paupières s’abaissèrent, le bras se tendit avec un tremblement incontrôlé et après de grandes respirations fébriles et dans une lueur de courage :
— Chemin de Traverse !
La paume s'ouvrit et la détonation lui arracha un petit cri de terreur. Elle sentit tout juste quelque chose de chaud l'envelopper et puis... Nouveau petit cri, quelque chose s'était posé sur sa tête et ouvrant cette fois les yeux, quel soulagement de voir que ce n'était que son Oncle et sa grande main sur sa petite chevelu brune ! L'enfant se jeta dans ses bras en couinant, passant ses bras autour de son cou et marmonnant contre sa gorge.
— Plus jamais ! Ça fait trop peur !
Un rire léger, mais caverneux, secoua la cage thoracique de l'Islandais, déposant un tendre baiser sur la tempe de sa nièce.
— Il faudra pourtant y retourner... — Ha non hein !
Elle secoua ses petits jambes dans les airs, serrant un peu plus son étreinte sous le regard amusé de Ragnhild, qui venait tout juste de les rejoindre. Quel drôle de petite famille : une petite fille de sa robe de lin ceinturé avec sa petite sacoche de cuir, dans les bras d'un homme grand, très grand, large, avec une grande barbe brossé et des cheveux longs. Un peu hors du temps, de sa grande tunique de coton blanche, de ses grandes bottes et de ses brassards de cuirs. Deux bourses de cuirs étaient accrochées à une large ceinture. Et puis il y avait cette femme, à l'âge indéterminé, visage austère, froid, peu de sympathie, d'une droiture presque de noblesse et d'un regard presque méprisant... si elle ne se déridait pas en gardant Eirian à l'oeil.
On reposa l'enfant au sol, qui posa ses yeux sur l'avenue principale ; aussitôt, elle sentit une légère angoisse la saisir ; c'était grand, et il y avait beaucoup de monde. Beaucoup trop de monde. Faut dire qu'elle n'était plus habitué à la foule depuis qu'elle a été recueilli par son Oncle. A dire vrai, elle n'était plus sortit du village depuis qu'on l'avait recueilli. Alors, à cet instant, l'enfant se sentit petite... Terriblement petite ! Pas du tout à l'aise dans ce nouveau milieu animé, bondé et bruyant, la petite se hâta de sa cacher derrière le grand Verbena, collé à sa jambe. Elle n'atteignait même pas sa hanche, offrant là l'image d'un petit agneau dans les pattes d'un gros Grizzli.
— Ça va aller mon coeur... Il ne va rien t'arriver ici... Pas avec ton Bróðir pour nous guider...
A ce nom, Eirian tourna sa tête vers sa Völva qui, d'un sourire en coin, lui désigna d'un mouvement de menton une certaine silhouette. Là, parmi la foule de Sorciers de l'Ordre d'Hermès, elle reconnut la silhouette de son grand-frère de coeur qui les rejoignait. Aussitôt, le visage de l'enfant s'illumina.
—Bróðiiiiiiiiiir !
Les « i » suivirent la course de l'enfant jusqu'à qu'elle retrouve les bras d'Orion Fleury et, si tôt logé contre lui, elle y déposa un gros bisou sur sa joue. C'est vrai qu'avec lui, lui qui connaissait tout l'univers des Sorciers, et avec la compagnie de son Oncle et de la Maîtresse des Runes, il ne pouvait plus rien lui arrivait ! Et mieux : la foule ne semblait plus des plus terrifiante. Cela ne pouvait qu'être une balade enrichissante avec sa famille aimante - parce que, bien évidemment, Orion adore la Völva et le Colosse, hein ? -.
— Tu es venu !
La jeune petite sorcière a en devenir leva son regard pétillant de malice pour trouver les iris de son aîné. Bien qu'elle n'en doutait pas qu'il tiendrait sa promesse - il n'avait pas intérêt de toute façon, foi d'une terrible Völva et d'un géant Islandais - le simple fait de le savoir là, au rendez-vous de prévu, soulagea grandement les épaules de la petite fille. Elle se sentait plus légère et moins angoissée donc. Ainsi, tandis qu'elle reprit le chemin du sol, les deux adultes s'avancèrent vers lui ; Osgeir lui serra la main avec sa poigne habituelle - il fait toujours attention à ne pas broyer les mains de ses interlocuteurs - et la Völva, comme à son habitude par son manque de chaleur - hormis pour la petite Eirian - le salua d'un mouvement de tête qui est, ma foi, des plus honnête.
— Tu as le Bonjour d'Orwenn, Orion... — Regarde ! Regarde Bróðir ! J'ai pris ma liste !
Comme tout à l'heure, elle brandit fièrement sa petite liste hors de sa sacoche, comme l'enfant qu'elle était voulant être félicité de ne pas avoir oublié d'avoir pris l'objet le plus important des emplettes. Par ailleurs, maintenant qu'ils étaient tous là :
— Qu'est-ce qu'on doit faire alors ?
Sa petite bouille innocente se fit toute intrigué tandis qu'elle lança un regard aux alentours ; que c'était grand ! Comment savoir par où commencer ? Cependant, au plus grand étonnement de l'enfant, ce n'était pas Orion qui répondit en premier à sa question, mais bien Ragnhild.
— Une chose importante et bien nécessaire si on veut faire des achats... Orion, peux-tu nous amener à Gringotts, je te prie...
Il y avait dans sa voix un timbre d'un sérieux rare, presque avec une certaine gravité ; le sujet semblait tendu puisque l'Oncle s'était rembrunis, tout comme la Völva, et le silence qui s'en suivit fit frissonner l'enfant ; elle connaissait leurs expressions si communes et ça, cela voulait dire qu'il y avait quelque chose de très, très sérieux, à faire à Gringotts... Tiens, d'ailleurs :
— C'est là où tu travailles, Bróðir ?
La petite prit la main de son grand-frère de coeur. Une manière détournée, en passant, pour changer un peu le sujet tandis que les trois Verbenae suivit le jeune Fleury jusqu'à la banque, bien que Ragnhild et Osgeir connaissait le chemin, mais aujourd'hui, Orion était leur guide jusqu'à la fin des courses.
« J’en ai par-dessus la tête des livres. Orion, tu peux me dire ce qui m’a pris d’ouvrir une librairie ? Alors que j’aurais pu … Je ne sais pas, moi, ouvrir un pub et me spécialiser dans les tourtes. » grommelle Aldric Fleury tandis que des livres volètent d’un bout à l’autre de l’échoppe familiale, portés par des sorts de lévitation. Le métier de libraire moldu doit être autrement pénible. « En dehors du fait que c’était l’héritage familial, il me semble que tu as toujours aimé les livres. Et tu es un bon cuisinier … qui réagit mal aux coups de feu. Pas compatible avec l’ouverture d’un restaurant. Je me souviens assez bien de l’histoire de la tarte aux petits pois qu’on avait mal écossés. Le papier peint lui-même s’en souvient peut-être encore. » Grommellements. Entre père et fils, pourtant si portés vers les grands auteurs lyriques, c’est un mode de communication comme un autre. « Bref, avec cette tuile d’héritage qui me tombe dessus, je suis bon pour me geler au pays de Galles plusieurs jours et louper le coup de feu de la rentrée scolaire. Tu peux me dire pourquoi ces fichus marmots et leurs parents attendent août pour acquérir les livres scolaires ? C’est trop demander, qu’ils s’y mettent dès que les listes sont connues ? En mai, on en connaît déjà les trois quarts. Enfin, cette histoire d’héritage est une bonne chose. Pas pour feu la vieille sorcière qui est décédée mais je suis très content que ses héritiers souhaitent transformer la bibliothèque familiale en dancing ou nursery - je ne sais plus, j’ai juste retenu que c’était hérétique – et qu’on m’appelle pour expertiser tout ça en empochant une petite commission. C’est juste dommage que ça tombe juste avant la visite d’Eirian. Je ne pense pas être rentré à temps. Cette brave dame ne pouvait pas choisir son heure, pas vrai ? Amène-moi les livres d’arithmancie aussi, tu seras un ange. » « Tu ne penses pas qu’on aurait pu décaler la visite de nos amis des Highlands ? » « Surtout pas. Il y en aurait bien eu un pour penser que c’est un signe et que la gamine doit rester terrée dans leur bled. Tu feras un guide charmant, j’en suis sûr. La gamine t’adore. » « Ce n’est pas vraiment elle que je crains. « Qui donc ?» «Oh, je ne sais pas, la sorcière glaciale ou l’oncle qui a des mains comme des battoirs ? Non vraiment, j’hésite. Parce qu’on sait bien qu’ils vont l’observer comme du lait sur le feu et moi comme un genre de coagulant. » « C’est une bonne comparaison, ça, le lait sur le feu et le coagulant. » « Oui, c’est de mon cru. J’aimais bien l’idée d’être l’élément qui transforme la matière, tout ça tout ça. Ca ne veut quand même pas dire que je me sens follement rassuré. » « Tout se passera bien. » « Et si ça se passe mal ? » « Demande de l’aide à ta mère ou tes sœurs. Elles débarqueront avec un dragon ou une diversion comme ça. Si tu as oublié de leur proposer un nuage de lait dans leur thé, ce sera de l’histoire ancienne. Bon, pas de bêtises en mon absence, réprimande le stagiaire, embrasse tout le monde sauf lui et j’en passe. J’essaie de revenir au plus vite ! »
Sur ces mots, Aldric Fleury se rend à la station de transplanage la plus proche, son bagage avec lui. Il laisse un fils en rien déboussolé. Laissé seul dans les murs, maintenant que le rideau est tiré, Orion fait son choix dans la librairie et monte se coucher prématurément, emportant avec lui une profusion de lectures, de tisane et de petits biscuits. Il passe un lendemain studieux à Gringotts avant de rappeler à ses collègues qu’il ne sera pas là le surlendemain : il fait visiter le Londres sorciers à sa famille venue des Highlands.
C’est donc impatient mais sur le qui-vive qu’il se rend accueillir la petite Eirian et son escorte. Il aurait aimé compter que le vieil Orwenn mais il s’est préparé à ce qu’un homme de cet âge n’ait aucune envie de faire du lèche-vitrines. Les silhouettes qu’il distingue au loin confirment ses dires. Les trois Verbanae sont extrêmement faciles à repérer. Ils lui rappellent vaguement un livre pour enfants. Voyons voir, le géant, la grande perche et l’enfant ? Il faudra qu’il compulse l’une de ses listes de livres pour remettre ces trois figures emblématiques. Il a été vu aussi. Orion lance un grand signe de main et profite de ce qu’il est trop loin d’eux pour faire disparaître rapidement dans un étui la cigarette qu’il fumait. Un sort rapide le débarrasse de l’odeur qui va avec. Il n’est pas sûr de leurrer grand-monde mais il n’a pas à se cacher comme un gosse, non ? Ses propres parents sont à l’aise avec l’idée qu’il fume – c’est en tout cas ce qu’ils prétendent et il n’a jamais eu envie de creuser suffisamment pour savoir s’ils ont quelque chose à y redire.
Un grand sourire éclaire son visage tandis qu’il vient saluer cette petite assemblée. Inutile de leur dire que leurs vêtements simples voire traditionnels vont attirer l’attention dans un certain nombre de boutiques. Orion fait confiance aux deux adultes pour que leur petite protégée soit à l’abri de tout, y compris des regards interloqués. « Bonjour tout le monde ! Vous avez fait bon voyage ? Qu’est-ce que je suis content de vous voir ! » annonce-t-il en prenant Eirian dans ses bras avant de l’embrasser sur le front. Il échange une poignée de main – glaciale – avec la Volvä et une autre -brutale – avec l’oncle de l’enfant. Rien de nouveau sous le soleil. « Vous passerez le bonjour à Orwenn aussi. Il n’avait besoin de rien ? » demande-t-il à la Volvä avant de se concentrer sur la petite protégée et de feindre d’examiner la liste d’un œil expert – il en connaît le contenu par cœur. « Bien sûr que je suis venu, ma petite demoiselle. Mon père s’excuse, il a été appelé pour une expertise de bibliothèque dans une succession. Vous savez comment c’est dans ces moments-là, le testament est bloqué, ça se jette des noms d’oiseaux et j’en passe. Comme août est toujours une grosse période pour la librairie, il revient dès que possible, aujourd’hui normalement. Pas d’inquiétude mon chou, j’ai déjà préparé tes livres de classe. » précise-t-il à l’adresse d’Eirian. Cette litanie n’a en rien désarçonnée la Volvä qui demande à se rendre à Gringotts. Délicieuse idée. Il comptait bien les emmener, tout en se demandant s’ils rentreront tous dans un chariot. Disons qu’ils seront entassés. « Mais bien sûr. Gringotts est un incontournable, sans parler de l’aspect pratique, ça aurait été dommage de ne pas pouvoir y jeter un œil. Surtout avec un briseur de sorts. Vous connaissez mon amour pour Gringotts alors je vous éviterai la récitation de l’Histoire de Gringotts, de Ptolémée à nos jours. Une excellente lecture, soit dit en passant. C’est par là. » annonce-t-il en prenant la tête du groupe. C’est-à-dire qu’en bon guide, Orion détaille les différents commerces devant lesquels ils passent tout en se retournant très fréquemment pour voir qu’il ne perde personne de la petite troupe. Il s’inquiète bien moins des éventuels pickpockets, il faudrait être idiot pour essayer de tirer quoi que ce soit aux deux adultes et Eirian ne transporte rien de valeur avec elle. « Magasin d’ingrédient pour potions, magasin de baguettes magiques … et nous voilà à Gringotts. »
Orion a beau s’y rendre très régulièrement, il demeure frappé par la magnificence de ce grand hall où gobelins et sorciers s’activent près des colonnes de marbre. On remplit des formulaires auprès de différents guichets, on passe dans des pièces permettant plus d’intimité lorsque la situation le nécessite. Les sorciers attendent sagement, escortés d’un gobelin pour qu’il les emmène vers les souterrains. Sans ces créatures magiques, la banque ne pourrait pas fonctionner. Les porteurs de baguette ravalent auprès d’eux les quolibets qu’ils ne manquent pas de faire sur les autres espèces de créatures magiques. Le sort d’un gobelin n’a rien à voir avec celui d’un elfe de maison. Tous deux sont petits, humanoïdes, dépourvus de toute beauté dans les critères des sorciers, dénués de baguette mais non de magie. Les premiers ont acquis une place somme tout respectable dans la société sorcière, et ce dans une bonne majorité de pays. Les seconds, malgré leurs pouvoirs, restent inféodés à des sorciers qui les méprisent. Orion pense pouvoir qu’il réussit à se comporter avec les gobelins comme avec ses pairs ou avec les elfes de maison. Il s’efforce d’être poli, respectueux, de faire attention aux coutumes locales. L’obsession des gobelins pour l’or, par exemple. Il s’intéresse moins au matériau qu’au travail derrière l’objet, aussi a-t-il été surpris que de savoir que certains des artefacts ramenés étaient refondus. Leur portée magique ne valait pas la peine de les garder intacts.
Orion emmène le petit groupe vers un comptoir. Il sait vers quel coin de salle on trouve les endroits où le guichet est le plus large et permet au plus grand monde de s’asseoir. Il sourit à l’employé qui le reconnaît, et qui reste impassible en le voyant apparaître du côté des visiteurs et non des employés. Tous les sorciers ont besoin des gobelins, l’inverse … «Bonjour Greck. J’accompagne de la famille. Ce sera pour un retrait. » précise-t-il avant de laisser s’exprimer les deux adultes. Il lui semble que c’est l’oncle d’Eirian qui fait office de tuteur légal, mais il n’a jamais voulu interférer dans ces histoires d’héritage. A la place, il se penche au niveau d’Eirian et lui montre du doigt le plafond. « Tu arrives à voir le griffon dans le coin, là ? En marbre rose ? C’est une référence à une parabole assez ancienne … » Il ne se relève que lorsqu’on lui fait signe qu’ils sont prêts à descendre. « Quelqu’un est-il claustrophobe ou sujet au mal des transports ? »
Et voilà, le jeune Orion sous son plus beau jour : optimiste, joyeux et... bavard. Dès que celui-ci eut le dos tourner, la Völva roula des yeux d'un sourire en coin. Ce jeunot ne changeait pas. Une remarque qu'elle partagea en silence avec Osgeir, d'un regard échangé et de ce même étirement de lèvres qu'il lui renvoya. Mais retrouver cet homme si lumineux ne put ternir la bonne humeur de la petite Eirian dont le sourire crevé son minois d'une belle expression joviale et innocente. Elle aimait beaucoup son Bróðir chéri, même qu'il lui permettait toujours de rester positive et de voir toujours le bon côté des choses même quand tout semble s'être obscurcit. Finalement, cette journée au Chemin de Traverse semblait, aux yeux de la fillette, plutôt une bonne chose et, qui sait, promettait même d'être une chouette journée en famille... Une sortie qu'elle n'avait plus vécu depuis la mort de ses parents.
Eirian savait qu'elle était déjà venu ici, avec Eleonor et Almar. Il y restait dans sa mémoire des bribes de souvenirs, brisés, désordonnés, modifiés... Parfois, cela semblait vouloir remonter à la surface, mais avant même qu'elle ait pu entrevoir ses images du passés, cela retournait au stade de vieilles reliques abîmées par le temps. Pourquoi n'arrivait-elle pas à retrouver ses portraits de son ancienne famille ? Pourquoi n'arrivait-elle pas à se revoir au beau milieu du Chemin de Traverse avec sa mère et son père ? Elle se doutait avoir déjà parcouru ses ruelles, car il y avait comme une familiarité dans les formes et les couloirs. Cependant, il manquait encore quelques éléments pour raviver sa mémoire d'antan, mais quoi ? En attendant de retrouver la clef, l'enfant s'accrocha à la main de son Bróðir, les mirettes vagabondant d'une devanture à l'autre, assez impressionnée par tant de personnes présentes dans un seul endroit. Ce n'était pas non plus bien rassurant, n'étant plus habituée au phénomène de foule, mais il fallait avouer : voir tant de Sorciers et représentants du Monde Magique attisaient une certaine fascination pour la jeune Verbena. Ça faisait dansait son petit coeur d'un rythme effréné.
Bon, c'était quand même assez perché comme endroit, voir penché, rien qu'à voir la gueule de Gringotts. La singularité de l'architecture arracha une grimace à Eirian qui se demandait si c'était dans la culture des Sorciers de l'Ordre d'Hermès de faire des bâtiments étranges comme ça. Ça tient bien au moins ? Non parce que, faut pas que ça s'écroule sur leurs têtes ! Un petit regard sur son Oncle et sa Völva qui lui répondirent d'un haussement d'épaule désintéressé semblait lui confirmer que tout ceci était normal. Pas très rassurant tout ça... Eirian n'avait plus très envie de visiter le lieu de travail de son Bróðir tout d'un coup et traîna quelque peu les pieds, mine méfiante qui lui fit retrousser son petit nez, quand elle posa un pied sur le sol marbré. Allant de surprise en surprise, les yeux de la fillettes s'écarquillèrent aussi bien sous la sophistication du lieu que la présence de ces étranges créatures. C'était grand, c'était luxueux et c'était habités par des Gobelins... Non, sérieusement, le monde des Sorciers étaient vraiment étrange !
— Merci, Orion...
La voix de la Völva était posée, loin de son timbre froid habituel tandis qu'elle s'avança près du comptoir face à l’étrange créature aux côtés d'Osgeir. Eirian, de son côté, collée à son Bróðir, suivit son doigt pour admirer le griffon dans un coin du plafond... Et Dieu que ce plafond était grand ! Sa grandeur fit tomber la mâchoire de la fillette bien impressionnée car faut dire que ça n'avait rien à voir avec la petite maison au fond des bois dans lequel elle habitait avec son Oncle ! Mais avant qu'elle ait le temps de le questionner sur ce qu'est une parabole, sa bouche se referma aussitôt quand elle eut vent de son nom. Son regard se posa alors sur Ragnhild et Osgeir, soudain bien curieuse de leur sujet de conversation dans lequel elle semblait être le centre de l'attention. De quoi parlaient-ils ? Et c'est quoi la claustrophobie ?
— Ça ira pour le transport, nous sommes prêts, Orion...
Eirian n'aimait pas beaucoup le regard que la Völva prêta à son Oncle, ni cette expression que celui-ci abordait : amertume, maussade... L'enfant se détacha de la vigilance de son Bróðir pour s'empresser d'attraper la main du Colosse. Celui-ci tenta de lui offrir un sourire doux, mais ne fit que renforcer cette tristesse qu'elle lisait au travers de cette grande barbe. Alors l'enfant tendit ses bras vers lui et, incapable de lui refuser, le Viking se pencha pour la prendre contre lui tandis que Ragnhild suivit l'employer jusqu'au chariot. Autant dire, qu'à la vue de ce moyen de transport, la fillette ouvrit de grands yeux et poussa un gémissement plaintif. Passant sa tête par-dessus l'épaule d'Osgeir, elle jeta un regard de détresse à Orion, comme s'il elle cherchait à avoir son approbation comme quoi ce truc roulant était safe ! Sa petite mimique terrifiée soutira néanmoins un petit rire moqueur à la Maîtresse des Runes qui prit place dans le chariot :
— Ça va aller mon coeur... Si les chariots de Gringotts menait au monde de Helheim, ça saurait... — Au pire, cela nous donnera l'occasion de rencontrer la Vénérable Hel et son chien de garde, Garmr... murmura doucement Osgeir d'un sourire en coin.
Humour de Nordique qui prit naturellement avec la fillette - pourtant écossaise, mais ayant grandi avec les vieilles traditions de sa famille paternelle - qui s'empressa de prendre un air renfrogner et gigotant ses petites jambes dans le vide tandis que le Colosse prit place aux côtés de Ragnhild avec la petite toujours contre lui.
— Ha non hein ! Pas Helheim ! Bróðir, empêches les ! Protèges moi !
Le grand Vikings garde-forestier et la terrible Völva Maîtresse des Runes posèrent alors leurs regards sur Orion d'un même sourire difficile à décrypter mais dont l'austérité du lieu ne fit que relever une once de sournoiserie dans ce plissement de lèvres. Mais oui, très cher Bróðir, vient tenir tête à la sorcière glaciale et l’oncle qui a des mains comme des battoirs pour venir en aide à la petite Eirian.
Dire qu’Orion n’adresse aucune importance au fait qu’Eirian détale loin de lui, alors qu’il allait lui parler du symbolisme dans les représentations modernes de la guerre des gobelins, c’est mal le connaître. Il a un instant d’égarement. Avant de se reprendre. La petite fait ça pour aller rejoindre son oncle. Il ne lui en veut pas. Comment pourrait-il se sentir laissé pour compte ? Les dieux l’en préservent, il n’a pas de vécu familial douloureux. Si l’on accepte ces Euthanatoï du côté maternel. Un frisson lui parcourt l’échine. Il ne veut même pas y penser.
Lorsque les Verbanae parlent du chariot des enfers, il ne s’émeut guère. Pour la première fois depuis longtemps, il se rappelle ô combien ces traditions sont lointaines pour lui. Dans le Londres sorciers, son père n’a jamais voulu les présenter que comme des enfantillages. Même à l’âge où Eirian a perdu ses parents, Orion avait bien conscience du caractère symbolique du monde souterrain, du chien de garde, de la vénérable gardienne. Il est heureux pour eux, un peu triste pour sa pomme. Il partage bien d’autres choses avec sa famille. Il ne faut que quelques secondes pour qu’il se remette dans de bonnes dispositions. Ceux qui le connaissent peu pensent qu’il est d’humeur égale, toujours joyeux. Orion se voit plutôt comme au cœur d’une montagne russe qui descendrait et remonterait sans cesse, ou dans un phénomène semblable à la persistance rétinienne qui vous fait voir une continuité là où tout est fragmenté. Il est perpétuellement inquiet, heureux, gêné, heureux, honteux, heureux. Avec une hypothèse haute sur le bonheur.
Il se fend d’un grand sourire devant la moue paniqué d’Eirian. Tout en s’installant à son tour dans le chariot, Orion reprend ses explications. « Aucun risque. On ne s’amuse pas à perdre les gens. D’ailleurs, Ragerk ici présent est un pro-fe-ssio-nnel. Il ne me perdrait pas non plus volontairement car c’est un bon collègue. » En prenant place, Orion se trouve contraint de se replier pour tenir dans l’habitacle. Le bon côté du métier de briseur de sorts, c’est aussi qu’il est capable de se faire tenir dans de petits espaces confinés. Un prérequis nécessaire quand on vous explique qu’il faut abîmer le moins possible les bâtiments et que franchement, vous pouvez bien perdre ces poignées d’amour pour passer dans des ouvertures plus petites, merci bien. Aussi peut-il être très fier de ses hanches. « Tu savais que les moldus construisent des endroits entiers dédiés au fait de se mettre dans des petits wagons comme celui-ci, de faire des loopings et j’en passe ? C'est très amusant. Tu en parleras à @Lemony Anderson, c’est un ami que tu auras comme enseignant cette année. On a toujours voulu aller dans un endroit comme ça, il faut que je le relance. » ajoute-t-il distraitement.
Le dénommé Ragerk ne se prive pas pour offrir quelques sensations fortes à la petite troupe. Orion finit donc tour à tour compressé contre Osgeir ce qui est très désagréable, plaqué contre Ragnhild ce qui ne le met pas plus à l’aise et finalement, balancé contre le chariot. Ca, il maîtrise.
« Premier arrêt de notre trajet touristique, votre coffre-fort. » commente-t-il pour faire le bravache. Il respire tout de même mieux quand le gigantesque Viking sort du chariot qui retombe lourdement sur ses rails. « Tu vois, Eirian, tous les sorciers qui souhaitent ouvrir un compte à Gringotts et qui ont bien raison ce faisant disposent de leur propre chambre forte. Certaines familles partagent un même compte, d’autres séparent. C’est une question de conception des choses. Tu peux aussi léguer des biens à ta famille, tes proches … Gringotts propose aussi tout un service de registre des testaments. » Il s’apprête à renchérir sur le fait qu’il a lui-même rédigé le sien et qu’il a mis Eirian comme bénéficiaire d’une petite somme d’argent, pour qu’elle puisse faire ses études. Il se souvient néanmoins que la gamine est orpheline et qu’il a toujours évité de présenter son travail comme une occupation durant laquelle il pouvait mourir bêtement. Ne jamais revenir, ou revenir éclopé.
Aussi opère-t-il l’équivalent d’un axel en patinage artistique, d’un numéro de claquettes, d’une diversion dénuée de subtilité dont il a le secret, et qui vous laissent aussi étourdi que si vous aviez fait un jeu à boire avec un troll. « Et savais-tu, mon petit lapin, qu’on murmure qu’il y a des dragons quelque part ? » Les deux adultes sont maintenant descendus du chariot et Orion sent qu’il est temps qu’Eirian reçoivent quelques explications utiles à son futur. Disons, directement utiles à son futur car il n’exclut pas que connaître l’existence d’une rumeur sur des dragons à Gringotts puisse être utile. Aussi l’aide-t-il à descendre du chariot dans lequel il reste. Orion prétexte être occupé en échangeant quelques banalités avec le gobelin, mais il ne perd pas des yeux la scène émouvante qui se prépare. Nul voyeurisme, il aimerait juste … Aider. Atténuer un peu la peine, car il ne doute pas qu’un rappel aussi fort au fait d’être orpheline la laissera triste.
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C'était ça qui était bien avec Orion ; il avait toujours son pareil pour trouver des petites anecdotes pour se coucher moins bête le soir. Les informations qui en résultaient variées en qualité aux yeux de Ragnhild et Orion, qui connaissaient un minimum le monde extérieur, mais pas encore Eirian qui manquait cruellement de recul et de vision extérieur. Alors cette histoire de chariot qui fait des loopings pour amuser les moldus, ça fit écarquiller les yeux de la fillette dans une expression éberlue. Sont fous ces moldus ! Ils vivent dangereusement ! Et en même temps, elle avait bien du mal à croire cela possible tellement ça paraissait irréel. Mais elle nota qu'il y avait un ami d'Orion dans le corps enseignant à Poudlard ; l'occasion de le questionner à ce sujet. En tout cas, elle, jamais elle irait dessus, ça fait bien trop peur ! Pourtant, elle eut quand même un avant goût à durant le trajet. Le bras du Grand Colosse se resserra un peu plus contre l'enfant qui couinait à chaque haut le coeur, tandis que Ragnhild gardait un parfait sang-froid en tenant le bras de son ami relayé au rôle d'enclume. Même quand ils reçurent à tout de rôle le corps d'Orion, rien ne perturba leur tranquillité, hormis peut-être ce sourire énigmatique en coin de lèvres qui se rehaussait à chaque fois que le jeune homme s'étalait sur eux.
Néanmoins, tous furent quelque peu soulagés de trouver enfin la terre-ferme, particulièrement la petite Eirian qui sentit ses jambes comme des marshmallows ; elle tituba un peu, un peu blafard, s'accrochant à la main qu'Orion lui tendait pour descendre du chariot tout en essayent de prêter une oreille attentive à ses dires. Son regard balaya les alentours, observant ses deux tuteurs remettre quelque chose en la personne de Ragerk face à une immense porte blindé. Donc, par déduction, cela devait être un de ces fameux coffre fort dont parlait en ce moment Bróðir et les autres devaient appartenir à d'autres Sorciers. Elle fit une drôle de moue à Orion, entre inquiétude et incompréhension :
— Mais on n'a pas de coffre nous...
Elle n'avait jamais entendu que le village avait son propre coffre chez les Gringotts. C'était, par ailleurs, Ragnhild et Orwenn qui gérait l'économie. Alors pourquoi se trouvaient-ils ici, devant cette immense porte qui sortit de ses gongs ? Les paroles d'Orion se portèrent subitement en écho devant un tel spectacle et une angoisse naissante lui rongeait peu à peu l'estomac : ça servait aussi à léguer des biens à la famille. Terrifiée d'apprendre la raison de leur venu, elle ne comprit pas très bien la teneur des paroles de son Bróðir : que qui quoi dont où ? Dragons quoi ? Ici ? Elle lui lança un regard de détresse, parce que ça popait de tous les côtés de son esprit et elle ne savait plus où donner la priorité à ses pensées. C'est la voix de Ragnhild qui fit pour elle :
— Eirian... Approche...
Le timbre de voix si morose fit frissonner l'enfant qui couina d'inquiétude. Elle eut même un mouvement de recul en se cachant derrière Orion ; elle ne voulait pas savoir. Elle voulait rien savoir. Osgeir eut un soupir amère, un visage que le barbe ne suffisait plus à cacher son chagrin et demande, en silence, à sa nièce de le rejoindre en lui tendant la main. Eirian déglutit dans l'espoir de descendre cette boule d'angoisse dans la gorge et, frissonnante, elle vint à la rencontre de ses tuteurs, sa toute petite main glissant dans les doigts rêches de son Oncle. Elle sentit le silence pesant quand son regard se posa à l'intérieur du coffre. Des Noises, des Mornilles et des Gallions dont Eirian n'a jamais eu la chance d'en voir autant. Peut-être que pour un regard extérieur, ce n'était pas énorme, mais pour des Verbenae vivant dans une forêt paumée sans quasi contacts extérieurs, la fillette le savait, c'était beaucoup.
— Eirian, écoute moi bien, c'est très important...
Ragnhild s'était agenouillée devant elle pour être à sa hauteur et la petite Sorcière déglutit difficilement, serrant un peu plus la main de son Oncle. Elle n'aimait pas ça, ces sujets si sérieux, voir Ragnhild et Osgeir ainsi, mais elle écouta, très attentivement.
— Eirian... Quand tes parents...
Moment de flottement entre les trois Verbenae, silence gênant et douloureux.
— ... Quand ils sont partis... tu as reçu un héritage financier venant d'eux. Tout ce que tu voies à l'intérieur t'appartient, Eirian...
L'enfant fit de grands yeux ébahis, un frisson secoua sa petite échine.
— Cet argent, tu ne pourras le toucher que lorsque tu seras une adulte. En attendant, c'est moi et Osgeir qui gérons ton héritage. Il ne nous appartient pas et il fut décidé il y a bien longtemps que jamais nous y toucherons, car il n'appartient qu'à toi, et toi seul. Nous sommes juste là pour le côté administratif car nous sommes tes tuteurs légaux. Est-ce que tu comprends jusque là ?
Eirian hocha doucement la tête et malgré la moiteur de sa main, elle ne lâcha pas celle de son Oncle dont le regard semblait absent. Les battements de coeur résonnaient dans ses tempes et elle dût se concentrer pour écouter sa Völva malgré la cacophonie.
— Eirian, je vais être franche avec toi : nous n'avons pas d'argent. Nous n'avons guère les moyens pour te financer cette école de magie... Alors, exceptionnellement, aujourd'hui, nous allons retirer de ton compte pour que tu puisses payer les fournitures demandées... Cela te va ? — Non...
Le gémissement qui sortit de la bouche de l'enfant surprit ses tuteurs qui la dévisagèrent avec curiosité. La Völva n'eut pas le temps répliquer que déjà la petite Sorcière enchaînée :
— Prenez le ! — Eirian... souffla la Maîtresse des Runes en secouant la tête. — Prenez le ! — Eirian, ce n'est pas à nous. — Mais c'est mon argent ! Je fais ce que je veux ! Je l'offre à qui je veux ! — Eirian. — Je n'en ai pas besoin ! Prenez le ! — Eirian !
La voix claqua sinistrement dans tout le tunnel, claquement d'un fouet qui entraîna un silence morbide à la fillette toute blême. Ragnhild ne plaisantait pas et son regard donna un avertissement glacial à la jeune Verbena qui baissa misérablement de la tête ; elle titillait la limite. La dame de glace échangea un regard avec l'Oncle, trouvant comme à son habitude l'appel au calme. Son calme si légendaire qu'il ne perdit qu'une fois face à la Völva. Cette dernière lâcha un long soupir et déposa ses mains sur les joues de la petite à la mine tout rembrunis.
— Eirian, écoute moi... C'est vrai, nous n'avons pas d'argent, et c'est principalement ton Oncle et Aslak qui nous en apporte grâce à la vente de peau et de cuir. Mais Eirian, si nous avions vraiment besoin d'argent, nous n'aurions pas cette vie.
Elle leva son petit minois larmoyant, essayant de comprendre les paroles de Ragnhild qui lui semblait presque mensonger tant elle se souvenait qu'il y avait des jours où l'argent manqué.
— Mais parfois c'est difficile... — C'est vrai, avoua-t-elle simplement. Mais ce que nous payons avec l'argent sorcier ne nous est pas si indispensable, Trésor... Nous l'utilisons principalement pour acheter de nouveaux livres pour notre bibliothèque, quelques plantes médicales que nous ne trouvons pas dans notre forêt, du tissus pour faire de nouveaux vêtements, de la poudre cheminette pour nos voyages au Chemin de Traverse, et parfois, de temps en temps, quelques aliments pour nous faire plaisirs... Et si nous n'avons plus d'argent, he bien, tant pis, nous survivrons bien ! Si vraiment c'était important pour nous ce bien matériel et financier, crois moi que notre mode serait différent. Tout ça n'est qu'un petit plus pour notre vie actuelle car, grâce aux efforts de chacun, nous sommes quasiment auto-suffisant. Ce n'est pas le cas pour tout le monde et c'est pourquoi cet argent te sera bien plus utile à toi qu'à nous ; être une bonne Sorcière de l'Ordre a un certain coup, ou pour les Verbenae comme Orion qui ont décidé d'avoir une vie plus urbaine. Nous n'avons pas besoin de cet argent, Eirian, malgré ce que tu peux penser mais toi, tu en as besoin pour te former et il est donc hors de question que notre village touche à cet héritage pour une histoire de quelques caprices matériels. Et avant que tu trouves quelque chose à redire, n'oublie pas une chose : cet argent, tes parents l'auraient utilisé dans tous les cas pour te payer ton école de magie. On ne fait que respecter ce qui aurait dû être fait, tu comprends ?
L'enfant hocha doucement la tête, elle comprenait. Certes, elle pouvait comprendre que le village ne soit pas réellement dans le besoin pour lui prendre son argent, mais ça lui aurait justement fait plaisirs de réinvestir dans le confort et le bonheur de son petit chez-sois que de se payer une année à l'école de sa défunt mère. Était-ce aussi une excuse pour se convaincre de ne pas y aller ? Ha, il y avait ça aussi.
— Je voulais juste vous faire plaisir et vous aider... chouina-t-elle toute bas.
Osgeir secoua doucement la tête, un doux sourire sur ses lèvres tandis qu'il ébouriffait affectueusement sa petite crinière. La terrible Ragnhild, quant à elle, eut un petit rire amusé tandis qu'elle la prit dans ses bras pour l'étreindre.
— Je ne doute pas, Trésor... Mais saches que le rôle des adultes est de prendre soin de nos enfants, ne t'y méprends pas. Et puis, on aura tout le temps de nous disputer sur l'utilisation de cet héritage une fois que tu seras adulte... Te connaissant, tu ne lâchera pas l'affaire de si tôt et tu vas nous faire vivre un enfer.
La remarqua réussit enfin à arracher un petit sourire à la fillette qui se détendit enfin sur cette histoire. Au moment où Ragnhild vit ses petites épaules s’affaisser, les deux tuteurs lâchèrent un soupir de soulagement, le grand Colosse se massant l'arrête du nez. Ou comment un simple retrait pouvait être chargé en émotion. Et après s'en être remis, Osgeir lança une bourse de cuir, vide, à Orion tandis que la Völva demanda posément au jeune homme : — Orion, je te charge de faire le retrait nécessaire... Nous ne savons guère combien cela coûtera financièrement à Eirian pour le paiement de toutes ces fournitures. Pourrais-tu, je te prie, retirer la somme approximative pour les courses ? Après quoi, nous pourrons y aller...
Le gobelin et Orion attendent patiemment. Peu de distractions s’offrent à eux et pour le briseur de sorts tout du moins, il s’intéresse à la scène qui se déroule sous ses yeux. Son collègue semble nettement moins intéressé par ces discussions émouvantes que par la saleté sous ses ongles. Ce qui se comprend dans la mesure où il assiste couramment et journalièrement à des serments d’amoureux qui finiront en divorce calamiteux, des familles brisées par un testament exécuté, des manants qui se découvrent grands héritiers. Il paraît que l’arrivée du célèbre Harry Potter n’avait pas ému outre mesure la banque sorcière. Des manieurs de baguettes, c’est le gros de leur clientèle. Alors qu’ils s’y entendent aussi en runes, oghams, tatouages magiques …
« Et sinon, ta famille ? »
« Ca va, ça va… » répond le gobelin sans se réveiller tout à fait. Lassé, il retourne s’installer confortablement dans le chariot. Ces choses peuvent prendre du temps.
Aussi à l’aise que s’il était au restaurant avec un couple qui se reproche une tache de rouge à lèvres sur un col de chemise, le fils Fleury tient la chandelle. En quelque sorte. Vient enfin le moment où il retrouve un semblant d’utilité. Il a suivi cette conversation et l’envie pour la petite de donner cet argent, mais est trop poli pour donner cette impression. Les adultes sont dupes. Pas sûr qu’Eirian le soit aussi. Il attrape au vol la bourse lancée par l’oncle de la gamine. Il hoche la tête à la demande de la Völva et entreprend de faire participer Eirian. Peut-être n’est-ce pas le choix qu’auraient fait les tuteurs de la jeune fille, mais ses propres parents l’ont toujours fait participer à ce qu’ils pouvaient, associé à des décisions. Sous couvert de faire une présentation claire de ses idées, il a même réussi à choisir l’une de leurs destinations de vacances alors qu’il était enfant. Orion balaie la pièce du regard et s’installe par terre, près d’un tas de pièces. Il fait signe à Eirian de s’approcher. « Ca me semble important que tu saches comment ça marche. Alors, donc, nous avons trois types de pièces. Gallions, mornilles, noises. Or, argent, bronze. Tu dois savoir qu’un gallion vaut dix-sept mornilles, et une mornille vaut vingt-neuf noises. Je t’accorde que ce n’est pas le système qui semble le plus naturel, mais on s’y fait. Nous allons avoir besoin de t’acheter un chaudron pour réaliser des potions, ton uniforme, et bien sûr ta baguette. Je sais que vous avez du tissu pour réaliser ta robe d’uniforme, il ne va manquer qu’un peu de linge pour le reste. Il ne faut pas lésiner sur le chaudron ou la baguette, vois-les comme des investissements : on n’en change pas tous les jours. J’ai encore ceux que j’ai acquis à ton âge et je doute d’avoir à les changer un jour. Mais dans la mesure où ce sont des produits essentiels pour les sorciers de l’ordre d’Hermès, leur coût n’est pas très élevé. Me semble que les frais de scolarité ont déjà été partiellement réglés, et ne t’en fais pas pour les livres. C’est un cadeau de Papa. Si tu veux bien me passer, disons sept gallions de plus, on sera bien. Oui, ce sont les pièces d’argent. » commente-t-il en recomptant la monnaie. Il a prévu un supplément de monnaie pour les éventuelles emplettes par correspondance qu’Eirian pourrait faire. « Tu vois, la bourse est ensorcelée pour être plus légère, sinon ça deviendrait vite pénible de transporter sa monnaie. Les moldus utilisent un type de papier spécial, que seul un Etat a le droit de faire. C’est plutôt une bonne alternative quand on est dénué de magie. Je crois même qu’ils développent une monnaie invisible et impalpable à très grande échelle, mais là, c’est presque un débat philosophique. »
Eirian est-elle étourdie ou agréablement divertie par ce flot de paroles ? Le briseur de sorts fait ce qu’il peut. Il laisse Osgeir et la Völva remonter dans le wagon, par politesse. Il aide Eirian, encore un peu secouée lui semble-t-il à remonter à son tour. Enfin, en bonne variable d’ajustement, il y monte à son tour. Le chariot remonte et la lumière du jour est de nouveau visible. Orion aurait peut-être pu transplaner, mais il gère mieux qu’à l’âge d’Eirian sa peur d’être enfermé sous terre. N’empêche qu’il a eu un peu d’adrénaline. Autant commencer par quelque chose de reposant, comme l’achat d’un chaudron. La baguette magique pourrait être un moment dur pour la petite, s’ils ne tombent pas tout de suite une baguette compatible.
La boutique de chaudrons et d’accessoires pour potionnistes est située sur le chemin de Traverse elle aussi. L’endroit sent la fumée, les épices et quelque chose qui est à la fois terreux et entêtant. On y trouve divers chaudrons de taille et d’aspect varié, des louches en tout genre, quelques livres mais trop peu pour faire concurrence aux Fleury auprès desquels la maison se les procure. Tout un pan de mur est occupé par des bocaux de taille régulière et qui renferment Merlin sait quoi. Dans celui-ci, une poudre d’un bleu éclatant. Là-bas, une fumée aux teintes rouges tourbillonne dans sa prison de verre. Des poudres jaunes, des écailles d’on-ne-sait-quoi, des copeaux d’une matière minérale, végétale ou animale … De petites étiquettes donnent des indications grandioses et intriguantes. Il y est question de venin d’acromentule, d’yeux de murènes, d’herbe des trolls, de …
De fenouil séché.
Certains ingrédients, peu, sont parfaitement comestibles après tout. La petite troupe emplit une bonne partie de la boutique. Une jeune fille qui doit avoir l’âge d’Eirian pose de nombreuses questions à sa mère sur les bocaux. La mère est une grande blonde glaciale, pas mal note Orion, la gamine ressemble à un enfant de livre des années soixante. Peut-être est-ce sa robe, moldue, à smock. Orion les laisse explorer cette partie du magasin. Il donnerait bien un coup de main à la mère qui fait tout à fait sortie-de-la-City mais pas après ce regard condescendant lancé à leur petite troupe. Ou pas tout de suite. Ils ont certes l’air un peu décalé. Bon, en bon Poufsouffle qu’il est, il prendra le relais si le gérant du magasin n’arrive pas. Orion s’accroupit de nouveau, cette fois pour regarder les chaudrons. Il en soulève plusieurs, passe la main sur le bosselé pour analyser la qualité du matériau et l’habileté du fabriquant, frotte les bords et hume l’odeur pour connaître mieux le métal. Bien sûr, il a reconnu immédiatement la carapace de crabe de feu, le granit, le cuivre. Déformation professionnelle, il inspecte le produit comme une relique.
Soyons sincères, il regarde également les prix. Beau budget, un chaudron. Il en repose plusieurs jusqu’à jeter son dévolu sur un chaudron de couleur dorée. Un chaudron de taille moyenne, en laiton. « Excellentes propriétés, le laiton. On l’utilise dans les canalisations et la cuisine pour sa résistance aux bactéries, il conduit bien la chaleur … Tu feras attention à ne pas te brûler si tu l’utilises. Il est dans les prix, est-ce qu’il te plaît ? Et est-ce qu’il y a des potions que tu aimerais réaliser ? On jettera un œil aux ingrédients si tu veux, je dois déjà t’en trouver quelques uns qui sont demandés dans ton livre de première année. »
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C'est vrai, c'était important de le savoir. Eirian avait vaguement une connaissance sur la répartition de la fameuse monnaie des sorciers ; elle savait que tel nombre de Noises était équivalent à une Mornille et un certain nombre de Mornilles équivalait à un Gallion. Gallion, par ailleurs, qu'elle n'avait pas la chance de voir souvent la couleur car on parlait bien d'or quand même ! Or, dans son petit village tout austère et pas très fortuné, c'est surtout le cuivre, le Noise, que l'enfant connaissait bien. Alors, dans un petit coin de sa tête, la jeune Verbena essayait de retenir le convertissement, mais il y a de forte chance qu'elle oublie d'ici deux petites heures. De ce fait, quelque peu perdue par les nouvelles directives au sujet de sa petite fortune et des projets prochains au sujet de sa liste, c'est à peine si elle percuta que son parrain chéri lui avait déjà offert une partie de ses fournitures. C'est Ragnhild qui lui mit la tique à l'oreille quand celle-ci, de son visage pourtant si austère d'habitude, perdit de sa superbe dans une mimique gênée.
— Ho Orion...
Pour une fois, la voix n'était pas dans le rapproche, mais empreinte d'un certains embarras. Même Osgeir, semblait tout autant, poussant un soupir animal avant de reprendre d'une voix tout aussi sincère que reconnaissante :
— Tu remercieras ton père de notre part...
La Völva inclina respectueusement sa tête pour appuyer les remerciements. Ils étaient quelque peu mal à l'aise que le Parrain d'Eirian offre à cette dernière les ouvrages en question pour son école et dont la vente était, par toute logique, son gagne-pain. Mais en même temps, il comprenait bien, car, bien évidemment, Osgeir et Ragnhild auraient fait de même si la situation avait été inversé. Même la fillette, qui, prenant conscience du cadeau qu'elle venait de recevoir, prit un teint écarlate sur ses joues et tendit sa bourse, fraîchement remplie, à son Bróðir chéri :
— Mais je peux payer Papi Parrain... Aïeuh !
La petite claque du Colosse derrière le crâne de sa nièce n'était pas volé. Après tout, n'avaient-ils pas déclaré que la question de son héritage et de ce qu'elle voulait en faire avec se fera que lorsqu'elle sera majeur ? Pas avant !
Bref. La petite troupe se trouva enfin dehors, hors de la banque de Gringotts ; sortir de ce lieu était presque libérateur, comme s'il laissait derrière eux la souffrance de l'absence d'Almar et d'Eleonor. Il y avait aussi cet étrange sentiment désormais logé au creux de leur poitrine, le sentiment d'accomplir une volonté. Marcher en ce moment même dans leurs pas. Nul doute, que s'ils étaient encore de ce monde, le jeune couple serait en ce moment même là, au milieu de la grande Allée du Chemin de Traverse, aux côtés de leur enfant, de cette petite Eirian qui sentit ce moment de flottement. D’amertume. Ses petites mains glissèrent dans la paume de Ragnhild et Osgeir. Ils serrèrent leurs doigts. Promesse scellée.
Slug & Jigger pour commencer ? Parfait. Ragnhild devait justement s'y rendre. La clochette tinta à leur entré et si Eirian eut les mirettes plein d'étoiles, le regard de la Völva, elle, se posa directement sur l'apothicaire. Un sourire échangé, des salutations sincères, faut dire que la Maîtresse des Runes était une cliente fidèle. La discussion tourna rapidement sur Orwenn, sur sa santé, et la petite Eirian. Étonnement du gérant : ainsi ils laissaient l'enfant suivre des cours à Poudlard. Soupir de Ragnhild, résignée. Puis vint les affaires et la femme à la chevelure flamboyante passa la liste des ingrédients que le vieux Druide lui avait passé plus tôt. La petite Sorcière, elle, devait se dépatouiller avec sa propre liste avec son Bróðir chéri tandis que le Colosse observait tranquillement les étagères.
L'enfant passa ses mains sur la surface du chaudron, les joues rougies ; quelque chose se produisit dans le regard de la fillette quand Orion lui présenta l'objet. Outre de l'émerveillement, il y avait du rêve, un espoir, une excitation d'accomplir quelque chose. Là, sous ses doigts, elle tenait une partie de son avenir : cela faisait un moment qu'elle y pensait, depuis cette histoire de lettre, l'idée que l'école pourrait l'aider à devenir une grande potionniste faisait son petit chemin. Et là, c'était son chaudron qu'elle tenait. Son chaudron à elle rien que pour elle ! Et elle se voyait, là, à y faire des potions.
— Mais dans la lettre, il disait qu'il fallait un chaudron en étain... C'est pas grave si c'est en laiton, Bróðir ? Tu crois que je pourrais faire tout plein de potions avec ? Je peux faire quoi comme potion ?
Faut dire qu'elle s'y connaissait pas beaucoup dans ce domaine, craignant par ailleurs de s'attirer la colère de Poudlard si elle ne prenait pas le bon chaudron demandé. Et, de cette ignorance, elle n'avait guère une idée de quoi accomplir comme cataplasme obscur dans ce chaudron. Ce même chaudron où on y déposa une boite de fioles en verre. L'enfant afficha un sourire rayonnant, remerciant son Oncle qui avait trouvé une des fournitures demandée sur sa liste. Elle s'empressa, armée de son petit crayon qu'elle sortit de sa petite besace, de rayer l'objet en question sur le papier.
— C'est ici Bróðir qu'on achète aussi la balance de cuivre et le télescope ?
Son petit regard s'empressa de vagabonder sur les étagères à la recherche des fournitures, mais peut-être que son Orion savait exactement où les trouver en plus de la conseiller ? Ragnhild, de son côté, discutait tranquillement auprès de l'apothicaire. Ils semblaient être des connaissances au vu de la familiarité de leurs discussion, passant en saute-mouton, tout en servant la Völva, sur la santé d'un des membres du village, sur la crise pour trouver certains ingrédients, sur quelques projets de cataplasme qu'avait Orwenn avec ceux demandés sur sa liste, sur la chaleur estivale qu'il y avait en Ecosse, l'affaire de peaux d'Osgeir et des cuirs d'Aslak, pour dériver sur la petite Eirian et du, ah quelle émotion quand même que la préparation à sa première année pour Poudlard, mais l'angoisse aussi de voir partir nos petites progénitures loin de la maison avec les tensions du Monde Magique actuel ! Bref, Ragnhild semblait bien plus accueillante et chaleureuse qu'elle ne l'était à d'habitude...
« Chaton, va. » murmure Orion devant cette scène attendrissante. Osgeir a sans doute réfréné un peu vite la volonté de payer d’Eirian, l’intention n’en était pas moins touchante. Les Fleury auraient refusé tout argent des Verbanae. Les années suivantes, ma foi, on verra bien si une contribution est demandée pour les livres. Ils seront toujours à temps de lui offrir des livres d’occasion, solution satisfaisante pour toutes les parties. La petite troupe profite de la boutique de potions. Peut-être trop ?
S’il n’avait pas peur d’une claque venue de Völva (la même derrière la tête que celle qu’a reçue Eirian ? Très peu pour lui), Orion lui ferait peut-être remarquer que la sorcière se montre aimablement loquace avec le vendeur de Slug & Jigger. Mais on ne se méfie jamais trop. Il n’était encore qu’un gamin lorsque ses parents l’ont emmené voir la communauté des Highlands et il a eu l’instinct de survie de rester à bonne distance de cette dame aussi respectable qu’inquiétante. Maintenant que du temps a passé et qu’il se montre volontiers déraisonnable, il conserve suffisamment de prudence pour s’en tenir à distance. Il ne cache en revanche pas son amusement : c’est plus fort que lui. Il n’a certes pas beaucoup essayé de se réfréner.
« En quoi ? En étain ? » il se penche pour regarder la liste avant de pousser un profond soupir. « Quelle bande de bonnets de nuits. » Il transfère les fioles apportées par l’oncle dans un chaudron qui correspond au cahier des charges de Poudlard. Mais sa proposition était très bien, qu’on se le dise. « Allez, va pour celui-ci. Il sera aussi bien. »
Il recompte machinalement les fioles. Le compte y est. Certaines têtes blondes de Poudlard se voient offrir des gants de potionniste, pour protéger leurs mimines d’une éventuelle explosion. Il n’y croit guère. On s’en passe facilement. Il a, lui-même, encore ses dix doigts. Les potions demandent pourtant une patience qui lui faisait parfois défaut. Pire encore, les potions demandent de suivre un ordre précis, nulle place pour les dérobades, les incartades, les incursions, la flânerie. Il a toujours admiré ses camarades plus talentueux en la matière. Le voilà qui pense à @Lawrence Fawley. Le meilleur potionniste de leur promotion ? Il faudrait reprendre contact. Plus facile à dire qu’à faire. Même s’il est généralement prévisible, Orion est bien content que les Verbanae ne soient pas legilimens. Comment expliquer qu’il correspond avec un pensionnaire d’Azkaban ? Parce qu’il a l’esprit ouvert ? Pas sûr que l’argument fasse mouche.
« Il y a différentes sortes de potions. Certaines sont puissantes, d’autres aussi bénignes. La pimentine permet de guérir les coups de froid de saison, elle est utile pour tout un chacun, mais l’est particulièrement pour les personnes âgées. Je ne crois pas qu’elle soit recommandée pour les nourrissons. Il y a des potions qui soignent les plaies. Les possibilités sont très nombreuses. Les moldus ont mis bien plus de temps à développer un équivalent de potions, sous forme de petites doses solides qu’ils appellent des cachets, ou sous forme de dosettes à injecter qu’ils nomment vaccins. Lorsqu’ils ont développé de telles choses, il a été plus facile pour eux de maintenir beaucoup d’autres moldus en vie. Nous nous en rendons moins compte en tant que sorciers. Disons que les dangers ne sont pas les mêmes. Je ne crois en revanche pas que tu apprendras à faire de telles potions dès la première année. Mais c’est essentiel de connaître les bases. Alors, un téléscope … »
La boutique s’enorgueillait de quelques exemplaires. Le briseur de sorts en inspecta plusieurs, reposant prestement ceux dont le prix lui semblait mirobolant. Est-ce que tout avait augmenté depuis qu’il était môme ? Ses sœurs et lui s’étaient prêtés un même exemplaire, au motif qu’ils ne regarderaient pas tous les étoiles en même temps et que, soyons honnêtes, ils ne seraient jamais dans la même promotion à Poudlard en l’absence de jumeaux. C’était un achat bien rentabilisé. Il parvint à trouver un modèle dont les prix lui semblaient redevenir raisonnables. Un peu empêtré, il préfèra le tendre à l’oncle de la fillette, tout en lui montrant le plus discrètement possible le prix. « Celui-ci me semble bien, non ? » Accessoirement, il est bon marché et c’est ça ou Mark and Spencer, l’ami.
« Et voilà une balance de cuivre. » La note sera plus salée que prévue, et il n’envisage pas de faire les yeux doux au vendeur. Ce sont au moins des investissements qui aideront la petite dans toute sa scolarité. Les Fleury seront toujours à temps de lui offrir ses prochains livres scolaires ; si la communauté des Highlands peut avancer les frais quelques années ils investiront sur les connaissances de l’ordre d’Hermès de la petite. Pourquoi diable se sent-il le besoin de se rassurer ainsi ? Sans doute a-t-il peur qu’ils ne fassent marche arrière. Eirian gagnerait tant à être une jeune sorcière de l’ordre d’Hermès, et à rencontrer des gamins de son âge. Il sait qu’il doit s’abstenir de calquer sur la jeune fille ses propres aspirations. Bon sang que ce doit être dur d’être parent sans être envahissant. Il n’est définitivement pas prêt.
Il est aussi tout seul, ce qui n’aide pas à la concrétisation d’un tel projet.
Ils sont prêts à faire de tels achats et en bon sorcier ne possédant pas de sac plastique (quelle belle invention moldue tout de même. Enfin, paraît que ça a ses limites), Orion sort d’une poche sans fond un sac de toile qui lui a un fond. Il va de soit que c’est un sac aux couleurs de la librairie, et qu’il est d’un volume suffisant pour que si vous le remplissez de livres, vous soyez heureux, ruiné, et sur le chemin de la scoliose. Le chaudron y trouve tout naturellement sa place, une fois qu’Orion a poussé la petite Eirian vers le comptoir en lui indiquant combien de noises et de mornilles règleront ses achats. Considérez ça comme un test pratique. Il ne manque pas de hocher la tête quand elle avance timidement le bon montant et l’aiguille en fronçant les sourcils si elle se trompe. Le vendeur ne se départit pas de son sourire. Orion ne peut que le comprendre. « Tu sais où on va désormais, poussin ? » demande-t-il en sortant de la boutique et en confiant à Osgeir le soin de porter le sac contenant le chaudron. « Te trouver une baguette magique. »
Oulah... Oulah ! Beaucoup d'informations d'un coup à assimiler ! L'enfant observait son Bróðir avec de grands yeux confus. Faut dire qu'Eirian, à l'origine, elle ne s'y connaissait pas dans le domaine des baumes ou des potions. C'est un domaine qui relevaient plus des membres de son clan ayant un certains âge et ayant une connaissance accrue de la flore. Et jusqu'à présent, elle qui voulait suivre les pas de son Oncle dans la voie du Garde-Chasse, elle ne s'était jamais posée la question, du moins pas sérieusement, du travail et du savoir nécessaire pour ce domaine. Pourquoi donc cette modification soudaine ? Peut-être pour mieux supporter sa prochaine scolarité ; il valait mieux s'y rendre avec des nouveaux objectifs, un projet en main, pour lequel on s'y plongera et on s'y motivera. Hors, l'un des classiques chez les Sorcier de l'Ordre d'Hermès sont les chapeaux pointus, les baguettes et les potions. Oui, la marmite qui fait Gloup avec des bulles et à la mixture loufoque et dangereuse. Oui c'est cliché. Parfaitement. Mais cela permit à la jeune Verbena de se demander : et si je faisais des potions alors ? Et de là à se rendre compte que, malgré son animosité envers cette lignée d'héritage familial, ces Sorciers avaient sans nul doute des connaissances à eux pour soigner les gens. Pour venir en aide à autrui, et surtout à sa famille : ça aide toujours les onguents. Surtout quand vous habitez dans une communauté aux moeurs et au quotidien aussi « rustique ».
Alors c'est ainsi que l'enfant s'était prise comme objective de devenir une grande potionniste, à choisir entre les différentes voies que pourraient lui ouvrir les études d'Apprentie Sorcière. Mais là, face à son Bróðir qui lui révéla un aperçu de ce qu'elle pourrait faire, Eirian se rendit compte à quel point elle s'entraînait dans une chemin semé d'embûches et difficilement praticable ; il va vraiment falloir qu'elle lise bien son manuel de potion et de botaniste avant sa rentrée pour ne pas s'y perdre et créer une solide base, comme le conseille Orion. L'enfant partit flâner dans les rayons avec cette idée en tête : travailler sérieusement ses compétences. Et c'était aussi excitant qu'effrayant, car à voir tout ce qu'il faut avaler comme connaissance, elle n'était pas sûr d'y arriver. Mais en même temps, c'était sous plusieurs années, non ? L'enfant hocha la tête, seule devant les marmites haut de gamme : oui, pas de panique, on ne construit pas un Empire en un seul jour.
En tout cas, cela rassura quand même Osgeir de voir l'enfant s'intéresser aux pratiques des Sorciers ; il sentait moins le poids de culpabilité sur ses épaules, moins ce regret de ne pas avoir jeté la lettre d'admission dans le feu de sa cheminé. Peut-être que sa nièce s'épanouira de suivre les pas de sa mère, après un certains temps d'adaptation, pour sûr.
Son regard se posa sur l'objet que lui tendait Orion. Le grand colosse le prit de sa large main d'un léger sourire ; cela faisait longtemps qu'il n'avait plus vu de télescope : lui regardait le ciel étoilé à l'oeil nu. Dire que maintenant on pouvait les faire pliés, cet objet n'avait plus rien à voir avec celui reposant dans le bureau du vieux Orwenn. Il analysa le prix, c'était quand même un coup. En réalité, aux yeux de leur communauté, tout ici semblait cher quand on vit avec quatre sous et où chaque noise avait son importance. Il soupira ; dire qu'au prix de ce télescope, ils pourraient faire des vivres herboristerie pour le village pour quelques mois ! Mais c'était un mal pour un bien : cet argent, ces dépenses, étaient nécessaires pour le futur de sa nièce. Et heureusement, par tous les Dieux, qu'il y avait son héritage financier !
— Ça me va... abdiqua-t-il doucement en lui rendant le télescope.
A l'approche de son Bróðir chéri, l'enfant lui tendit son chaudron pour qu'il dépose les nouvelles acquisitions. Ses grands yeux noisettes pétillaient de curiosité et d'émerveillement face à tous ces objets qu'elle allait devoir utiliser prochainement. Et qui sont à elle, en plus ! Son télescope, sa marmite et sa balance personnel ! La fillette n'ayant pas été élevé avec la notion du matériel et de la propriété - on partage tout dans le village - elle le vivait comme ayant acquis un véritable trésors. Son trésors. Assez coûteux par ailleurs. Sa Völva laissant enfin sa place auprès du vendeur après avoir acheté ce qu'on lui avait demandé, Eirian tenta de payer comme une grande fille. Ce n'était pas facile de lâcher cet argent, au fond, cela lui faisait un peu mal au coeur ; si seulement elle pouvait le garder pour son village. Et c'était peu naturel pour elle de lâcher autant de Mornilles. Au début, elle voulu faire l'acompte avec seulement des Noises, mais elle comprit rapidement, grâce à Orion aussi, qu'elle ne s'en sortirait pas avec seulement ces piécettes de bronze. A contre-coeur donc, encouragé et guidé par son Bróðir, elle donna la somme voulu. Ce fut un tel arrachement de coeur pour elle qu'elle se retrouva entre deux sentiment en sortant de la boutique : la satisfaction et le regret.
Osgeir n'eut aucun mal pour porter les affaires, l'enfant reprenant un peu d'air pour calmer cette petite boule d'angoisse : décidément, c'était quand même une épreuve pour elle de faire ses emplettes pour l'école des Sorciers. Elle avait l'impression qu'elle s'y rapprochait, fatidiquement, sans pouvoir faire marche arrière. Que ce projet devenait de plus en plus concret... Bien plus en sachant où ils allaient ensuite. L'enfant en blêmit, allant se blottir contre son Oncle en chouinant tout bas :
— Veux pas...
Le Viking déposa sa lourde main sur sa crâne d'un soupir, caressant doucement sa chevelure pour la rassurer. La Völva en fit de même, rajoutant d'une voix plein de tendresse :
— Trésor, il le faut... C'est ainsi. Tout comme tu ne peux concocter de potions sans chaudron, si tu veux rentrer dans cette école, il te faut cette baguette... — Je ne veux pas... Moi j'ai mes runes ! — Et tu as tout à fait raison mon coeur... Tu as tes runes et même quand tu auras cette baguette, tes runes seront toujours là. Tu ne vas pas les abandonner, ni les délaisser, quand tu te procuras ton nouveau focus, et cela ne va pas non plus effacer qui tu es. C'est juste... que tu dois avoir une place de plus dans ton coeur... Tu m'aimes à moi et Osgeir, non ? — ... oui... — Tu aimes Orion ?
Ses petits yeux larmoyant se posèrent sur son Bróðir chéri.
— Oui... — Nous as-tu délaissé et nous as-tu oublié en aimant Orion ? — Non ! — Tu as donc un gros coeur qui peut donner beaucoup d'amour... C'est comme pour ta baguette et tes runes, en faisant place à ta vie de Sorcière, tu n'effaceras pas ta vie de Verbena, Eirian...
La petite fille observa ses deux mentors, la réflexion faisait son petit bout de chemin derrière ce regard noisette. Elle comprenait la logique et au fond, cela la rassura. De se dire qu'elle restera une Verbena. Que ça ne changera rien entre ses runes et elle. Eirian prit une très grande inspiration et souffla lentement par le nez ; une manière comme une autre pour tenter d'évacuer ce stresse. De récupérer un peu cette énergie guerrière que son Oncle dégageait. Ça ira. Il le faut. Elle le faisait pour Papa et Maman. Après tout, n"était-elle pas une descendante d'une longue lignée de Verbena Islandais et de Vikings ? Ce n'est pas un petit bout de bois magique qui allait la mettre en déroute ! Gonflant courageusement sa poitrine, toute fière et remonté à bloc, elle se dégagea des jambes d'Osgeir pour se tourner vers son Orion.
— D'accord, on va prendre ma baguette...
Le Colosse lui ébouriffa gentiment sa tignasse pour la féliciter en silence, soulagé que sa nièce ait surmonté cette angoisse pour aller au devant de sa destiné. La Völva eut un sourire en coin, amusé par cette mimique de fillette sans peur pour endurer cette épreuve : brave petite.
— Et cela va nous permettre de terminer cette sortie avec les fournitures les plus cocasses...
L'enfant fit volte-face, sa curiosité toute titillée, ses grands yeux sombres se posant sur sa Völva :
— Ha bon ? Quoi ? — Tes vêtements de travail !
Eirian sortit la liste ; c'est vrai, il ne manquait plus que la baguette et des vêtements. Ses sourcils se froncèrent.
— On ne peut pas les coudre ?
Ragnhild secoua la tête.
— Le règlement vestimentaire est très stricte dans cette école et je n'ai guère le patron pour te le faire... — Ho... — Tu auras donc un véritable déguisement de Sorcière ! Je me demande comment t'ira ce fameux chapeau pointu !
Là, ça égayait Eirian qui poussa une exclamation d'excitation : elle voulait voir ce déguisement de Sorcière clichée ! Elle voulait essayer cet ignoble chapeau pointu ! De ce fait, elle suivit en sautillant Orion, le morale n'étant plus dans les chaussettes, arrachant un sourire à ces deux tuteurs, bien plus apaisé qu'elle à voir cet instant d'épanouissement, à l'aube de cette nouvelle vie qui les chamboulera à jamais.
«— Tu auras donc un véritable déguisement de Sorcière ! Je me demande comment t'ira ce fameux chapeau pointu !
« On pourra même te trouver un crapaud pour prendre une photo ! C’est ton parrain qui sera ravi de te voir comme ça. Les autres gamins qui viennent à la boutique et qui ont déjà tout l’attirail sont forcément moins mignons. »
Rassuré par la conversation qu’avaient les Verbanae, Orion ne rajouta pas son grain de sel. Eirian avait-elle l’air de retrouver confiance dans le projet ? D’être impatiente ? Suffisamment à son goût. Il faudrait qu’il vienne la voir régulièrement pendant cette première année. Il était presque certain qu’elle aurait des moments de doute. Pas sûr que Osgeir fasse le chemin, non qu’il n’aime pas sa nièce mais parce que Poudlard est désespérément loin de leurs mœurs.
Le sorcier se demanda s’il aurait dû chercher à procéder différemment. Offrir son propre télescope ? Ce n’était pas vraiment le sien, c’était celui des enfants Fleury, passé de main en main. Une chance qu’ils n’aient jamais été deux à avoir une séance d’astronomie en même temps. Ou plutôt, un principe de bonne gestion de leur père, tenant sa comptabilité professionnelle et familiale d’une main de maître. Il s’en était fallu de peu pour que les robes de scolarité ne soient passées d’un enfant à l’autre. Sa croissance rapide avait permis à Orion d’être plus chanceux que deux de ses sœurs. Il se souvenait sans mal des négociations lors du repas du soir. Non, il n’aurait décemment pas pu offrir ce microscope à moitié rouillé et qui avait subi les outrages du temps. La petite communauté Verbana pourrait toujours s’en servir lorsqu’Eirian serait en vacances parmi eux.
En tout cas, il ne se faisait aucune inquiétude sur l’utilité d’une baguette. S’il ne fallait retenir que, disons trois fournitures à emmener à Poudlard comme on emmènerait trois objets sur une île déserte, il aurait placé la baguette en premier. Puis le chaudron. Et puis il ne savait pas : la botanique ne requiert pas de matériel, l’astronomie c’est un peu barbant. J’aurais juste pris une baguette quoi, quand on voit comme Rogue était relou. songea-t-il. Il se garda de partager ce genre de pensées. — Tu auras donc un véritable déguisement de Sorcière ! Je me demande comment t'ira ce fameux chapeau pointu !
« On pourra même te trouver un crapaud pour prendre une photo ! C’est ton parrain qui sera ravi de te voir comme ça. Les autres gamins qui viennent à la boutique et qui ont déjà tout l’attirail sont forcément moins mignons. »
Etait-ce dû aux carreaux qui auraient besoin d’un bon nettoyage, ou est-ce un peu de nervosité, pour que les couleurs s’effacent si vite sur le visage d’Eirian ? « Bonjour Monsieur Ollivander. » Quelques banalités furent échangées. Relations de bons voisinages. Relations superficielles : pendant la guerre … Disons qu’ils n’avaient pas été certains de se trouver du même côté du Château lors de la bataille de Poudlard. Personne n’en parlait plus, ce qui était aussi bien. Ollivander était un expert dans ce qu’il faisait, Orion s’arrêtait à cet état de fait. Dahlia, pour exemple, l’aurait sûrement vécu différemment. Mais le briseur de sorts composait avec la volonté de faire le moins de vagues possible. « Eirian utilise déjà des runes. » Ollivander partit chercher un mètre. « Je veux bien te renseigner sur les cœurs des baguettes mais je n’ai aucune idée du rapport entre les mensurations des sorciers et la taille de leur baguette. C’est assez bluffant, je sais juste que ça fonctionne et voilà. Je n’avais pas encore fait ma poussée de croissance quand j’ai eu la mienne, et je l’ai trouvée assez encombrante au début. Elle marchait mais c’était pas génial. Quand j’étais en troisième année, j’ai commencé à me sentir vraiment à l’aise avec. J’ai des amis qui m’ont dit que c’était comme une paire de lunettes, mais j’imagine que ça ne t’aide pas beaucoup non plus. »
On plaça la gamine sur un tabouret. Mesure du nez, des bras. Sous l’œil désapprobateur de la vieille et du colosse. Il fallait reconnaître un certain aplomb à Ollivander pour faire ça sans sourciller. Il amena une première baguette. Orion se pencha pour parler à Eirian, posant une main sur son épaule. « Ce n’est que rarement la première baguette. On te l’a peut-être déjà dit, au cas où je te le redis. Ne t’en fais pas, tu sauras que c’est celle-là et pas une autre. » On plaça la gamine sur un tabouret. Mesure du nez, des bras. Sous l’œil désapprobateur de la vieille et du colosse. Il fallait reconnaître un certain aplomb à Ollivander pour faire ça sans sourciller. Il amena une première baguette. Orion se pencha pour parler à Eirian, posant une main sur son épaule. « Ce n’est que rarement la première baguette. On te l’a peut-être déjà dit, au cas où je te le redis. Ne t’en fais pas, tu sauras que c’est celle-là et pas une autre. »